Un mois plus tard
Devant l’immense miroir de la chambre des jumelles, qui nous avaient quittées pour deux mois pour suivre un voyage avec leur école de mode, je m’efforçai à replacer mon nœud papillon qui refusait de rester droit. Concentré sur ma tâche, je ne tournai même pas la tête quand on toqua à la porte.
— C’est bon, je suis changé, vous pouvez entrer ! clamai-je.
Le battant s’ouvrit sans bruit et le parfum de ma grande sœur vint chatouiller mes narines avant que mes yeux ne puissent capter son reflet dans la glace. Avec un petit air de moquerie, elle se plaça dans mon dos et dompta avec habileté mon problème de tissu récalcitrant.
— Tu n’es pas trop stressée ?
Elle inspira à fond.
— Je suis morte de peur. Mais je pense que c’est normal, c’est un soir important pour moi. Plus que la présentation de mes œuvres, je vais devoir vendre mon concept et mes idées. Certains paieront pour mon travail, d’autres pour m’encourager à continuer…
Elle lissa mon col de chemise puis s’écarta et me scruta de haut en bas sans aucune retenue.
— Tu es beau en costume, ça te change.
Je la détaillais à mon tour. Sa robe bustier de couleur bleu nuit, dont le jupon fendu était parsemé de petites pierres reflétant la lumière, lui donnait l’air d’une princesse. Ses longs cheveux noirs retombaient en une cascade maîtrisée jusque sur son buste, habillant ses épaules nues. Je ne pus retenir une moue de fierté.
— Tu es vraiment sublime. Ils ne vont pas en revenir. D’ailleurs ! Ça me fait penser à quelque chose ! Viens !
Je saisis son poignet et l’attirai jusque dans ma chambre. Dans une malle de rangement, dissimulé sous un plaid, j’extirpai un coffret en velours que j’avais récupéré quelques jours plus tôt chez le bijoutier. Je lui apportai, impatient qu’elle comprenne.
— Oh, Éliah, tu n’aurais pas dû ! J’ai déjà beaucoup de bijoux ! s’exclama-t-elle.
— Celui-là est spécial. Ouvre !
Après un petit sourire complice, elle s’exécuta et son expression changea. J’observais de l’étonnement, de la surprise, de la tristesse puis, finalement, de la nostalgie. Une seconde plus tard, une larme tomba sur son décolleté et elle souffla pour éviter que d’autres ne suivent.
— C’est le collier de grand-mère…, murmura-t-elle. Comment tu as fait ça ?
— Ils ont dû remplacer le fermoir ainsi qu’une partie de la chaîne, mais comme ils ont l’habitude de travailler sur des bijoux anciens, ils ont pu trouver des pièces ressemblantes assez vite. Il te plaît ?
Elle franchit les quelques pas qui nous séparaient et m’enlaça avec force.
— Il est parfait ! Vraiment, tu es le meilleur frère du monde ! Tu peux l’accrocher ?
Me tendant son cadeau, elle me tourna le dos et je le glissai autour de son cou, refermant nos jeunes années contre sa nuque. Lorsqu’elle me fit face de nouveau, je me sentis un peu mélancolique. Cette émeraude en forme de goutte nous renvoyait une bonne quinzaine d’années en arrière. Tous les deux, nous gardions de merveilleux souvenirs de notre grand-mère maternelle. Nous avions passé des mois entiers de nos étés dans sa grande maison de campagne tandis que nos sœurs allaient en colonie de vacances. Nous y avions eu une vie simple, beaucoup moins guidée par l’argent que chez nos parents. Travailler la terre ou jardiner avec grand-père, faire de longues balades le long du fleuve avec mamie. C’était la période que j’affectionnais le plus, celle où je pouvais me tenir loin de mes géniteurs et y repenser me serrait toujours un peu le cœur. Ils me manquaient atrocement.
— Elle serait fière de toi, lui confiai-je.
— Tu crois ?
— J’en suis certain, tu es sa digne héritière après tout.
