Lily
Les premiers rayons du soleil passent Ă travers les feuilles, surplombant mes paupiĂšres afin que je sorte de ma lĂ©thargie. MalgrĂ© les conditions de repos, tout Ă©tait extrĂȘmement confortable et doux. Il n' y a pas eu le froid pour me dĂ©ranger, ou mĂȘme le sol trop dure pour m'infliger un mal de dos sans prĂ©cĂ©dent. Non, au contraire, j'aurais mĂȘme envie de le refaire si c'est pour avoir cette mĂȘme sensation en Ă©tant Ă la belle Ă©toile. Expirant lourdement, j'ouvre doucement les yeux, essayant d'habituer ma vue Ă la vivacitĂ© de la verdure sous l'humiditĂ©. Les gouttes ruissellent sur les feuilles, scintillant grĂące aux rayons du roi du ciel. C'est juste le paysage qu'il faut admirer et insuffler afin de sentir un baume d'Ă©nergie nous recouvrir les muscles pour commencer la journĂ©e.
Mais lĂ , tout ce que j'avais envie de faire c'est de l'admirer.
N'ayant ni trop chaud, ni trop froid, je raffermis ma prise sur le vĂȘtement qui entoure mes Ă©paules, profitant de l'harmonie de la forĂȘt de la scĂšne qu'elle me donne dans la douceur du tissu. En soit, elle est complĂštement diffĂ©rente du visage presque effrayant qu'elle me donnait hier soir. Pour une fois j'ai juste envie de rester lĂ et de m'y aventurer jusqu'Ă ce que je dĂ©cide qu'il est le temps d'y aller.
Sans pression et seulement quand je l'aurais décidé.
Sans ces obligations royales à l'esprit et sans les devoirs royaux qui alourdissent mes épaules en plus des mystÚres.
Juste lĂ , entre ces feuilles et sous le soleil.
Profitant du parfum et de la chaleur corporel-
â Finalement il Ă l'air de te plaire ce manteau...mĂȘme s' il m'appartient.
Je sursaute, Ă©carquillant les yeux d'un coup alors que je me relĂšve prĂ©cipitamment vers mon soudain interlocuteur. Debout sur ses deux pieds, celui-ci incurve ses lĂšvres en un rictus amusĂ©, croisant ses bras pendant qu'il m'observe de haut. Chapeau haut de forme dans une main, il penche la tĂȘte lĂ©gĂšrement sur le cĂŽtĂ©, haussant un sourcil sĂ»rement en train de se moquer de ma gĂšne.
â Prise sur le fait ? Tu sembles aimer me voler mes affaires.Â
â Tu m'as dit toi-mĂȘme que j'avais besoin de la dague pour me dĂ©fendre!
â Cela n'annule pas ce que je viens de dire, rĂ©pond-t-il du tac au tac.
Sentant l'agacement montĂ©, je roule sa veste en boule avant de la lui jeter Ă la figure. Il a un moment de planement, avant de dĂ©croiser ses bras et d'enlever d'une main le vĂȘtement de son visage. Je me lĂšve, croisant les bras Ă mon tour.Â
â Tiens, bon dĂ©barras ! Je n'ai plus besoin de ton aide de toute façon. Merci, au revoir!
Tournant les talons, je me tourne pour récupérer le reste de mes affaires. Mais alors que je tends la main, celle-ci est prise puis relevée d'un coup, ce qui me pousse à le regarder de nouveau. Cette fois-ci, ses traits sont tendus, frustré par quelque chose qu'il n'avait pas prévu dans sa paire de manches. Ses pupilles me scrutent de haut en bas, luisent d'une lumiÚre vive avant que celle-ci se calme une fois qu'il capte mes prunelles. Qu'est ce qui lui prend ?
Me relùchant, il se gratte l'arriÚre du crùne regardant ailleurs un moment. Perdu, mais aussi sur le point d'exploser, je me retourne me dégageant de sa prise, attrapant de l'autre main ma sacoche avant de me précipiter vers Hazzle sans plus attendre. Je peux sentir son regard sur moi, pendant que je resserre les sangles de la selle de ma jument, persistant comme s' il attend, mais aussi, réfléchis.
