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Lys

Chapitre 1 - Partie 2

Calista


Il a bien insisté sur le surnom en arborant le sourire en coin le plus moqueur qui existe sur Terre. 

Puis il tourne les talons, me laissant sur place complètement abasourdie. Jusqu’à ce qu’il prenne conscience que je n’avais pas bougé d’un pouce et lance par-dessus son épaule.

—      Et bah alors gamine, tu viens ? A moins que tu n’aies plus important à faire du reste de ta nuit.

Je le rattrape rapidement et lui demande.

—      Où est-ce qu’on va ?

—      T’apprendre à conduire une voiture. C’est quand ton anniversaire ?

—      Euh… en novembre, mais pourquoi ?

Il soupire et secoue la tête de dépit.

—      J’ai vraiment tout à t’apprendre en fait… 

Oui, eh bien on va dire que mes parents sont plus de genre à suivre bien gentiment les ordres du Gouvernement qu’à initier leurs enfants aux règles du monde clandestin.

—      Tu pourras pas entrer dans l’Hidden World avant tes 16 ans, et ça sera déjà presque la fin de la saison. Ce qui nous laisse jusqu’à janvier pour faire de toi une conductrice potable. 

—      Potable ?

Me pense-t-il si incapable d’apprendre tout ce qu’il veut m’enseigner ?

—      A moins que tu ne dévoiles un talent inné avec un volant entre les mains, tout ce que je pourrai faire de toi c’est une pilote moyenne, capable de survivre dans le monde impitoyable qu’est l’Hidden mais sans plus. Alors si tu voulais bien accélérer le pas et arrêter de poser des questions, on serait plus vite fixés.

Je me tais, admettant qu’il a raison, et le suis en silence jusqu’à un terrain vague quelques rues plus loin. 

Je ne pensais pas avoir marché autant que ça, nous sommes carrément sortis de la ville. Pour autant, je ne vois pas la moindre voiture. 

—      On va commencer par les bases. T’as déjà conduit une voiture gamine ?

—      Non.

Il me jette un regard sceptique et s’arrête brusquement au milieu du terrain. Puis il croise les bras et attend en silence.

Il ne me croit pas ?

Il faut dire qu’à sa place je ne me croirais pas non plus, ça paraît vraiment étrange que dans ce monde où nous perdons presque tout contrôle sur nos vies aucun adolescent n’ait déjà fait quelque chose d’interdit au moins une fois. Et la conduite n’étant autorisée qu’à partir de 16 ans…

Je finis par soupirer.

—      Bon, d’accord. C’est arrivé une fois. J’avais réussi à retrouver une de mes grands-mères et elle n’était pas en forme. La première fois que j’ai osé frapper à sa porte, elle a fait un malaise quand on buvait le thé et l’hôpital n’étant pas loin de chez elle… j’observais souvent mes parents donc j’avais une vague idée de ce que je faisais. J’ai pris sa voiture et je l’ai emmenée jusqu’aux urgences. J’ai filé à pied avant que quelqu’un me voit.

Il reste silencieux quelques secondes puis reprend sa route. Je m’empresse de le suivre sans pouvoir m’empêcher de me demander ce qu’il peut bien penser. 

Nous finissons par arriver près de ce qui ressemble vaguement à une vieille grange en bois. L’une de ces vieilles granges qu’on trouve dans nos manuels d’histoire. 

Il nous fait entrer et je découvre à l’intérieur deux voitures qui détonnent au milieu de toute cette poussière tant elles sont bien entretenues. 

—      C’est la deuxième chose que t’apprendras.

—      À m’occuper d’une voiture ?

—      Exactement. Tu vois celle-là ? 

Il me désigne la noire dont la carrosserie est si brillante qu’on pourrait presque s’en servir de miroir. J’acquiesce doucement et il poursuit.

—      C’est la mienne, tout ce que t’as le droit de faire avec c’est l’admirer, compris gamine ?

J’acquiesce une deuxième fois plus vivement tandis qu’il sort un trousseau de clefs de sa veste. 

J’allais lui poser une question mais il me prend de court.

—      Tu poseras des questions plus tard. 

Il me lance les clefs, que je rattrape au vol aisément, et me désigne la porte conducteur de la seconde voiture. 

—      Je suppose que tu n’y connais rien aux voitures ?

—      Les seules choses que j’ai eu le droit d’apprendre à l’école concernaient le travail en bureau…

Et c’était d’un ennui mortel. Voilà jusqu’où s’étend le contrôle qu’a le Gouvernement sur nos vies. Même nos loisirs doivent avoir un lien avec notre futur métier… ce qui fait que la seule chose que je sais de cette voiture est qu’elle a une magnifique couleur violette très sombre qu’on pourrait facilement prendre pour du noir en pleine nuit. 

J’entends Félix ricaner et ouvrir la portière du côté passager.