Elle retint un sanglot dans un sourire approximatif et m’étreignit une nouvelle fois, déposant un gros baiser sur ma joue. C’était avec notre grand-mère que Delphine s’était mise à cet art, à force de la regarder. Dans son petit atelier verrière, anciennement utilisé en tant que serre chaude, elles avaient passé des nuits entières à s’entraîner sur les teintes, les textures, les sentiments qui pouvaient se dégager du travail de la peinture. Soudain, on toqua. Léonie se tenait dans l’encadrement, un peu gênée de nous déranger.
— Papa et maman disent qu’on y va.
Dans son tailleur féminin rouge carmin, elle resplendissait. Loin de ce qu’elle était il y a un mois à cause de cette histoire de photos et de chantage, elle avait eu le courage de porter plainte et les peines avaient été sévères pour ses harceleurs. Depuis elle coulait des jours tranquilles au lycée et se préparait à avoir son BAC haut la main. Je la fixai, fier, en pensant que mes sœurs étaient vraiment les plus jolies filles de l’univers. Nous suivîmes notre cadette pour rejoindre nos géniteurs et Caroline. Tout le monde était très excité par cette soirée. Ma mère, dans une combinaison de flanelle d’un vert sombre, ses cheveux d’ébène relevés en un chignon sophistiqué resplendissait. Quant à mon paternel, impeccablement tiré à quatre épingles dans son costume de cérémonie noir, ne manquait pas de prestance. J’avais beau ne pas être loin de les détester, je ne pouvais pas nier que l’argent et le prestige leur allaient comme un gant. Caroline, elle, était habillée une longue robe d’été à motif floral qui lui donnait l’air d’une petite ingénue.
La troupe se dirigea vers la voiture, mêlant discussions animées et compliments sur les vêtements portés ainsi que sur les coiffures arborées. Dans l’habitacle en cuir, mon père ne mit pourtant pas longtemps à lancer les hostilités.
— Je suppose que tu n’as pas de cavalière pour ce soir ?
— Eva sera présente.
— C’est bien la seule chose qui me console. Je me demande vraiment ce que tu attends pour te prendre en main de ce côté-là. Il serait temps de grandir Éliah. Tu penses que notre nom peut se permettre de se perdre ? Est-ce que tu te rends compte de ce que ta mère et moi avons fait pour en arriver là ? Tout le travail que nous avons dû accomplir pour vous offrir cette vie de privilèges ?
Delphine attrapa discrètement ma main et la serra dans la sienne en signe de soutien.
— Je suis désolé, papa.
— Ça me fait une belle jambe. En tout cas, si tu n’y parviens pas tout seul, nous devrons te mettre en contact avec des prétendantes dignes de ton statut. N’oublie pas ton rang, Éliah.
— Je ne l’oublie pas.
— Tu n’as pas l’air très pressé de faire perdurer notre nom, intervint ma mère. Tu n’es pourtant pas vilain. Bien sûr, ta couleur de cheveux pourrait être couverte par une coloration régulière.
Je baissai les yeux.
— Il a ceux de mamie ! C’est une belle teinte ! me défendit Léonie.
— Pour les femmes ! cracha la doyenne d’un ton sec. Les hommes se doivent d’avoir quelque chose de plus conventionnel et présentable. Quant à cette nouvelle coupe, elle ne me plaît pas du tout ! Tu ressembles à un membre de ces boys band asiatique, c’est vraiment de mauvais goût.
Noyé sous ces compliments, je serrai les doigts de ma grande sœur. Rentrés depuis à peine trois jours, ils ne laissaient pas passer une seule occasion de me lancer des reproches piquants et humiliants. Mon portable vibra et j’ouvris le message de Mickaël.
« Je suis impatient de te voir ce soir. Tu me manques. »
Je réprimai le sourire qui menaçait de dévoiler mon pire secret. Depuis un peu plus de trois semaines maintenant, j’étais officiellement dans une relation amoureuse avec lui. Il s’était déclaré après un merveilleux repas au restaurant et depuis, je vivais dans un monde presque parfait. Lui renvoyant la politesse, je me retrouvais bien vite sur mon écran d’accueil et remarquais le logo l’application.
Quelques jours après sa demande de pause, Nightmare avait mis fin à nos rencontres, sans vraiment me laisser débattre. J’avais pesé le pour et le contre puis j’avais accepté sans me battre, de toute façon, que pouvais-je bien faire s’il avait décidé d’arrêter ? Au final, ce baiser avait tout gâché, j’avais tout gâché.
