Au même moment, du côté de chez Lùca
Cette nuit-là, il se tint caché dans l'obscurité, entre la fenêtre et ce coin du mur, assis sur une chaise, observant quelqu'un dormir, chevauchant l'encre des pensées. L'humidité de l'été peinait à masquer le froid de son âme. Il voguait dans les limbes du sommeil et pourtant, il irradiait de colères et de peurs. Il s'enfonça dans un labyrinthe d'incompréhension, caressant ce qui les condamnait. L'autre se tournait, faisait frissonner le drap sur le sol. Il esquissa son sourire ; le vrai, celui qui illuminait ses yeux de désir tandis que ses dents mordillaient sa lèvre inférieure qui se rehaussait, le seul qui faisait briller ses joues.
Son regard inquisiteur flânait sur les courbes dévoilées, maculées de sueur, et s'attacha sur la cheville, animé par un étonnement propre aux avertissements ignorés. Curieusement, leur ami Sami, loin de protester, lui tint la main tout au long de ce moment. Mais voir était croire. Ainsi s'enracina de manière banale un dessin subtil n’ayant de sens que pour eux, leur histoire à peine entamée, délicatement souillée. Si la haine était vaine et l'amour avisé, cette mélodie lui paraissait absurde, un semblant d'ouverture sur une porte sans serrure.
Il dévora encore une fois l'autre du regard, submergé par le désir. Au lieu de se joindre à lui, il remit délicatement en place les mèches blondes tombant au creux des lèvres. Son cœur se contracta et ses sourcils se froncèrent à la vue de sa boucle sur l'oreille et de cette phrase tatouée sur son sein droit : « I'll never forget you ». Soudain, l'autre saisit son poignet et murmura à son oreille des mots : retrouve-moi.
Lùca se réveilla brusquement. Il se leva, glissa maladroitement sur le carrelage. Il soupira, contemplant l’espace vide à côté de sa compagne, un rappel insidieux du fait qu'il ne se trouvait pas chez eux mais dans le lit d'une vieille amie. Ceci lui rappela l'absence irrévocable de celle-ci, il gérait encore les charges de cette portion de vie. Lùca n'avait jamais accepté sa disparition et refusait de s'en séparer. L'incompréhension de sa partenaire face à cette obsession faisait, à contrecœur, son possible pour le soutenir, espérant qu'un jour cette habitude se fanerait. Hailey avait été le germe de nombreux conflits dans la relation de Lùca et Charlie, et avait entravé leur sociabilité.
La télévision diffusait des bruits en arrière-plan ainsi qu'un clip musical qu'il avait jadis composé, « Used to be us » du groupe Lawson, et cela n'aggravait que sa misère. Dans un élan de colère, il éteignit la télévision et jeta la télécommande sur le sol. Le brun fut alors enveloppé par une obscurité intrigante. À tâtons, il trouva l'interrupteur de la lampe de chevet, l'alluma, et se retrouva momentanément paralysé par une sensation d'engourdissement, submergé par un sentiment de vide. Serrant les dents, son cœur battant à tout rompre, Lùca se rua vers les toilettes, pris d’une nouvelle nausée. Sami se dirigea ensuite vers l'évier de la salle d'eau et s'observa au travers du miroir. Son visage était terne, creusé par les cernes et la sous-alimentation. Sa peau, habituellement hâlée et contrastant avec ses yeux émeraude, était fantomatique. Songeant qu'un zombie aurait meilleure allure, il ressentit du dégoût.
Lùca et Sami ne s'étaient plus parlé depuis des années. Là où le premier s’accrochait à l'espoir du retour d'Hailey comme à une bouée, Sami persistait à reprocher à Lùca sa disparition. Pour le reste du monde, elle était un souvenir pénible, mais, pour Lùca, elle ouvrait la porte aux reproches de ses amis qui ne comprenaient pas son obsession et s’en tenaient à l’enquête officielle. Bien que, lorsqu’ils défoncèrent la porte de l'appartement 317, tout semblait en ordre, comme si la propriétaire n’était sortie qu'une poignée de minutes. Rien n'indiquait une disparition volontaire ou préparée. Aucune affaire personnelle ne fut emportée, pas même son passeport, seul manquait son sac à main. Lùca, envahi par un nuage de mélancolie, fit éclater un grognement lorsque son regard glissa sur une photo d’eux rangée au fond du tiroir de sa commode, mais qu’il avait remise au mur, là où elle appartenait. Hailey et lui riaient aux éclats, essoufflés, sur leur banc préféré à l'ombre du chêne proche de l'entrée du parc. La tristesse chercha sa place dans ses yeux et il décida de prendre une douche pour éviter de se noyer dans les souvenirs ressurgissants. Ensuite, il irait courir pour libérer et laisser sortir sa colère.