—      C’est la troisième chose que t’apprendras. En attendant, monte dans cette voiture et montre-moi à quel point je vais perdre mon temps.

Perdre son temps ?

Et puis quoi encore ?

Agacée, je prends place dans le véhicule et devine assez facilement à son silence ainsi qu’à la façon dont il s’est laissé aller contre son siège qu’il ne compte pas me guider du tout. 

J’en viendrai presque à penser qu’il souhaite que j’abandonne. 

Ce qui est certain c’est que ce silence m’oppresse, je tente donc un début de conversation, et s’il faut que je parle toute seule je le ferai aussi.

—      Pourquoi m’apprendre les spécificités techniques de l’automobile en troisième seulement ? 

Je mets les clefs sur le contact et cherche ensuite toutes les poignées qui me permettront de régler les commandes. Ma mère le fait tout le temps, à chaque fois qu’elle prend la voiture après mon père en fait. 

—      Théoriquement, la seule chose dont tu auras besoin c’est de savoir survivre plus de 500 mètres sur un circuit. Mais je tiens à ce que tu saches t’occuper de ton matos, parce que pas de voiture signifie : pas de courses. Et pas de courses signifie : tu dégages de l’Hidden. Tu apprendras très rapidement que tu ne peux compter que sur toi-même dans ce monde.

Je trouve enfin ce que je cherchais et prends mon temps afin d’être parfaitement à mon aise. Je ne relève pas sa remarque sur les 500 mètres, le chemin faisait un peu plus de deux kilomètres de toute façon, et démarre la voiture. 

Vu le bruit qu’elle fait, je comprends mieux pourquoi ce terrain éloigné de la ville.

—      C’est pas mal gamine, maintenant emmène-moi cette bagnole jusqu’au milieu du terrain. 

Je m’exécute de mon mieux, et finis par arrêter la voiture sur ce qui me semble être le centre de cet immense terrain. 

Il reste silencieux quelques secondes avant de soupirer.

—      Jusqu’à combien t’es montée avec la voiture de ta grand-mère ?

Pourquoi il veut savoir ça ? Et pourquoi il ne fait pas de commentaires ? Je fronce les sourcils mais lui réponds quand même.

—      Jusqu’à la vitesse maximale autorisée. Je ne suis pas médecin, je m’étais dit que le mieux serait qu’elle arrive le plus vite possible à l’hôpital. Et puis… si j’avais roulé trop lentement ça aurait paru suspect.

Il acquiesce doucement, il semble d’accord avec moi. Parfois j’aimerai être capable de lire dans les pensées, pour savoir ce que les gens ne disent pas. 

Comme maintenant. Cela m’éviterait de me poser des tonnes de questions. Comme : qu’est-ce qui m’est passé par la tête ? 

Non mais franchement, suivre un inconnu dans un endroit éloigné et accepter de monter dans sa voiture… je sais que notre monde est plutôt sûr mais, actuellement, je ne suis pas un exemple de prudence. 

Je sursaute presque quand il prend soudainement la parole.

—      T’as de bons réflexes, tu ne sembles pas avoir peur de la vitesse et pour le peu que je t’ai vu conduire tu parais avoir un bon instinct dans une voiture. Finalement, je vais peut-être réussir à faire de toi quelque chose d’un peu mieux qu’une conductrice « potable ». Je crois qu’on va même pouvoir faire de toi une pilote acceptable.

Ça ressemblait étrangement à un compliment ça. C’est cool, je suis contente.

—      Te réjouis pas trop vite, gamine, il te reste énormément à apprendre. Et on va commencer par les règles.

Son sourire en coin n’augure rien de bon. Combien donc existe-t-il de règles pour qu’il s’amuse déjà à mes dépens alors qu’il n’a même pas commencé ? 

—      Tu dois savoir que l’Hidden est régit par un bon nombre de règles non écrites. Ce ne sont pas des lois, mais tout le monde les respecte. Et si tu oses en enfreindre, tu es vite mal vu. Pas éjecté, parce qu’à partir du moment où t’as du talent, tu peux rester, mais très mal vu. Et les relations ainsi que ton image sont aussi des choses importantes. 

Ça me paraît logique. 

Mais je me demande bien comment lui a pu survivre dans ce monde avec son caractère grognon si les relations sont si importantes que ça…

En tout cas, vu son surnom, je suppose qu’il ne faisait pas tant d’efforts que ça.

—      Chaque discipline de l’Hidden a ses propres règles alors on ne va parler que des courses de voitures. Peut-être que si tu parviens à te faire un vrai nom, tu seras amenée à fréquenter d’autres domaines mais on n’y est pas encore.

Attends… il veut dire que les règles changent en fonction de ce qu’on fait ? Et qu’en plus de ça il existe des personnes qui les connaissent toutes ?

Eh bah… si je m’attendais à ça.

—      Il est encore temps pour toi de changer d’avis. 

—      Non. J’irai jusqu’au bout. 