Je verrouillai mon téléphone et reportai mon attention sur la route, n’écoutant que d’une oreille les reproches de mes parents sur tous les pans de ma vie. La soirée allait être longue.
Nous arrivâmes enfin à la galerie et je pus m’extraire de l’auto qui fut confiée à un voiturier. Je rejoignis Eva qui patientait devant l’entrée. Dans sa petite robe noire ceinturée d’une lanière jaune, elle était adorable.
— Salut mon chou ! me lança-t-elle.
— Bonsoir Eva ! Tu es prête ?
— Oui ! Ce soir, je serai ton excuse ! me chuchota-t-elle, complice. Mais il faudra que tu dises la vérité à tes parents un jour.
Je soupirai.
— Oui, quand ils seront sur leur lit de mort !
Nous rîmes tous les deux puis elle s’accrocha à mon bras tandis que nous entrions. Nous nous rapprochâmes de ma famille afin qu’elle leur présente ses respects, puis Delphine me la vola pour lui faire visiter la galerie avant que les invités les plus importants ne se montrent dans le hall.
— Ne reste pas planté là, Éliah ! Va voir la galeriste, vérifie que tout est en place ! C’est quand même fou qu’à ton âge, j’aie encore besoin de te rappeler ça, gronda ma mère.
Je hochai la tête et m’éloignai à la recherche de la professionnelle que je dénichais au fond de l’immense pièce. Un bloc-notes à la main et les sourcils froncés, le bout de son stylo rebondissait sur son menton dans un réflexe démontrant d’une concentration pleine.
— Bonsoir Sarah. Vous avez produit un travail parfait, c’est magnifique, on dirait vraiment un ciel étoilé.
Mon regard se perdit sur le plafond de tulle agrémenté de petites ampoules LED.
— Je n’ai fait que concrétiser votre idée, et c’est vrai que ça convient à la perfection à la collection de Delphine. Elle a de la chance d’avoir un si bon agent, plaisanta-t-elle.
Je ris.
— Vous savez, je lui donne simplement un coup de main. Est-ce que tout est prêt pour les victuailles de ce soir ? Les livraisons se sont bien passées ? Pas de pertes à déplorer ?
Elle secoua la tête.
— Tout s’est déroulé à merveille, sinon, vous m’auriez déjà eu au téléphone. Vous pouvez vous détendre, tout est en place, me rassura-t-elle avant que son regard ne soit accroché par des personnes. Excusez-moi, certains VIP sont arrivés.
Elle me sourit et s’éloigna, allant saluer quelques invités prestigieux tandis que je cherchais un endroit où me cacher dans l’optique d’échapper à mes parents. Durant l’heure qui suivit, je visitais l’exposition en compagnie de Léonie et Eva. Toutes deux étaient impressionnées par le talent de Delphine et je devais bien avouer que je partageais leur sentiment.
Soudain, alors que nous débattions au sujet du nom d’une couleur, mon père agrippa mon bras avec violence et me tira en arrière. Je grimaçai légèrement, voulant cacher ma douleur et ma surprise.
— C’est l’heure du discours de ta sœur. Tu as bien préparé le tien ?
— Oui, papa.
— Dans ce cas, monte sur scène, dépêche-toi ! m’ordonna-t-il.
Il me traîna presque jusqu’à l’estrade que je gravis, sentant mes forces m’abandonner. Avec ma nature timide et plutôt effacée, prendre la parole devant de si nombreuses personnes demeurait une expérience d’une angoisse glaçante.
Je sortis les petites fiches de ma poche et les installai sur le comptoir. Tapotant la mousse du micro, j’attirais l’attention des visiteurs, les encourageant à se rassembler. Dans ma tête, je me répétais de fixer un point au loin dans cette immense salle, juste derrière le dernier rang de ceux venus m’écouter. Puis, résigné, je dus m’atteler à ma tâche.
— Mes chers amis, tout d’abord, je tiens à vous remercier de vous être déplacés ce soir. Vous pourrez bientôt vous targuer d’être les premiers à avoir posé les yeux sur le travail de Delphine. Avant d’accueillir ma sœur afin qu’elle vous parle de ses œuvres, je vous rappelle que pour les membres VIP, le carré d’or sera disponible à la visite dès la fin des discours. J’attendrai les premiers avec grand plaisir. Maintenant, je laisse la place à l’artiste de la famille, Delphine.