Comme si il est actuellement dans l'urgence.
DĂ©mĂȘlant la criniĂšre d'Hazzle, je me prĂ©pare Ă monter quand sa voix finalement me parvient aux oreilles.
â Tu ne peux pas partir maintenant.
Sifflant, je retire ma plante de l'Ă©trier, un pas en sa direction en signe d'avertissement, mais aussi de dĂ©fis. Je me tiens l'arrĂȘte du nez.
â Je m'en contre-fiche.
â Tu as une dette envers moi Rosa Mea.
Je le regarde interloquĂ©, l'abasourdissement paraissant sur ma face Ă mesure que je digĂšre chaque syllabe sortant de ses lĂšvres. A-t-il perdu la tĂȘte ? J'aimerai bien que ce soit sur le ton de la blague, mais le sĂ©rieux qui passe dans ses yeux est assez pour me dire qu'il est loin de rigoler. A croire que si je dĂ©cide maintenant de m'Ă©chapper, il va faire sortir ses fer et me traĂźner comme il l'a fait hier jusqu'Ă ce qu'on arrive lĂ oĂč il veut aller. LĂ maintenant, j'essaye juste de me souvenir de quelle soi-disant dette je lui dois car j'ai l'impression d'avoir passĂ© un chapitre.Â
â Si c'est par rapport Ă ton jardin, je te signale que c'est toi qui a rompu ce marchĂ©, je grogne. En aucun cas, je compte revenir et croupir pour me faire tuer.
â Je ne parle pas de ça.
Ătendant son doigt dans ma direction, celui-ci pointe ma cuisse, ma blessure encore fortement recouverte par le garrot. StupĂ©faite, je baisse les yeux Ă mon tour vers le bout de matiĂšre qui recouvre ma plaie avant de le refixer mĂ©fiante. Je m'attends Ă tout avec lui, gĂ©nĂ©ralement au pire. A un point oĂč j'en viens mĂȘme Ă me demander s'il n'a pas lancer une sorte de sort oĂč verser quelque chose sur ma peau afin de me consumer Ă petit feu sans que je le sache. Avec lui c'est toujours entre deux extrĂȘmes, et aprĂšs tout ce que j'ai dit hier j'aurais dĂ» m'en douter un minimum que cette gentillesse n'Ă©tait qu'un voile qui cachait la vraie menace. Il fait ça Ă chaque fois. Et chaque fois d'une certaine maniĂšre je tombe dans le piĂšge.
Par Leibrum, j'aimerai juste savoir pour une fois ce qu'est ce qui lui passe par l'esprit.
Juste une seule fois.
Raclant ma gorge, une main qui tremble comme une feuille sous l'effet, je porte ma main sur un cĂŽtĂ© du nĆud avant de reposer mes yeux sur Drale. Celui-ci me regarde faire, Ă©tudiant mon geste avec attention, tout en attendant sĂ»rement que je vois le rĂ©sultat de son Ćuvre. La seule chose qui diffĂšre, c'est son sourire frivole qui a complĂštement disparu de son visage depuis que je lui ai dit que j'allais partir.
â A quoi je dois m'attendre ? je demande, essayant de retarder le pire. Un sort ? Une infection ?
Il se crispe avant de rouler des yeux avec nonchalance.
â Pourquoi tu ne le dĂ©couvrirais pas toi-mĂȘme trĂšs chĂšre ? Les surprises sont mieux quand on ne les gĂąche pas.
Plissant mon regard, une montĂ©e d'adrĂ©naline me monte aux tripes et je finis par tirer d'un coup, dĂ©faisant l'attache du vĂȘtement complĂštement tachĂ© de sang.
Ma coupure est bien lĂ . Imposante, laissant une cicatrice beige sur ma cuisse tels un trait qu'on a forcĂ© sur un canva. Je m'attendais Ă ce que me laisse une trace, il ne fallait pas s'imaginer des miracles. Cependant, le choc ne vient pas de la taille de la blessure, ni de la profondeur, car j'ai honnĂȘtement eu le temps de le digĂ©rer bien assez tĂŽt. Non.