Il approuve d’un mouvement de tête en souriant brièvement et reprend.

—      Bien. Alors si t’es prête retiens bien parce que je répèterai pas.

Il va falloir que je retienne tout maintenant ? J’espère qu’il n’y aura pas tant d’informations à retenir, mais je doute que la chance soit de mon côté cette fois. 

—      La toute première chose que tu dois savoir, c’est le fonctionnement des courses. 

—      Le fonctionnement ? 

—      Ouais. Tu fais pas une course juste pour gagner pour toi, tu fais une course pour apporter la victoire à quelqu’un. 

On ne conduit pas pour nous ? Mais comment on est censé se faire connaître alors ? 

—      Ton nom va dépendre de la personne pour qui tu vas courir. Plus cette personne sera influente et plus tu gagneras pour elle, alors seulement tu seras reconnue. 

—      On dépend complètement de quelqu’un ?

Il soupire.

—      Oui, totalement. Il faut que tu comprennes que dans l’Hidden c’est comme ça partout. Chaque nom que tu connais dépend d’un autre, mais tu avais dû le remarquer ?

Oui, en effet. Même pour lui, quand on cherche son nom, il n’est pas seulement accompagné du nombre impressionnant de ses victoires, il est aussi suivi d’un autre nom. Enfin… un autre surnom plutôt. 

—      Ces autres noms sont ceux des joueurs. 

—      Des… joueurs ?

Il acquiesce lentement, et je vois son regard s’assombrir légèrement. Qu’est-ce qui a bien pu se passer dans sa vie ? Qu’est-ce qui l’a poussé à quitter l’Hidden ?

—      Ces gens n’ont intégré l’Hidden que grâce à une excellente intuition pour dénicher les meilleurs talents. Ils ne sont là que pour jouer, ils parient sur tout et n’importe quoi. Et nous, nous sommes là pour leur faire gagner leurs paris. Et plus ils gagnent…

—      … plus ils sont connus et nous aussi. Je murmure.

—      Exactement. Tu comprends vite. Ton avenir dépendra entièrement d’un de ces joueurs, et j’espère pour toi que tu te feras remarquer par quelqu’un qui a déjà une bonne réputation. 

Pour ça, il faudrait que je sois douée. Et ça on ne le sait pas encore. 

Il a bien dit qu’il fallait que je me fasse remarquer ? 

Et comment on fait ça ? 

Il dû remarquer mes sourcils froncés parce qu’il reprend. 

—      Il se passe plusieurs courses par soirées, et très souvent il y en a une « ouverte ». N’importe qui peut y participer et ce sont lors de ces courses que tu peux te faire repérer. Toutefois, il y a une contrainte. Tu dois prouver ton talent. 

—      Prouver mon talent ?

—      Ouais, même si tu te fais démarcher, tu n’auras aucune légitimité tant que tu ne rempliras pas l’une de ces deux conditions : cinq victoires d’affilé ou quatre victoires parmi dix courses. 

Un taux de réussite inférieur à cinquante pourcents est suffisant ? C’est étonnant. Je suppose que ceux qui sont concernés sont moins connus à cause de ça. 

—      Quatre sur dix ? 

—      Eh bien, par exemple, si c’est ta dixième course et que tu n’as gagné que trois fois, ce sera aussi ta dernière course si tu perds. Je crois que j’ai oublié de préciser une chose, les places dans ces courses ouvertes sont limitées. Plus tu avances dans le temps en ajoutant des défaites à ton compteur, moins tu seras prioritaire. Même chose quand t’es nouveau mais ça, ça me paraissait logique. 

Oui, ça l’est. Le pistonnage existe encore visiblement. Donc plus on perd, plus notre légitimité dans l’Hidden est compromise… je commence à croire que c’était une mauvaise idée. 

—      T’as pas à stresser, gamine. Des petits nouveaux en début de saison il y en a pleins, tu passeras presque inaperçue si tu te plantes. 

Si c’est sa manière de me rassurer… je ne pense vraiment pas que ça fonctionne. 

Mon regard se perd dans la nuit. Malgré tout, ça reste ma seule option, non mortelle, d’échapper à une vie monotone. 

—      Très bien, je suppose qu’on ne sera fixé qu’une fois que j’aurai commencé à conduire ?

—      Exact gamine. Donc, première question : est-ce que tu vois le circuit ?

Le circuit ? Il y a un circuit ici ? J’avoue que je n’ai pas fait très attention en arrivant. 

Je fronce les sourcils et regarde un peu plus attentivement le terrain. Maintenant qu’il le dit, je crois distinguer des traces faites très certainement par les passages de plusieurs voitures. 

—      Si c’est le cas, alors vas-y. Peut-être qu’on a toute la nuit, mais il n’en reste pas long avant le lever du Soleil. 

Ok, très bien. J’enclenche une vitesse et fais partir la voiture. Je n’ai plus qu’à lui prouver qu’il ne perd pas son temps.

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