Depuis son enfance, Isidore entendait des voix. Il y avait celle de sa maman, toute douce et attentionnée, celle de son papa, plus grave et humoristique, et celle de Clarisse, sa petite sœur, ses gazouillements, ses rires.

Et puis il y avait ces autres voix, qu'elle ne comprenait pas. Parfois, quand elle se promenait dans la rue, quelqu'un lui parlait. Mais dès qu'elle se retournait, la personne avait disparu.

Au début, elle pensait à une mauvaise blague de ses voisins, et maman avait même été les voir pour leur demander d'arrêter. Sauf qu'ils ne savaient vraiment pas de quoi elle parlait, et même si Maman disait qu'ils étaient de méchants menteurs, elle savait que c'était vrai. Si c'était la voix des voisins, elle l'aurait reconnue. Ces voix-là étaient différentes. Elles ne parlaient pas français ni aucune autre langue connue d'ailleurs. Elles murmuraient des choses qu'elle ne comprenait pas, jour et nuit, et tout ceci commençait à lui faire peur.

Devant l'insistance d'Isidore, Papa et Maman avaient commencé à s'inquiéter. Ils l'avaient emmené chez plusieurs docteurs qui avaient essayé de lui expliquer que les voix qu'elle entendait étaient dans sa tête et qu'elle ne devait plus y faire attention. Elle avait essayé. Elle avait vraiment essayé. Mais plus elle cherchait à s'en débarrasser, plus elles étaient présentes.

Et puis, un jour, les voix étaient devenues plus claires. Elles l'avertirent de ne pas prendre le bus scolaire ce mardi matin là. Elle ne sut pas pourquoi elle les écouta, mais elle le fit. Le ton sérieux, la peur de désobéir peut-être ? Elle essaya de dissuader ses copines de ne pas y aller, mais aucune d'elles ne la crut. Pour elles, elle était juste Isidore la folle, celle qui entend des voix. Et pourtant, elles auraient dû l'écouter.

Car le mardi soir, le bus n'est jamais rentré à l'école. Il a disparu, sans laisser de trace, les élèves et les professeurs à son bord. Personne ne sait ce qui est arrivé. Personne n'a jamais retrouvé les corps. Vingt-neuf disparus et une survivante : Isidore, la seule qui avait refusé d'aller à la sortie.

Après ça, les voix se sont tues, comme si elles avaient accompli leur devoir. Isidore se demande encore parfois qui elles étaient et pourquoi elles l'ont avertie elle et pas les autres. Ce n'était pas important. C'était sûrement juste son imagination. Un simple bruit de fond.