Le choc vient du fait que celle-ci soit entiÚrement fermée, justement cicatrisée, à un point qu'elle ne laisse aucun vaisseau, aucune goutte rougeùtre couler contre ma cuisse. C'est comme si je n'avais pas reçu cette lance, comme si elle était là depuis un bon bout de temps déjà et qu'elle est devenue juste un lointain souvenir. Paralysée, les paupiÚres grande-ouvertes, je mets un petit moment à un enregistrer les faits avant de rediriger ma vue vers l'auteur de cette guérison soudaine. Son rictus emblématique revenu, il plonge sa main dans une de ses poches avant d'en sortir une fiole à moitié vide. Un liquide verdùtre tourne dans le récipient, à mesure qu' il agite l'objet devant mon nez.
â Te guĂ©rir m'a quand mĂȘme prit la moitiĂ© de ce liquide: quelque chose que Verra m'a prĂ©cieusement concocter au cas oĂč j'en aurais besoin, explique-t-il en regardant le contenu restant avant de me fixer. J'en ai sacrifier juste pour ta pomme. De rien.Â
Il ne m'en faut pas plus pour commencer à fulminer sur place. De quel droit se permet-il de me guérir puis de me dire que je lui dois quelque chose alors que je ne lui ai rien demander au départ ? C'était de sa propre volonté, pourquoi je lui serai redevable?!
â Je n'ai jamais fait partie de cette accord en premier lieu!
â Tu aurais peut-ĂȘtre prĂ©fĂ©rĂ© pisser le sang..., dit-il en s'approchant vers moi. Te reperdre dans cette forĂȘt comme la premiĂšre fois, sans carte...et mourir ?
Le rouge me monte aux joues. Vu sous cette angle il est vrai que, bien que la fleur que j'ai fait pousser soit un antiseptique, ce n'est pas une solution tenable pour une blessure pareil. La plaie aurait sĂ»rement fini par s'infecter tout de mĂȘme et faire pousser cette fleur alors qu'il n'y en avait pas au prĂ©alable dans cette surface, me bouffe mon Ă©nergie. Seules les roses et les ronces sont les fleurs que je peux faire pousser en toute tranquillitĂ©. C'est une des mes particularitĂ©s, d'oĂč le fait que j'ai utilisĂ© de l'engrais spĂ©cial pour accompagner ma magie quand je me suis occupĂ© de son jardin. La signature Ă©galement des plantes qui Ă©tait prĂ©sente m'ont permis de les faire pousser, en plus de mes roses. Je dĂ©glutis difficilement en regardant ailleurs. Une partie de moi ne veut toujours pas cĂ©der, car je n'ai jamais acceptĂ© ça. Oui, je ne vais pas capituler Ă ses caprices.
â Je prĂ©fĂšre m'en sortir seule plutĂŽt que d'avoir ton aide.
â MĂȘme si ça entraĂźne la possible mort de quelqu'un d'autre ?
Surprise, je le dĂ©visage avant de remarquer avec stupĂ©faction quelque chose que je n'avais pas vue plus tĂŽt. Sur les bribes de chemise blanche qui dĂ©passe de son veston, une tĂąche vermeil immense change ultimement la blancheur de son vĂȘtement. Vu comment celle-ci s'Ă©tale, sa blessure doit ĂȘtre encore plus grave que l'infime trace sur ma cuisse.
Putain.
Son corps criblĂ© de cicatrices blanches me revient en mĂ©moire, et j'en viens Ă me demander comment il peut constamment se faire ça et avoir cette expression nonchalante tout le long. Il parle de faire une possible hĂ©morragie comme si ça ne l'atteint pas, le prenant tel une blague, de maniĂšre si insensible que ça m'effraie. M'effraie pour lui. Une boule se crĂ©e dans mon ventre, me rongeant de l'intĂ©rieur de plus en plus alors que je ne devrais pas. Je ne devrais pas me sentir comme ça. La main mi-ensanglantĂ© et mi-brĂ»lĂ© d'un des soldats me revient en mĂ©moire et je peux dire que je suis au bord de la nausĂ©e. Voyant ça, Drale s'approche de moi, me prenant les Ă©paules pour me forcer Ă le regarder dans les yeux. Les images sont toujours prĂ©sentes dans ma tĂȘte, mais ma concentration, elle, est focalisĂ©e sur ses deux billes brillantes.