Comme tous les ans, à la veille du jour sombre, Lùca refit leur parcours. Il passa devant leur ancienne école d'art et fit le tour via le parc, puis rejoignit l'étang désormais aride où ils avaient nagé en dépit de l'interdiction affichée. Enveloppé par les souvenirs, il sortit sa collation. Adossé au mur de pierre, il regarda le chêne majestueux. Comme chaque année, il se demanda où était Hailey Bennet et ce qu'elle pouvait bien faire. Mais plus importante encore était de savoir avec qui. Persistant dans sa course, son chemin le mena devant le commissariat de police où passé et présent s’étaient entrecroisés. Il ne fut pas surpris d’apercevoir Eliott dehors, une cigarette à la main. Ils s’observèrent quelques instants. Eliott avait toujours été de son côté, même lorsque d'autres essayaient de convaincre Lùca de passer à autre chose. Même ce soutien indéfectible avait fini par capituler. D’un hochement de tête, il reprit sa course. Lùca ressentit une envie déchirante de crier sa détresse, sa mélancolie et surtout sa rage au monde entier. Il savait que c’était la dernière fois qu’il remettait les pieds dans cet immeuble. Son mariage avec Charlie n'ayant pas eu lieu, sa compagne gardait encore espoir, et Lùca se sentit fléchir.
Il respira difficilement en revenant trois heures plus tard. Par habitude, il ouvrit la boîte aux lettres, se doutant qu'elle était vide. D’un geste automatique, il saisit le courrier qui s'y trouvait et rentra pour prendre une autre douche. Il se rappela que son ex-compagne aimait lécher sa peau pour le taquiner après qu'il revenait du sport. Il déposa sur la table du salon ce qui l'encombrait sans y prêter attention. Quelques minutes plus tard, des gouttes d'eau tombèrent sur son torse, et une serviette autour des hanches, son regard se figea sur une enveloppe jaune épaisse. Il l'ouvrit, la tension était palpable. Si l'adresse préimprimée était celle d'Hailey, le destinataire n’était autre que lui-même.
Monsieur Lùca Parsons.
Chez Hailey Bennet.
Bâtiment 2, appartement 317
Rue des acacias
69 500 Villebrouche sur mer
La découverte de son contenu ancra Lùca dans une perplexité étourdissante. Il l'ouvrit non sans crainte, toujours crispé, et ce qu'il trouva le laissa perplexe. Un téléphone sans signe distinctif, à en juger par son emballage, et une inscription : « 151215 ». Une vague de vertige le submergea, cette date fatidique résonnant dans sa tête. Serrant l'enveloppe, il l'inspecta, cherchant un indice pour identifier l'expéditeur. Mais rien. L'enveloppe était intacte, dépourvue de toute marque ou adresse. La seule porte ouverte pour Lùca fut d'emprunter la voie de ce téléphone, qui semblait n’avoir jamais servi. Il était identique à celui utilisé par Hailey autrefois, et il était temps de le recharger.
Après une douche apaisante, Lùca s’était mis à nettoyer l’appartement de haut en bas, celui-là même qu’il devait libérer ce soir-là. Le ménage, qu'il trouvait frustrant en théorie, s’était finalement avéré être une distraction bienvenue pour lui, alors qu’il rêvait d’éteindre les pensées tumultueuses de son esprit. Dans l’après-midi, une faim persistante l’avait forcé à faire une pause. Son esprit avait divagué et la sonnerie du four l’avait fait sursauter. Après le repas, c’est avec une certaine réticence que Lùca avait rallumé ses téléphones. Il avait manqué une vingtaine d’appels et avait reçu une trentaine de messages sur le premier téléphone. Il avait parcouru les messages, décidé d’ignorer les autres appels manqués, et avait rappelé Charlie, qui avait décroché instantanément. Il l’avait imaginée, lovée sur elle-même sur leur canapé, devant des séries qu’elle regardait sans vraiment voir, son téléphone constamment à portée de main, hésitant même à prendre sa douche de peur de manquer son appel.
