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1 - ✿ 1. 𝙈𝙖 𝙥𝙚𝙩𝙞𝙩𝙚 𝙥𝙚𝙧𝙨𝙤𝙣𝙣𝙚...
2 - ✿ 2. 𝙇𝙚 𝙧𝙚𝙜𝙖𝙧𝙙 𝙦𝙪𝙞 𝙩𝙪𝙚 𝙤𝙪 𝙥𝙧𝙚𝙨𝙦𝙪𝙚...
3 - ✿ 3. 𝙈𝙞𝙚𝙪𝙭 𝙨𝙚𝙪𝙡 𝙦𝙪𝙚 𝙢𝙖𝙡 𝙖𝙘𝙘𝙤𝙢𝙥𝙖𝙜𝙣𝙚...
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✿ 2. 𝙇𝙚 𝙧𝙚𝙜𝙖𝙧𝙙 𝙦𝙪𝙞 𝙩𝙪𝙚 𝙤𝙪 𝙥𝙧𝙚𝙨𝙦𝙪𝙚...


ABIGAIL

Je me réveille en sursaut. 6h30. L’heure où ma vie reprend.
Comme chaque matin, je me prépare machinalement, en avance pour ne pas changer. Tout est prêt. Et pourtant, je reste là, figée, devant mon miroir.

Ce que je vois ne me plaît pas.
Depuis la rupture, j’ai fondu. Je le savais, mais je ne mesurais pas l’ampleur du dégât.
Ma peau colle à mes os, mes clavicules ressortent, mon visage s’est creusé. Un air fermé que je ne reconnais même plus. Ce n’est plus moi, celle que j’aime montrer aux autres. Derrière les sourires, derrière les rires. Mon enveloppe corporelle me trahit. 

Je sais que je me maltraite. Que je ne fais aucun effort pour me relever.
Mais je n’en ai pas la force. Enfin plus, j’ai trop donné pour cette pauvre existence.
Il est parti avec tout ce que j’avais : ma volonté, ma joie, ma capacité à croire en moi.

Et je le hais pour ça. Pas pour m’avoir quittée. Mais pour ce qu’il a détruit en partant. Celle qui l'a laissée derrière lui, sans un regard, sans un mot tendre.
Je me dégoûte d’avoir été aussi dépendante de lui. D’y avoir cru aussi longtemps.
Alors je préfère faire semblant. Le déni est plus confortable que la lucidité. 

Je pars au lycée. Mes cheveux blonds volent dans le vent, parfaitement lissés, c’est la seule chose que je sauve encore de moi. Hérités de ma mère, comme elle les tient de la sienne. Une chaîne silencieuse entre les femmes de ma famille.
Parfois, je rêve que mon enfant les aura aussi. Une façon de faire perdurer quelque chose, même dans le chaos. Une chose de bien. 

Mes amies m’attendent, fidèles au poste.

— Salut Abi ! Lancent-elles en chœur.

Je leur souris sincèrement. On monte ensemble les innombrables escaliers de notre lycée rénové. Mon corps me rappelle sa faiblesse à chaque marche, mais je ne dis rien. Je n’ai pas envie de les inquiéter.

— Alors, comment vas-tu ? Me demande Nora.
— Je ne sais pas trop… mais mieux, je crois. Et toi ?

Je ne suis pas sûre de croire ce que je dis. Mais peut-être que si je le répète assez souvent, ça deviendra vrai.

 — Crevée, je suis sortie hier... Tu ne devineras jamais ce qui s’est passé !

Je ris doucement. Nora a ce don de me faire oublier le reste. Elle rayonne. Belle, extravertie, vive. Son carré noir encadre son visage doré comme dans une pub de parfum. Et pourtant, elle se dévalorise constamment. Alors que tout le monde la regarde : hommes, femmes, tout le monde.

— Qu’est-ce qu’elle a encore fait, celle-là ? Rigole Julie.
— On saura ça en anglais, dis-je. C’est pas comme si le cours était passionnant.
— Bien-sûrrr ! Hurle Nora en nous attrapant les mains.