Respire.
Ăa va bien ce passĂ©.
Me dĂ©gageant de son emprise, je soupire avant de baisser le regard encore une fois, soumise cette fois-ci Ă cette condition. M. Doufus m'avait appris Ă affronter, Ă me battre, Ă faire face Ă mon propre sang. Mais jamais le sang des autres. Il me faut encore un peu plus de temps avant de me dire que je suis mentalement prĂȘte avant d'avoir un mort sur la conscience. Je grince des dents lĂ©gĂšrement face Ă ma propre dĂ©faite. Cette fois-ci, c'est mon propre esprit qui me bloque. Le choix est en soi toujours Ă ma portĂ©e, je peux toujours me dire qu'il peut regagner le domaine vu comment il connait cette forĂȘt. Cependant, cette part de moi qui m'empĂȘchait de cĂ©der quelques secondes avant s'est liquĂ©fiĂ©. LĂ , j'ai besoin de certitude.
Lisant dans mes yeux aprÚs m'avoir cherché du regard, le sourire emblématique du Lord revient et, dépliant sa veste, il me propose quelque chose.
â J'ai un marchĂ© Ă te proposer.
â Un marchĂ© ? Encore cette mĂ©thode ?
Il hoche la tĂȘte et je finis par hausser un sourcil intriguĂ©. La derniĂšre fois que j'ai fait un marchĂ© avec lui, celui-ci n'a tenu que quelques jours avant qu'il soit inĂ©vitablement brisĂ© avec une violence qui a failli me couper la trachĂ©e. Je croise mes bras.
â La derniĂšre fois que j'ai passĂ© un marchĂ© avec toi, j'en ai eu pour ma peau, je lui rĂ©pond mĂ©fiante roulant mes pupilles Ă l'opposĂ© de sa figure.
â Cette fois, c'est diffĂ©rent. C'est moi qui le fait et j'y met mon honneur en jeu. L'honneur d'un Lord n'est pas Ă prendre Ă la lĂ©gĂšre tu sais.
DĂ©viant mon regard immĂ©diatement vers lui, je le fixe un moment, avant de lui montrer qu'il a mon attention, mĂȘme si je reste sur mes gardes. Il sourit encore plus.
â Je t'Ă©coute.
â C'est simple...
Passant rapidement deux doigts sous mon menton, il me force à plonger mon regard dans le sien, montrant sa sincérité dans les mots qui vont suivre.
â Tu payes ta dette, et je te libĂšre. Je fais une exception Ă la rĂšgle et te laisse rentrer chez toi sans faire d'histoire.
â C'est tout ? je lui demande surprise. Je m'attendais Ă quelque chose de beaucoup plus macabre.
â Je n'ai pas encore exprimĂ© ce que tu me dois pour t'avoir guĂ©rit.
Je déglutis, l'impatience se faisant sentir à travers le mystÚre de ses paroles. Il me fixe avant de rapprocher son visage du mien, son souffle étant assez proche pour qu'il puisse passer sur ma joue.
â Tu es historienne n'est ce pas ? chuchote-t-il d'une voix rauque.
Un léger frisson me monte à l'échine. Comment il a...su ?
J'hoche la tĂȘte hĂ©sitante me prĂ©parant un peu au pire mais ma curiositĂ© est piquĂ©. Il se redresse avant de mettre et ajuster son chapeau, sa mĂšche blanche bien cachĂ©e sous la piĂšce qui coiffe son port de tĂȘte. Essayant de plisser ses vĂȘtements d'une main, il fronce les sourcils, regardant dans une direction avant de continuer de parler, le sĂ©rieux bordant sa voix.
â Je veux que tu m'aides Ă dĂ©chiffrer certains documents. Notamment une lettre en particulier. J'ai beau essayĂ©, je n'ai pas... assez d'expertise pour pouvoir dĂ©coder certains mystĂšres.
â Pourquoi ne demandes-tu pas Ă quelqu'un de t'aider ? Enfin vous devez sĂ»rement avoir des historiens ici ? Surtout que cela peut prendre des semaines..., dis-je d'une petite voix en rĂ©flĂ©chissant Ă la possible lourdeur des travaux qui m'attend si j'accepte.