— Allô Lùca ? Lilou, chéri ? C’est toi ? avait-elle dit.
— Non, c’est Maurice, le plombier. Connasse, avait-il grogné.
Interloqué par le débit soudain de Charlie, il était resté silencieux pendant quelques secondes, essayant de contrôler la tension qui s’était accumulée en lui comme un ressort trop compressé. Un frisson d’irritation lui avait dévalé l’échine, sa mâchoire s’était crispée et un bourdonnement sourd avait commencé à résonner dans ses oreilles — des signes avant-coureurs de la colère qui se préparait à éclater. Charlie continuait de déverser son flot de paroles, ignorant la tempête qui s'annonçait de son côté. Exaspéré, il avait senti ses sentiments exploser comme un geyser prêt à éclater. Il avait haussé le ton, coupant brutalement Charlie au milieu de sa phrase.
— Ferme ta putain de gueule, tu me casses les couilles, putain de bordel !
Charlie s'était figée à l’autre bout du fil, choquée par la soudaine agressivité de Lùca. Le silence qui avait suivi avait été poignant et lourd. Le jeune homme savait qu’il subirait les conséquences, mais il s’était senti soulagé, comme libéré d’un poids. Il ne s’en était pas excusé et, pour la première fois en cinq ans, il avait repris d’un ton calme teinté d’une froideur qui ne lui appartenait pas :
— Mon téléphone était éteint, Char. Même avec toute la volonté du monde, je n’aurais pas pu décrocher.
Charlie était restée muette pendant une seconde.
— Tu… Tu reviens bien ce soir, hein ? Tu n’as pas… tu n’as pas changé d’avis, c’est bien derrière nous tout ça ?
— Bien sûr que non. J’avais encore deux ou trois choses à terminer avant de rentrer.
Il avait raccroché, laissant Charlie seule avec ses pensées et plus furieuse que jamais. Au même moment, un message inconnu sur le deuxième téléphone avait détourné son attention. L’aperçu du message reçu l’avait troublé plus qu’il ne l’avait jamais été jusqu'ici. Une photo d’Hailey, sublimée par les rayons du soleil et entourée de perce-neiges et de bourgeons naissants. La jeune femme semblait pleine de vitalité. Sa tête était légèrement penchée sur la gauche, comme toutes ces fois où il l’avait observée réfléchir. La photo paraissait nébuleuse et il ne reconnaissait pas le lieu, mais ce visage-là était reconnaissable entre tous. Impossible. Cela ne pouvait pas être elle. Comment ? Pourquoi ? Et pourtant, c’était bien elle.
L’amour qu'il éprouvait pour Hailey s'était mêlé à sa haine, et ces sentiments étaient remontés avec une force qu’il n’avait jamais connue. Comment pouvait-on mettre derrière soi ce qui n’était jamais fini ? Il s’était résolu à tourner la page et si cela signifiait fuir leur passé, alors soit. Ce n’est que maintenant qu’il comprenait que, parfois, la seule manière d’avancer est de revenir en arrière. Déçu de constater qu’il s’était volontairement menti et encore sous le choc, il avait pris le temps d’apprécier cette haine qui était remontée. Cela l’avait apaisé quelques minutes mais n'avait été qu’un mensonge de plus. Il avait répondu au message avec réticence :
À inconnu :
Qui es-tu ?
De +64478….
Tu n’as toujours pas deviné ?
À +664478….
Il avait fallu y réfléchir avant. Tu avais fait ton choix ce jour-là.
L’expéditeur avait décidé de changer la donne et il lui aurait fallu une force psychologique importante pour affronter les événements à venir. Les émotions simples étaient les plus difficiles à vivre. Elles nous emplissaient d’un perpétuel doute. Une secousse pour un serrement d’organe.
Certaines vérités mériteraient d’être emportées dans la tombe.
Pétrifié par le message, il avait à peine eu le temps de se remettre que son téléphone avait sonné. C’était un numéro inconnu, mais sans y penser, il avait décroché.
