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PetitePlume
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Chapitre 6 : La faille

La berline noire s’arrêta devant une bâtisse discrète, encadrée par de hauts murs en pierre et un portail métallique surveillé par des caméras dernier cri. À première vue, ce n’était qu’une belle maison de ville, bien entretenue, aux lignes sobres et modernes. Mais Garence sentit tout de suite que chaque détail était pensé pour la sécurité. L’endroit avait quelque chose de feutré, de maîtrisé. Aucun signe ostentatoire de luxe, mais un raffinement évident : la porte blindée s’ouvrait sur un hall épuré aux lignes claires, au sol en pierre naturelle, et aux éclairages tamisés.

Max s’effaça pour la laisser entrer, toujours aussi silencieuse. Garence jeta un regard circulaire autour d’elle. Un salon spacieux aux teintes douces, une cheminée contemporaine, un mobilier design mais confortable. Des touches de bois blond, quelques œuvres d’art minimalistes sur les murs. Tout respirait le calme, la retenue, et surtout... l’efficacité. Elle remarqua d’emblée les angles morts, les zones de couverture, les miroirs stratégiquement placés — ce n’était pas seulement beau, c’était intelligent.

— C’est ici ? demanda-t-elle simplement, sans ironie cette fois.

Max hocha la tête.

— Tu peux t’installer. Tu es en sécurité ici. L’accès est restreint. Deux équipes tournent en surveillance, et j’ai accès aux caméras 24h/24.

Garence laissa tomber son sac près du canapé, sans un mot. Elle détestait l’idée de devoir à nouveau s’habituer à un lieu inconnu, même s’il était manifestement plus agréable que le précédent. Mais ce n’était pas tant le lieu qui la dérangeait que la froideur de Max, ce mur invisible qui s’était dressé entre elles depuis l’embuscade.

Elle erra quelques instants dans le salon, observant les lieux à pas lents. Une cuisine ouverte, parfaitement équipée. Un escalier en bois menait à l’étage. Tout était impeccable, millimétré, impersonnel. Le genre d’endroit où l’on pouvait se fondre, se cacher… ou se perdre.

— Tu veux faire le tour ? proposa Max d’un ton professionnel, presque distant.

— Je ne suis pas une touriste, répliqua-t-elle doucement mais sans amertume.

Max pinça les lèvres, puis fit un pas de côté pour indiquer le couloir.

— Les chambres sont à l’étage. Il y en a deux. J’ai pris celle du fond. Tu peux choisir l’autre, ou prendre celle du rez-de-chaussée si tu préfères.

— J’imagine que celle près de toi est plus facile à surveiller ? dit-elle, le regard posé sur lui, calme mais lucide.

Il soutint son regard un bref instant, puis acquiesça.

— C’est le cas.

Elle monta les marches sans répondre. L’étage était baigné d’une lumière douce filtrée par des stores élégants. Dans la chambre qu’elle choisit, le lit était large, la literie immaculée. Un dressing vide l’attendait. Une salle de bain attenante, tout en marbre clair et chrome, offrait une douche à l’italienne, une vasque design, et des serviettes soigneusement pliées.

Tout était parfait. Trop, peut-être.

Garence s’approcha de la fenêtre et écarta légèrement le rideau. Dehors, le jardin était soigneusement taillé, sans aucune ouverture vers l’extérieur. Un cocon sous surveillance.

Elle soupira, puis retourna s’asseoir sur le lit. Ses épaules étaient lourdes. Pas à cause du stress, pas cette fois. Mais à cause de ce silence entre elle et Max, devenu plus pesant encore que les murs de béton de la planque précédente.

Garence descendit lentement les marches, les cheveux encore humides. Elle trouva Max dans la cuisine, une tasse de café à la main, le regard braqué sur la fenêtre comme si elle surveillait une tempête invisible. Elle s’appuya contre l’encadrement de la porte, bras croisés.

— Sérieusement ?

Max se tourna vers elle, un peu surprise.

— Quoi ?

— C’est tout ? Tu vas faire comme si de rien n’était ? Comme si t’avais pas passé la nuit à côté de moi, à me murmurer que tout irait bien, et maintenant tu redeviens ce robot glacial ?

Max baissa les yeux vers sa tasse.

— Garence…

— Non, tu vas m’écouter. Parce que là, j’en ai ras-le-bol de ce manège. Tu te livres une fois, tu me parles de ton passé, de ta foutue douleur, et après tu me claques la porte au nez ? Faut savoir, Max. Tu veux que je sois là ou pas ?

Elle soupira, reposa sa tasse, mais Garence ne la laissa pas en placer une.

— Un coup tu me regardes comme si j’étais la seule chose réelle dans ce foutu monde, et le lendemain, tu deviens froide, distante, presque hostile. Je suis pas une gamine paumée à protéger, Max. T’as pas le monopole des cicatrices.

Max releva les yeux, touchée malgré elle.

— J’ai jamais dit ça…

— Non. T’as rien dit du tout. Et c’est bien le problème. Tu crois que tu peux tout garder en toi, tout contrôler… mais t’as peur, Max. T’as peur que je m’attache, peur de t’attacher. Et tu préfères m’éloigner plutôt que de risquer de ressentir quelque chose.

Max releva la tête, un éclair de douleur traversant ses yeux. Elle s'approcha de Garence d'un pas, mais une barrière invisible les empêchait de se rapprocher davantage. Elle détourna de nouveau le regard.

— C’est pas ça, Garence. C’est pas que je ne veux pas. C’est… je dois garder une distance, une distance professionnelle.