Autant je suis curieuse, j'ai aussi une part de rĂ©alisme. Si c'est un travail trop consĂ©quent cela veut dire que je serai clouĂ© dans un endroit peu sĂ©curisĂ© pour un temps qui peut varier entre plusieurs semaines et plusieurs mois. Tout dĂ©pend du travail de recherches, de traductions...Je ne suis mĂȘme pas sĂ»re d'arriver Ă joindre les deux bouts de ce qu'il me demande.
Sans se retourner, il secoue la tĂȘte avant de soupirer.
â Je ne peux pas demander Ă un historien d'ici. Il n'y a que toi qui peut le faire.
â Comment peux-tu ĂȘtre aussi sĂ»r...?
Me jetant un regard rapide vers l'arriĂšre, il finit par avouer une chose dont je ne m'attendais pas.
â J'ai vu tes recherches. Ce que tu as Ă©crit dans ton carnet pendant que tu faisais un sĂ©jour au cachot...
âââ
Drale
Il y a presque deux semaines...Â
Assis Ă mon bureau, je me dĂ©lecte d'apprendre qu'elle a acceptĂ© de travailler pour moi, un Ă©niĂšme verre de nectar Ă la main. Cela va me permettre de l'observer de plus prĂšs, et de l'examiner avant de savoir ce que je fais avec elle. Ses yeux brillent comme le feu, brĂ»le comme la flamme et rĂ©duit en cendre celui qui ose la sous-estimer ou la dĂ©fier. La maniĂšre dont elle m'a tenue tĂȘte quand je l'ai prise en flagrant dĂ©lit en train de s'Ă©chapper. Si ça ne tenait qu'Ă moi, qu'Ă mon Ă©tat Ă ce moment prĂ©cis et ce que je fais d'habitude, je l'aurais sĂ»rement tuĂ© pour avoir mĂȘme osĂ© hausser la voix. Mais elle a quelque chose, un truc en elle...Elle me prĂ©vient de tout faire. J'ai juste envie de creuser ce trou formĂ©, cette attirance. J'ai bien cru, en la plaquant contre le mur, que j'allais perdre le contrĂŽle. Il n'y a qu'une infirme barriĂšre de rationalitĂ©, de lividitĂ© qui m'a empĂȘchĂ© de la prendre salement contre cette putain de parrois. De l'attacher Ă mes chaines et de la voire se tendre sous moi. Mes doigts passent entre mes mĂšches et un rĂąle guttural sort de ma bouche quand j'essaye de chasser cette pensĂ©e de mon esprit. Elle vient Ă peine d'arriver que j'ai l'impression de perdre la tĂȘte.
Si seulement je n'avais pas ressenti son aura...
Ce qu'elle dégage est tellement exquis que cela emplit mes sens.
Il y a aussi quelque chose derriĂšre cette odeur rosĂ©, une puissance cachĂ©e, que je pense elle mĂȘme n'est pas au courant. Une petite mortelle comme elle...
Les yeux mi-ouvert, affalés sur mon fauteuil, je balaye des yeux la piÚce. A travers le cuir, les rideaux sombres, les effets boisés, j'ai l'impression de voir les fragrances fleuries, danser telle une belle, qui dans l'innocence et la sensualité se mue. Une invitation à se tenir prÚs d'elle et à la tenir dans mes bras. Mais je me doute que tout ceci n'est qu'une attirance temporaire.
Oui. Je suis juste attiré par son exotisme. Sa fraßcheur et sa nouveauté. Rien de plus, rien de moins.
Mes pupilles finissent par tomber sur la sacoche que m'a portĂ©e Verra plus tĂŽt, posĂ©e sur la petite table basse au milieu de la piĂšce. C'est la sacoche de la fille du cachot. Apparemment, elle n'a pas trouvĂ© grand-chose Ă part un carnet ( qu'elle n'a pas feuilletĂ© d'ailleurs), une pauvre plume complĂštement cassĂ©e et un diadĂšme. Je me demande sincĂšrement qui part en expĂ©dition avec si peu de choses. Avait-elle l'intention de revenir de lĂ oĂč elle venait ? Elle a quand mĂȘme acceptĂ© l'offre que je lui ai proposĂ© comme si elle n'avait rien Ă perdre.