— Lùca ?
Ce fut la voix de cette femme, très différente de celle qu’elle projetait sur la photo.
— Lùca c’est toi ?
Elle semblait paniquée maintenant.
— LÙCA
Il l’avait appelée alors qu’elle venait de raccrocher.
— Hailey ?
Bien entendu, il parlait dans le vide. Il avait tenté de la rappeler sans succès, le téléphone avait été éteint. Il avait envoyé message sur message, en vain. Tout ce qu’il avait récolté fut un message préenregistré lui expliquant que :
Le téléphone est inaccessible ou le numéro demandé n’est plus attribué.
Lùca s’était cassé la tête à démêler le peu d’informations à sa disposition. La personne responsable de son état avait joué la carte du mystère sur tous les tableaux. Le jeune homme n’avait obtenu aucune réponse, pas même dans les jours suivants. Pas la moindre foutue réponse. Il ne pouvait jurer qu’elle n’avait pas décidé de lui pourrir la vie, encore une fois. Le brun avait retourné brusquement dans la chambre et sorti de la petite commode en bois une enveloppe froissée. Il avait pris une grande inspiration et extrait la lettre qu’il relisait bien qu’il la connaissait par cœur, à la virgule près. Les mots de Hailey avaient dansé sous les yeux de Lùca.
Le criminel avait tapé un message sur son second téléphone qu’il savait réservé à Lùca. Il avait envoyé un ultime message, une série d’indices pour pimenter ce petit jeu.
N 45° 59' 3.259" — E 4° 43' 12.238"
Il avait reçu l’accusé de réception, prouvant que Lùca avait lu le message. Il avait savouré ce moment, imaginant le rythme du cœur de Lùca qui s’était accéléré. Par la suite, il avait envoyé un second message.
9 h 30
Il pouvait presque prévoir la réaction de Lùca. Son prévisible étonnement et sa panique avaient coïncidé parfaitement avec ses attentes. Sans un mot, Lùca avait quitté l’appartement, claquant la porte derrière lui. Il s'était rué sur son appli de navigation pour entrer les coordonnées et avait découvert qu’elles orientaient vers le parc. Jetant un œil à sa montre, Lùca avait allumé un joint. Il était 9 h 20. Prenant conscience du peu de temps qui lui restait, il s'était mis à courir, esquivant de justesse les passants. Malgré la morsure du froid matinal, l’adrénaline avait atténué la moindre sensation. Ses baskets avaient frappé férocement le bitume. Le criminel, voulant être aux premières loges, avait peiné à suivre son allure frénétique tandis que Lùca avait traversé, ignorant les voitures qui klaxonnaient et tentaient de freiner pour l’éviter.
De +663878….
Pour continuer, envoie « DOULEUR » au +664478….
DOULEUR
Demande-lui sur quoi portait leur dernière conversation.
Lùca, à bout de nerfs et de patience, avait lancé un violent coup de pied dans une poubelle du parc, gagnant un regard réprobateur d’un couple assis à proximité. Il s'était souvenu de Charlie, la dernière personne qui l’avait vue. Elle gardait le silence sur leur dernière conversation.
DOULEUR DOULEUR DOULEUR DOULEUR DOULEUR DOULEUR
SPAM ! ERREUR 406
— Putain !
Il avait alors décidé d’aider un peu plus Lùca.
Eliott
Sans plus réfléchir, Lùca s'était précipité vers le poste de police. À son arrivée, un homme à l’allure pour le moins excentrique s'était présenté à Eliott, le policier derrière le comptoir. L’homme, pas si grand, mais plutôt rondouillard, avait l’air d’une figure plus amusante que séduisante. Derrière son regard coquin se cachait une expression de douleur. Malgré sa maladresse évidente, il arborait des vêtements impeccablement propres.
— J’aurais besoin d’une ordonnance restrictive, avait-il articulé d’une voix confuse.
Eliott, en service derrière le guichet ce jour-là, n'avait pas caché son étonnement.
— Contre qui pourrait-elle être cette ordonnance, monsieur ? avait-il demandé.
— Mon chat, avait-il répondu sans hésitation.