Elle prit une inspiration, comme si chaque mot la coupait. Elle savait que ce qu’elle disait allait blesser, mais c’était plus fort qu’elle.

— Je suis censée te protéger. C’est tout ce que je peux faire. C’est tout ce que je sais faire. Et si je laisse mes sentiments prendre le dessus… je risque de te mettre en danger.

Garence resta silencieuse un instant. Les mots de Max résonnaient dans sa tête, mais quelque chose ne collait pas. Quelque chose qu'elle refusait de comprendre, de laisser passer.

— C'est donc ça ? Tu crois que ça me met en sécurité, toi qui me repousse chaque fois qu'il y a quelque chose d'important, d'humain entre nous ? Que je me sente à l'abri derrière tes murs de glace ?

Garence s'approcha de Max, fermement, presque avec un défi.

— Si t'as peur d'avoir des sentiments, si tu penses que ça va tout foutre en l'air… alors dis-le. Mais arrête de me traiter comme une inconnue. Je ne veux pas être un dossier à classer, un simple cas à protéger. Si t’as besoin de garder tout ça pour toi, c’est ton choix, mais ne me fais pas payer pour ton incapacité à te laisser… ressentir.

Le silence qui suivit était lourd. Max la regarda enfin dans les yeux, son regard trahissant la lutte intérieure qu'elle menait. Elle semblait épuisée.

— Tu es là pour moi, Garence. Je le sais. Mais… ça ne change rien. C’est pas toi, c’est… ce que je fais. Ce rôle. Je suis censée être celle qui tient les rênes, qui contrôle tout. Laisser entrer des émotions, des sentiments… c’est dangereux.

Garence s’arrêta juste devant elle, une dernière étincelle dans ses yeux.

— Et toi, Max ? Tu crois qu’en restant figée, en étant cette « professionnelle » sans faille, tu vas pouvoir m’empêcher de t’aimer ?

Les mots frappèrent Max comme un coup de poing. Elle ne savait plus comment répondre. La vérité la frappait de plein fouet, et pourtant, elle ne savait pas comment l'accepter.

Un long silence. Max baissa la tête, son visage fermé, mais son cœur battait la chamade. Elle se sentait brisée, mais aussi irrémédiablement attirée par cette femme qui lui faisait comprendre qu’il était peut-être temps de cesser de fuir.

Et pour la première fois, elle laissa sa voix trembler.

— Je te mets en danger, Garence. Rien que d’être proche de toi… je pourrais te perdre.

Garence répondit doucement, presque à peine audible.

— Peut-être qu’on a tous quelque chose à perdre. Mais ça ne veut pas dire qu’on doit se fermer, Max.

Le regard de Max se perdit à nouveau dans le vide, et pourtant, une petite fissure, presque invisible, commença à se former. Elle ne savait pas encore comment, mais quelque chose en elle commençait à changer.

Alors que Garence se reculait lentement, cherchant à digérer tout ce qu'elle venait de dire, son téléphone vibra soudainement sur le comptoir. Max se figea, un frisson d'anticipation parcourant sa nuque. Elle s'empressa de décrocher, jetant un coup d'œil furtif à Garence qui la fixait avec une intensité qu'elle ne pouvait ignorer.

— Max, c'est Thomas, annonça la voix familière de son supérieur à l'autre bout du fil. Il y a un problème.

Max fronça les sourcils, serrant un peu plus fermement son téléphone.

— Qu'est-ce qu'il y a ? demanda-t-elle, son ton déjà tendu.

— On a une taupe dans l'entourage du ministre. Quelqu'un de très proche de lui, quelqu'un qu'on n'a pas encore identifié, mais l'alerte a été lancée.

Un silence pesant s'installa entre eux. Max ferma les yeux un instant, prenant la mesure de la situation.

— Tu veux qu’on fasse quoi ? s'enquit-elle, le cœur lourd de la lourdeur de la tâche.

— Rester où vous êtes pour l'instant. Le ministre a donné son accord pour prolonger votre présence ici, une semaine maximum. Vous allez devoir garder un profil bas et sécuriser chaque mouvement. Toutes les communications devront rester restreintes à l’équipe déjà en place, y compris moi. Aucun contact extérieur. J'ai vérifié les antécédents de chacun, tout est en ordre, mais il faut rester vigilant.

Max serra les poings, le stress montant en elle.

— Et Garence ? demanda-t-elle, un éclat d'inquiétude dans la voix malgré elle.

— Elle est protégée, Max. Mais le ministre ne plaisante pas. Il veut résoudre cette affaire au plus vite. Chaque faux pas pourrait compromettre tout ce qu'on a fait jusqu'ici.

Max laissa échapper un soupir, conscient de la pression énorme qui pesait sur elle. Elle se tourna alors vers Garence, qui l’observait silencieusement.

— Je comprends, Thomas. Une semaine, tu dis ? Je vais faire le nécessaire.

— Bien. Je te tiendrai informée de l’évolution, mais reste sur tes gardes. Toute erreur pourrait coûter cher.

Le téléphone coupa, et Max resta quelques secondes sans bouger. Garence, les bras toujours croisés, l’observait intensément.

— C’est sérieux, alors, dit-elle finalement, le ton presque fataliste.

Max acquiesça, un air plus grave sur le visage.

— On reste ici, pas le choix. Mais une fois que cette histoire sera réglée, on pourra repartir. Une semaine au maximum.

Elle chercha son regard, comme pour vérifier qu’elle comprenait bien l’importance de la situation.

Garence hocha la tête, le visage durci. Elle se contenta de murmurer :

— D'accord. Une semaine.

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