A croire qu'elle voyait cette forĂȘt comme une nouvelle chance...
Me levant de ma place, je titube vers le sac avant de l'attraper d'une main ferme, m'Ă©tallant sur un autre fauteuil en velours, juste en face de la petite table. C'est pas comme si quelqu'un allait savoir que j'ai jetĂ© un Ćil dans le sac. De toute façon, qu'ils osent me questionner... HĂ©sitant un moment, je regarde le sac entre mes mains le dĂ©taillant. Il n'a honnĂȘtement rien d'exceptionnel. Fait d'un tissu rigide, colorĂ© d'un marron d'un peu dĂ©lavĂ©, celui-ci se porte en bandouliĂšre. A premiĂšre vue, il n'a pas de distinction apparente, mais si on fait attention, on peut voir qu'une espĂšce de broche faite en or, orne un cĂŽtĂ© du sac. Ăa doit sĂ»rement ĂȘtre sa maniĂšre de dire que ça lui appartient.
M'enfin, rien d'exceptionnel comme je disais.
DĂ©faisant les deux boucles, je l'ouvre, jetant un coup d'Ćil au dĂ©jĂ vu qu'il y a Ă l'intĂ©rieur. En j'ai dĂ©jĂ vu ces objets.
Plongeant ma main dedans, je récupÚre tout d'abord la couronne en or rose, ornée d'un diamant en forme de la fleur de l'amour. Juste par le toucher, on peut voir tout le précieux de l'objet, mais aussi d'une part, sa résilience. Elle a sûrement été façonnée de maniÚre à ce que celle-ci survive à de nombreuses péripéties. Comme pour raconter l'histoire d'une noble forte et résiliente comme son caractÚre. Mes yeux s'attardent plus particuliÚrement sur la fissure présente sur l'énorme diamant rose. Comparé au reste de l'accessoire j'ai l'impression que c'était la seule partie fragile. Une dualité au final assez intrigante mettant en avant le cÎté fort de la rose, mais aussi sa fragilité.
Mais pourquoi voler quelque chose qui est déjà endommagé ? Elle ne pourra pas le revendre.
â Certaines personnes ont vraiment des objectifs douteux...., je murmure avant de poser l'objet sur la petite table.
Replongeant ma main dans la propriété de la personne, j'agrippe finalement l'objet qui m'intrigue le plus.
Le carnet.
Celui-ci n'a rien d'exceptionnel non plus. En cuir et de couleur mauve, des motifs sont enduit sur le cuir pour lui donner un peu plus de style, mais rien de plus. En cherchant un petit peu, je suis Ă peu prĂšs sĂ»r de trouver une rose formĂ© quelque part sur la couverture. Ouvrant l'objet, je commence Ă le feuilleter briĂšvement et me retrouve surpris. Pas Ă©tonnant qu'il n'ait rien de trop fantaisiste ou d'extravagant. C'est un carnet de recherches. Tout est bien structurĂ©, schĂ©matisĂ©, annotĂ©, commentĂ©...Elle a mĂȘme une rubrique oĂč elle fait un rapport, une sorte de journal de bord sur les recherches en question.
C'est une historienne alors...
Continuant de tourner les pages, je tombe sur un titre qui me fait froncer les sourcils.
"Les Mémoires d'un Naturaliste: Livre 5"
Ce n'est pas possible.
Je croyais que tous les exemplaires traduits de ce tome avaient été brûlés, effacé complÚtement des bibliothÚques il y a maintenant plusieurs centaines d'années. Je n'étais qu'un avorton quand j'ai assisté à l'autodafé secret, caché entre les feuilles. J'ai vu le feu, les bout de pages et les cendre vaquer dans l'air, remplir le ciel de différent ton de noir, de gris pour se mélanger à la nuit noir. Comment a-t-elle réussi à avoir la main dessus ?
Mon regard descend automatiquement sur le passage qu'elle a décidé de retranscrire ainsi que son commentaire.
"Il voyait faussement la vie, injuste pour lui, aveuglé par la haine
Infectant la nature de tout ce sombre sentiment, le vent fort de sa tornade.
