Elijah s’était arrêtée devant l’entrée du restaurant. La façade de La Table Enchantée était accueillante, mais elle n’avait pas ce côté chaleureux qu’elle avait espéré. Les lumières blanches et les lignes nettes de l’enseigne lui rappelaient un endroit plus professionnel qu’intime. Un endroit où l’on attendait que tu sois à la hauteur. Un endroit où il n’y avait pas de place pour les erreurs.
Elle avait respiré profondément. C’était son premier jour, et une vague de nervosité l’avait traversée. Elle avait ajusté sa tenue et passé une main dans ses cheveux pour les remettre en place. Elle avait regardé ses mains tremblantes. Ce job, c’était sa chance, son échappatoire, mais elle avait peur. Peur de ne pas être à la hauteur.
Elle avait poussé la porte, traversé la salle, et elle s’était retrouvée face à un long comptoir, derrière lequel des employés s’affairaient. L’odeur de la nourriture avait envahi ses narines. Tout était en mouvement, organisé, rapide. C’était le bruit de la vie, du service, de l’efficacité. Le chaos maîtrisé.
Le manager, Nassim, se tenait derrière le comptoir avec une posture droite et assurée. Il semblait absorbé par les écrans de la cuisine, les commandes qui défilaient, les signaux de service qui s’illuminaient. Lorsqu’il avait levé les yeux, Elijah s’était figée un instant sous son regard perçant. Il avait la trentaine, mais son regard paraissait bien plus vieux, presque fatigué par les années à diriger des équipes dans ce cadre effervescent. Son visage était impassible, comme celui d’un homme habitué à gérer la pression sans jamais se laisser déstabiliser.
Il avait déposé une pile de papiers sur le comptoir avec un léger bruit sec, puis levé à nouveau les yeux vers Elijah.
« Bonjour. Tu dois être Elijah, c’est ça ? » Sa voix était grave, calme, presque froide. Pas de sourire, pas de chaleur, juste un constat. Il l’avait jaugée un instant, sans jugement, juste une observation neutre.
Elijah avait hoché la tête, gênée par le manque de chaleur dans ses paroles. Elle s’était sentie d’autant plus maladroite, ses mains toujours un peu tremblantes. Il lui avait alors tendu un badge avec son prénom inscrit dessus, sans un mot de plus.
« Bien, tu es affectée à la cuisine pour ton premier service. Suis-moi. »
Elle l’avait suivi à travers le restaurant, se faufilant entre les tables où les clients parlaient joyeusement, certains riant, d’autres discutant à voix basse. Puis ils étaient arrivés à un vestiaire étroit.
« Change-toi ici. Tu trouveras un uniforme qui te va dans le casier. Et sois prête dans quinze minutes. »
Elijah était restée là, un peu perdue. Elle avait imaginé une rencontre plus chaleureuse, peut-être un mot de bienvenue, un sourire. Mais tout ce qu’elle avait eu, c’était une froide efficacité. Et quelque part, cela l’avait un peu rassurée. Elle n’avait pas besoin de sympathie ici, juste de faire son travail.
Nassim avait disparu aussi vite qu’il était apparu, laissant derrière lui une sensation d’inaccessibilité.
Elijah avait pris une inspiration profonde. L’espace était petit, mais suffisamment grand pour qu’elle puisse se calmer un peu. Ses yeux s’étaient posés sur les autres employés qui s’y changeaient en silence. Elle s’était installée dans un coin, avait ouvert un casier, et enfilé son uniforme. Elle avait essayé de se détendre. Elle allait devoir travailler dur pour ne pas laisser sa nervosité transparaître.
Mais ce n’était pas la peur qui la paralysait, c’était la solitude. Elle savait qu’il y avait des gens autour d’elle, mais cela n’empêchait pas qu’elle se sente un peu perdue dans ce monde encore étranger.
Elle s’était regardée une dernière fois dans le miroir du vestiaire. Ses yeux étaient fatigués, et elle ne savait pas si c’était à cause des heures de sommeil manquées ou de la pression qu’elle ressentait.