Eliott, retenant son rire, s'était renseigné davantage. L’homme lui avait raconté une série d’anecdotes plutôt improbables et hilarantes à propos de son chat, qui démontraient que celui-ci gouvernait sa maison avec une main de fer. Finalement, Eliott n'avait pas pu retenir son rire.
— Contre votre chat, vous dites ?
— Oui, mon chat.
— Eh bien, monsieur, je suis vraiment désolé, mais nos services sont principalement dédiés aux affaires impliquant des êtres humains.
— Ne désirez-vous pas être au courant de ce qu’il a perpétré ?
— Je ne préfèrerais pas, réellement, l’avait-il interrompu en l'invitant à quitter les lieux : passez une excellente journée.
À peine la porte s'était-elle refermée derrière lui qu'un bruit soudain avait interrompu Eliott. Il s'était retourné vivement pour voir Lùca qui venait d’entrer dans son bureau, posant une photo mystérieuse sur son bureau. Eliott avait froncé les sourcils en voyant les visages familiers sur la photo. Il avait commencé à se demander où Lùca avait pu l’obtenir lorsque ce dernier l'avait interrompu :
— On arrête les mensonges, Eliott. Il est temps que tu me dises ce que tu sais.
Face à Lùca, l’attitude enjouée d’Eliott s'était dissipée brusquement. Il avait inspiré profondément, conscient des conséquences que sa révélation pourrait engendrer.
— Lùca, je… Je ne peux pas… avait commencé Eliott, clairement mal à l’aise.
Lùca, ignorant les règles, avait insisté :
— Hailey était ma petite amie, Eliott. Je veux savoir.
Lùca avait persisté en lui demandant si Hailey avait mentionné quelque chose avant de disparaître. Eliott, malgré son hésitation initiale, lui avait finalement dit qu’ils avaient discuté de Charlie. Ce fut dans ces moments incisifs que les vérités les plus dures étaient tombées, là où les plaies s’étaient ouvertes aux forts mal-aimés qui nous entourent : ces êtres que nous croyions connaître mieux que nous-mêmes, engendrant ainsi les blessures les plus profondes. Une fois qu'il avait obtenu ce qu'il voulait, Lùca avait quitté le poste de police, et Eliott l'avait regardé partir. Le cœur de l’agent de police battait doucement dans sa poitrine, car, en lui, un sentiment de culpabilité s'était enraciné. Il avait trébuché sur la ligne étroite entre ses obligations professionnelles et sa loyauté envers son ami. Lùca avait fait de son mieux pour digérer l’information qu’Eliott venait de lui fournir. Charlie. Bien sûr.
Un frisson de doute avait traversé sa colonne vertébrale. Dès le début, il y avait eu quelque chose d’étrange à propos de Charlie, quelque chose sur quoi il n’arrivait pas à mettre le doigt. Un sentiment d’incommodité qui n’avait fait que grandir au fil des jours. Son regard, son sourire ressemblant plus à une grimace. Et tant de questions qu’elle posait, des questions qui n’avaient pas lieu d’être. Une sensation de froid et de malaise s’était installée en lui alors qu’il se mettait à marcher sans réelle destination. Les jours passés sans Hailey prenaient un nouvel éclairage, remplis d’indices qu’il n’avait pas réussi à prendre en compte. Des pièces du puzzle avaient commencé à s’imbriquer les unes aux autres, dépeignant un tableau qu’il aurait préféré ne pas voir.
Charlie. Sa frange brune encadrant ses yeux sournois. Ses rires trop forts pour des blagues démodées. La manière dont elle avait insinué son chemin dans la vie de Lùca sous le couvert d’une amie attentionnée. Faire face à Charlie directement n’était pas une option. Pas encore. Trop de questions restaient sans réponse, tissant un filet de suspicion et de peur. Lùca avait décidé de suivre les signes, se disant qu’une piste mènerait à un indice, cet indice à une vérité, et cette vérité à Hailey. Un mouvement désemparé avait gonflé son cœur à la pensée de toutes les possibilités. Il observait chaque visage dans la rue, chaque voiture, chaque ombre, chaque rire, chaque chuchotement. Pour la première fois, il ne se sentait pas perdu. Plutôt, c’était un sentiment de détermination qui l’envahissait. La voix de Charlie résonnait dans son esprit et, malgré tout, il n’arrivait pas à la haïr. Pas encore.