On commence la journée avec deux heures de maths. Longues, denses, épuisantes.
Au bout d’une heure, je sens un regard insistant. Des frissons me parcourent. Je lève les yeux. Rien. Peut-être une fausse alerte.

Je replonge dans mes équations.

Quand la cloche sonne, on file en anglais. Hâte d’avoir des bonnes places pour entendre Nora nous raconter sa soirée.

La salle est déjà à moitié pleine. Et bien sûr, il est là.
Livio. Celui que je ne supporte pas. Celui qui m’a brisée encore plus que mon ex. Mais lui aime faire les choses lentement, enfin aimait. Cela fait un moment qu’il ne s’en est plus pris à moi. 

On ne s’est jamais entendus, sans même vraiment se parler. Il dégage une hostilité glaciale, une âme dévastatrice. Au collège, il se moquait de moi. Puis un jour, sans prévenir, il a arrêté. Et j’ai savouré ce silence. Un moment de paix, qui m'a permis de vivre, un peu.
Depuis, je l’évite comme la peste. Son regard suffit à me faire détourner le mien. Je ne sais pas ce que je lui ai fait. Je ne veux même pas le savoir. Du moment qu’il reste loin de mon âme, tout ira bien. 

Je passe devant lui, et pour la première fois depuis des années, j’entends sa voix, basse, toxique :

 — Hmmm… Ce bruit, c’est quoi ? Ah oui. Le craquement de ses os. Elle est tellement sèche.

Je me crispe. Mes ongles s’enfoncent dans mes paumes. Ne pas réagir. Ne pas lui donner ce plaisir.
Julie, elle, lève son majeur en passant. Et ça me fait sourire.

Julie est douce, discrète. Son geste est une déclaration de guerre silencieuse. J’en suis reconnaissante. Rare sont les moments où elle entre en conflit avec une personne. 

Elles sont ma famille. Nora, Julie. Depuis le collège, elles sont là. Inébranlables. Sans elles, je ne suis plus qu’un brouillard. Qu’une âme vide. 

Nora commence son récit. C’est drôle, comme toujours. Elle a rencontré un mec en boîte, évidemment.
Mais quelque chose me gêne à nouveau. Ce regard, pesant. Comme tout à l’heure.

Je lève la tête.

Et je le vois. Livio. Son regard fixe, droit dans le mien.
Son sourire est glacial, presque cruel.

Je fronce les sourcils. Il détourne les yeux, chuchote quelque chose à son ami, puis ils rient tout en me regardant.
Je n’ai pas besoin d’en entendre plus pour comprendre. Ils rient de moi. 

Et pourtant, ses mots me reviennent. Me piquent. M’empoisonnent.

— Abi ? Ho ho ? Tu m’écoutes ? me lance Nora.
— Désolée, Nono… J’ai décroché.

Son regard dit qu’elle a compris. Qu’elle sait. Elle ne me juge pas. Elle est juste là. Et c’est déjà énorme. Jamais je ne pourrais les remercier. 

La journée s’écoule, je rentre à pied. Le calme me fait du bien. Vingt minutes seule avec moi-même.

Chez moi, tout est noir. Comme souvent.

Maman n’est pas là. Elle travaille trop. Dort au boulot, soi-disant "pour être plus efficace".
Je n’y crois plus vraiment.

Je mange un peu. Je me douche. Et je vais me coucher.

Ma vie, depuis Noël, se résume à ça : attendre. Laisser les jours passer.
La vie peut être cruelle, surtout avec ceux qui n’ont rien demandé.
Mais on fait avec. On se tait.
Si je parle, on me prend pour une fille dramatique, en manque d’attention.
Alors j’écris. Parce que parfois, j’aimerais juste qu’on me dise quoi faire. Comme quand on était enfant. 

Si seulement je m’en souvenais…

Je ferme les yeux.
Et j’espère. Juste un instant. Que mon imagination me construise un monde où je vais bien.

Un endroit qui n’existe que dans mes rêves.

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