Les crĂ©atures que ma mĂšre m'a chargĂ© de protĂ©ger, ĂȘtre vivant d'honneur,
Autant que nous, Ă©gale Ă nous, d'un mĂȘme dĂ©sire de vivre,
D'un mĂȘme amour. Draius. Ramia, pardonne-moi.
Il faut que je fasse quelque chose.
Peut-ĂȘtre que ma mĂšre Ă quelque chose.
Un dernier recours.
Il faut que je me rende entre les cĂźmes..."
Le prénom énoncé me lùche un froid. Je déglutis difficilement, alors que je fixe ces deux syllabes, collées pour donner vie à une personne que je ne pensais pas revoir: Draius.
Je l'ai connue...il n'est plus...pourquoi il est dans ça ?
Quel est son lien avec cette histoire ?
Lui qui ne disait que du bien de Leibrum...?
Je finis par m'attarder à ses notes, une bile d'appréhension commençant à monter doucement par les possibles insinuations.
" Il est vrai que c'est le passage avec lequel j'ai le plus de mal: les derniers mots de son livre. On comprend bien que Leibrum fait un dernier constat de la situation: il finit par comprendre qu'Osarus est impossible Ă raisonner. On remarque une certaine sensibilitĂ© vis -Ă -vis de son frĂšre, ce qui colle forcĂ©ment avec les chapitres Ă©voquĂ©s prĂ©cĂ©demment. On est presque sur le moment oĂč il s'apprĂȘte Ă partir dans la forĂȘt, juste avant sa propre disparition. Tout semble cohĂ©rent, Ă peu prĂšs...Mais le mystĂšre reste toujours le mĂȘme...Qui est Draius ?
Ramia, la femme de Leibrum, est quand mĂȘme Ă©voquer, montrant qu'il a une dernier pensĂ©e pour elle et leurs enfants. Mais face Ă ce Draius...C'est pratiquement Ă©voquer comme s' ils avaient un lien affectif fort.
Mais qui est-il ?...
A voir...Cette historiographie est beaucoup plus complexe...Rien Ă voir avec ce que l'on veut nous faire croire ici. Ce n'est pas nouveau...
L.F.A"
Je ne suis pas prĂȘt de savoir comment elle s'appelle non plus...Merde...
Mon regard s'assombrit et mes doigts se serrent sur la feuille. Elle n'a pas rĂ©ussi Ă dĂ©bloquer les paroles de Leibrum. Elle ne sait ce qui les lit, ni ce qu'il veut dire par lĂ . Je devrais ĂȘtre en partie soulager ma foi, car Ă©tant celui-ci qui peut ĂȘtre dĂ©tient les derniers morceaux d'informations...Je peux dĂ©jĂ faire ma propre hypothĂšse.
Mais je ne suis pas sûre, car comparée à elle, tout ce que je dois comprendre et écrire en langue ancienne. Il est donc plus compliqué pour moi de déchiffrer ce qu'on me cache. Surtout quand mon prédécesseurs n'était que le pire des enfoiré.
On devrait se dire que les gĂšnes ne font que passer Ă travers les siĂšcles...
Mais nous ne sommes pas du tout au mĂȘme niveau.
Chassant ces pensĂ©es sombres de mon esprit, je zieute du coin de l'Ćil les tiroirs de mon bureau avant de me reconcentrer sur le carnet de la fille. J'ai vu Ă©galement au dĂ©but qu'elle avait fait un gros travail concernant l'apprentissage des langues anciennes.
Peut ĂȘtre que...
...
Non je ne peux pas. C'est une parfaite inconnue, pourquoi je lui confierai des informations aussi importantes ? Je dois surement ĂȘtre trop fatiguĂ© et dans les vapes. Ăa m'apprendra Ă enfiler plus de trois verres de nectar. MĂȘme si en soi, je peux parfaitement tenir le coup. MĂȘme si au moment oĂč je parle ou pense, mes yeux sont sĂ»rement presque en train de se fermer et je me sens dĂ©faillir.
