Puis son monde s’était écroulé. Comme lors d’un de ces bons gros orages d’été. Le soleil brille fort dans le ciel, et soudainement, il se fait envahir de nuage. Un bon gros orage. Un de ceux qui font plus de bruits que de pluie. Ceux qui donne l’impression que le ciel n’est qu’une photo en noir et blanc que quelqu’un est entrain de déchirer. Tout est figé, calme, paisible et CRAC !
Crac c’est le bruit qu’à fait sa vie en partant.
Un jeune vient de faire tomber un verre. Il se confond en excuse. Elle se baisse, ramasse, le rassure : ce n’est rien voyons, un accident ça arrive à tout le monde, on ne va pas se mettre dans tous nos états pour un simple verre. Elle jette les morceaux dans la poubelle, et cache rapidement son pouce ensanglanté. Elle ne veut que personne ne se sente coupable, que personne ne la prenne en pitié. Puis son corps, il peut être meurtri, elle a connu tellement pire, que la douleur, elle ne la sent plus vraiment.
Ce qui la tuerait vraiment, ce serait qu’ils ne reviennent pas.
Et si un jour ça ne suffisait plus ?
Si les mots, les jolies formules qu’ils chantaient, le bruit des stylos sur leurs carnets, la sensation de leur doigts sur les cordes de leur guitare, si tout cela ne suffisait plus ? S’ils ne chantaient plus assez fort pour faire taire cette voix en elle ? Cette voix qui crie, qui hurle, qui souffre. Cette voix qui ne lui veut aucun mal. Mais qui ne peut pas s’empêcher de geindre. Parce qu’elle n’est que douleur. Elle n’est que peur. Parce qu’elle ne connaît rien d'autre. Et parce qu’elle souffre depuis si longtemps, qu’elle ne se souvient plus depuis quand. Qui ne sait même plus pourquoi elle est ainsi assaillie de pensées noires. A force de serrer les dents pour retenir les cris, elle s’est épuisée. Et maintenant, elle hurle si fort cette voix en elle, qu’importe ce qu’ils pourraient lui chanter, ça ne sera jamais assez. Jamais assez puissant. Jamais assez réconfortant. Pour vaincre le silence de ses hurlements. Alors, elle ramasse les morceaux de verre, et ne fait pas exprès de se couper, même si elle se coupe à chaque fois. Elle observe les gouttes de sang au bout de ses doigts, et elle fait comme si de rien n’était. Parce qu’elle a encore plus peur lorsqu’elle ne l’entend pas cette voix. Parce que si elle se taisait définitivement, qu’est-ce qu’il lui resterait pour vaincre le silence ?
Ce soir là, elle a hâte de fermer le café.
Elle rentre chez elle.
Ne prends même pas la peine d’allumer la lumière.
Elle se rend dans la chambre d’amis, devenue sa chambre depuis la tragédie. Comment pourrait-elle dormir dans le lit conjugal sans lui ? Insensée. Elle baisse les stores. Se masse les tempes. La migraine est revenue. La fatigue aussi. Extrême. Et l’air est un pachyderme. Elle peine à respirer. Tout pèse trop lourd dans sa poitrine. Elle s'étouffe avec l’humidité ambiante. Elle ferme fort les paupières, pour retenir les larmes. Elle s’interdit de pleurer. Et ce soir, elle lève la tête vers le ciel. Est-il là- haut ? La regarde-t-elle ? Dis moi, Ô Atlas, toi qui a tant supporté, est-ce que le monde est plus lourd sur tes épaules, que ce que je porte sur mon cœur ? Était-elle trop faible ?
Elle tente de se réfugier dans un sommeil qui la fuit cruellement.
Pitié, implore-t-elle un dieu auquel elle ne croit même plus, pitié, laissez-moi le rejoindre, ne serait-ce que dans un rêve.
Au matin, son oreiller était moite, pourtant, elle le jure, elle n’a pas pleuré.