Je saluai la foule qui applaudit à l’arrivée de mon aînée puis quittai la scène avec hâte. Je sentis le regard désapprobateur de ma mère peser sur moi et lui fit confiance pour qu’elle me dise tout de mon allocution ratée dès que nous serions seuls.
J’allais me poster devant la salle des privilégiés où Eva me rejoignit suivie de Mickaël. Enfin ! Qu’il soit là restait une bouffée d’air frais. Se plaçant à mes côtés, il se pencha à mon oreille.
— Le complet te va bien, tu es très élégant.
Je fus gêné, mais lui renvoyais ses compliments ; dans son costume gris, il débordait de charme. Pour l’instant, seule Eva était au courant de notre relation et je ne tenais pas particulièrement à ce que le reste de ma famille l’apprenne. J’en parlerais certainement à mes sœurs dans quelque mois, mais pour le moment, notre petite bulle demeurait si idyllique que je ne l’aurais percée pour rien au monde.
Durant le reste de la soirée, je vaquai à mes occupations, présentant le carré aux VIP, répondant aux questions que certains me posaient et je poussais même parfois des visiteurs à l’achat. Quand je pus à nouveau passer un temps avec mon amoureux, ce furent mes parents qui vinrent apporter leur grain de sel non quémandé. Tandis que je discutai avec lui, prévoyant notre prochaine sortie, je les vis s’approcher. Ma mère, sans aucune gêne, s’incrusta dans notre conversation, la coupant tout simplement.
— Éliah, tu ne nous présentes pas ton ami ?
Mickaël et moi échangeâmes un sourire.
— Pardon. Je vous présente Mickaël, mon chef de service.
À mes mots, les yeux de ma génitrice se gorgèrent d’étoiles. Elle attrapa la main de mon compagnon entre les siennes.
— Je suis véritablement enchantée ! Si vous saviez à quel point Éliah nous parle de vous ! Il a vraiment de la chance d’avoir un homme comme vous en tant que patron !
Ceci était un mensonge. Je m’étais bien gardé de le mentionner devant eux. L’intéressé rit.
— Il ne tarit pas d’éloges à votre égard lorsqu’il me parle de vous, mentit-il à son tour.
Ma mère m’envoya un sourire sincère, ce qui me déstabilisa. Depuis combien d’années n’avais-je pas décelé cette expression sur son visage ? Mon père serra sa main avec conviction.
— Voilà un homme comme on en voit rarement. Vous avez une carrure impressionnante ! Votre femme doit être aux anges !
— Elle semble l’être, déclara-t-il en me jetant un petit regard amusé auquel je répondis par un rougissement léger.
Il était vrai que le corps de Mickaël était… Tout à fait à mon goût. Sous couvert de faire ami-ami avec mon boss, mes parents ne nous lâchèrent pas une seule seconde jusqu’à la fin de la soirée. Ils ne cessaient de le complimenter, m’encourageant à prendre exemple sur lui. Heureusement, il me défendait avec habileté et sans jamais les froisser.
Lorsque nos convives partirent enfin, l’horloge indiquait une heure du matin. J’avais perdu Eva de vue depuis un moment et la cherchai donc pour lui dire au revoir. Je finis par la trouver au bras d’un bel homme apparemment déjà sous le charme de mon amie. Elle me remercia encore une fois de l’avoir invitée et je la laissai filer en compagnie de l’inconnu avant de rejoindre Delphine.
Cette dernière, en pleine conversation avec un couple âgé, s’excusa et s’approcha alors que je me tenais à l’écart pour ne pas la déranger.
— Cette expo est une réussite ! me lança-t-elle avec joie. J’ai déjà vendu quelques œuvres et j’ai reçu des commandes !
J’attrapai ses mains dans les miennes.
— Je suis vraiment fière de toi. Tu mérites que tes efforts soient reconnus, tu as passé tellement d’heures sur ces tableaux…
— Je ne pensais pas que ça irait si vite ! Deux autres galeristes m’ont abordé. Ils veulent exposer mon travail ! Tu te rends compte ?! L’un d’eux vient de Paris ! Paris !