Tournant une Ă©niĂšme page du carnet, le peu de luciditĂ© qui me reste me fait prendre conscience que c'est un schĂ©ma. Mes yeux se trouble, j'ai vraiment du mal Ă distinguer les dĂ©tails oĂč ce qui est dĂ©crit et je ferme les paupiĂšres un moment prenant le temps de remettre mes idĂ©es en place.
Puis je les rouvre.
Et lĂ , c'est le choc.
âââ
Retour au présent
â Et je parie que si on apprenait que la princesse hĂ©ritiĂšre faisait des recherches aussi dangereuses, on se poserait des questions. D'oĂč les initiales comme signature.
Oui. Et mĂȘme si avant j'Ă©tais trĂšs rĂ©ticent face Ă cette dĂ©cision et je me suis dit que la tuer devrait ĂȘtre une meilleur option. Maintenant, aprĂšs ce que je viens de dĂ©couvrir rĂ©cemment, il faut impĂ©rativement que je sache ce qui se tramait avant que je prenne mes fonctions de Lord. Sa vĂ©ritable identitĂ© qu'elle essaye indĂ©niablement de cacher ici peut aussi me servir de chantage. Elle pallie immĂ©diatement d'ailleurs en se rendant compte de ce que je dĂ©tiens sur elle.
Elle a accÚs à des informations que je n'ai pas. Et je suis sûre qu'elle sera en mesure de m'aider cette fois-ci. Coute que coute. Elle en a les capacités.
Elle n'a pas besoin de connaßtre tous les détails non plus, sur ce que je sais d'autres d'elle. Je soupire et reprend alors afin d'apaiser les tensions.
â Tes recherches sont bonnes. Jamais je ne pensais trouver quelqu'un capable de dĂ©vier ainsi la loi et faire une analyse fine du dernier livre des mĂ©moires de Leibrum. Ăa m'a amplement convaincue.
En partie. Non elle n'a pas besoin de savoir non plus ce qui m'anime réellement puisqu'elle n'atteindra pas ce niveau de savoir non plus. Elle ne le verra pas. Il y a des limites à ne pas franchir.
Et honnĂȘtement, j'ai fait une promesse.
Une seule.
A lui.
Face au manque de rĂ©ponse de sa part, je finis par tourner la tĂȘte et je la retrouve bouche lĂ©gĂšrement entrouverte entrain de me fixer, la stupĂ©faction plĂątrer sur son visage. Ah oui. Il est vrai que je l'ai pris de cours. Faisant un pas vers elle, je me rapproche d'elle les mains dans les poches, ce qui la fait reculer lĂ©gĂšrement.
â Ce sera notre dernier deal et sur ce coup, je te promet que tu n'auras pas Ă t'inquiĂ©ter pour ta sĂ©curitĂ©, je finis par dire, claquant ma langue. Le dernier. Ă prendre ou Ă laisser.
Ses sourcils se froncent légÚrement. Je peux lire ce moment de doutes, mélanger à de l'incompréhension avant de lùcher un soupir et de peaufiner les derniers détails de notre contrat.
â Et si c'est toi qui brise ta parole ? Comme tu l'as fait prĂ©cĂ©demment ?
Mes lÚvres s'étirent, tendu un moment, mais je ne faiblit pas. Je peux bien faire des concessions.
â Alors je serai en tort, et tu rĂ©clameras ton dĂ» automatiquement: partir.
Ses sourcils s'archent et elle finit par comprendre qu'elle est sacrément avantagée. Je renchéris.
â Je pourrais te tuer immĂ©diatement, mais je joue mon honneur ici. Alors tu peux ĂȘtre assurĂ©s que si tu prends ce marchĂ©, je te laisserai retourner chez toi. Mais uniquement dans les circonstances de cet arrangement. A part si vous prĂ©fĂ©rez que je vous tue tout de suite votre altesse ?...
Elle contemple la réponse un moment, avant qu'à son tour, un sourire se forme sur son visage. Je savais que cette réponse allait l'attirer dans mon filet. Pauvre petite princesse.
Cette curiosité...Elle me rappelle vaguement quelqu'un...
M'enfin...
Elle ne sait pas que je détiens la plupart des réponses à ses questions. Ou du moins une partie. Et je ne lui donnerais pas le plaisir de savoir.
â Deal.Â