Sa joie transpirait par tous ses pores et j’étais le plus heureux des petits frères. Je la quittai rapidement puis allait dire au revoir à Caro et Léonie. Elles observaient avec attention l’un des tableaux de notre sœur.
— Celui-ci est de loin mon préféré, on y voit tellement de tristesse et de mélancolie, expliquait la cadette.
— Oui, je trouve qu’il te convient bien, avoua l’aînée. Peut-être que papa et maman seraient d’accord pour te l’acheter !
Je me permis de les couper et leur souhaitai une bonne fin de soirée avant de les abandonner pour retrouver Mickaël, toujours en compagnie de mes parents.
— On y va ? me proposa-t-il.
Je hochai la tête, impatient de filer.
— Nous comptons sur vous pour prendre soin de notre fils, Mickaël, roucoula ma mère.
— Ce sera fait, madame.
Son air charmeur fit rosir les joues de ma génitrice et après que mon père et lui aient échangé une poignée de mains pleine de testostérone, nous pûmes enfin partir.
Nous gagnâmes sa voiture, stationnée non loin et nous y installâmes. Il démarra rapidement et je soupirai.
— Je suis épuisé.
— Il se fait tard. Ne t’inquiète pas, je t’ai préparé la chambre d’ami, tu dormiras bien.
Je tournai des yeux ronds vers lui. Comment ça « la chambre d’ami » ? Il se mit à rire, se moquant de ma réaction et caressa ma joue du bout des doigts.
— C’est une blague, ne t’en fais pas. Ce soir, tu es à moi, alors n’espère pas pouvoir fuir avant demain.
Lorsque je repensais à l’excuse que nous avions donnée à mes parents, je ne pus m’empêcher de pouffer. Prétexter que nous devions travailler pour préparer un de ses voyages professionnels ne leur avait pas semblé bizarre. Mais au moins, j’avais la possibilité de passer la nuit avec lui, donc, si je devais leur mentir, je n’allais pas m’en priver.
Je lui souris, véritablement heureux d’être là, à ses côtés.
Après une belle demi-heure en voiture, nous arrivâmes dans sa résidence et montâmes chez lui. Devant sa porte, je me sentis soudain tout penaud. C’était la première fois que j’y étais invité. Je me retrouvais intimidé et pourtant, comblé qu’il m’autorise à m’introduire un peu plus dans son monde.
Il serra ma main avec une tendresse que je lui découvrais de jour en jour et nous entrâmes. Je démasquai un bel appartement, décoré avec des ensembles de meubles modernes dans des tons neutres. Son intérieur était comme lui, apaisant.
— Va t’asseoir sur le canapé, je te sors un jus ? Je me prendrais bien un petit rhum, moi.
— Oui, un jus ce sera parfait ! Merci !
Je m’exécutai et allai m’enfoncer dans les larges assises en tissu. Il me rejoignit quelques instants plus tard et son bras s’allongea sur mes épaules. Je me laissai couler dans son étreinte. Je n’aurais jamais cru que mes sentiments puissent être réciproques, et quand il me regardait, je ne voyais qu’affection et tendresse.
Nous discutâmes un long moment où je restai blotti contre lui avant d’aller nous coucher. Dans son lit, emmitouflés sous d’épaisses couvertures, j’eus tout le plaisir de me délecter de sa peau chaude et douce. Il m’embrassa de nombreuses fois, me répétant à quel point il était heureux que je sois là et je ne pus qu’affirmer que je ressentais la même chose.
Avant d’éteindre la lumière, je me résolus à enfin opérer une chose que je retardais depuis plusieurs semaines. D’un geste empreint d’une petite peine, je désinstallais l’application « Chikan station » accomplissant des adieux implicites à Nightmare. Je m’étais fait à l’idée que je ne connaîtrai jamais son identité et quelque part, c’était mieux comme ça.
Le fantasme que nous avions partagé était toujours là, mais l’homme de ma vie était allongé à côté de moi et ça m’était bien suffisant. Une fois le logo disparut, je fondis une nouvelle fois dans l’étreinte de Mickaël, plus heureux que jamais.
FIN DU TOME 1