J'ai rejoins Benjamin dans mon lit, cette phrase me paraît vraiment lunaire. Si on m'avait dit il y a quelques semaines qu'un mec passerait la nuit avec moi, qui plus est pas Valentin, je n'y aurais pas cru.
Benjamin est adossé à la tête de lit, les yeux rivés sur l'écran, mais je sais qu'il ne regarde pas vraiment. Il a l'air ailleurs. Il est tendu, comme si son corps entier était sur le point de se replier sur lui-même.
Je tire légèrement sur la couette pour m'installer plus confortablement et je m'allonge sur le côté, la tête posée sur mon oreiller. Benjamin ne bouge pas. Il garde sa posture rigide, presque figée.
- Benjamin...
Il ne réagit pas immédiatement. Sa respiration est rapide mais profonde. Je tends la main et effleure doucement son poignet. Il sursaute légèrement mais il ne me repousse pas.
- Essaie de te calmer
- Je fais ce que je peux
J'hésite un instant, puis j'attrape son avant bras et le tire légèrement. Il détourne enfin les yeux de la télé et me regarde dans les yeux.
- Viens, allonge toi.
Il ne dit rien mais après une seconde d'hésitation, il s'allonge à son tour. Il reste sur le dos, son regard perdu dans le vide en direction du plafond.
- Ferme les yeux et fais le vide.
- Je peux pas.
Alors doucement je me rapproche et pose ma tête contre son épaule. Il sent mon gel douche la noix de coco. J'entends son souffle trembler légèrement lorsqu'il expire.
- Il faut que tu dormes.
- Je sais pas si j'y arriverai.
Je lève légèrement la tête vers lui. Il a les yeux rouges depuis qu'il est revenu de la douche, il a dû profiter d'être seul pour pleurer plus fort. Son regard est lourd de fatigue et de douleur. Sans réfléchir, j'entoure doucement sa taille de mon bras et me serre un peu plus contre lui.
Je sens ses muscles se contracter un instant avant qu'il ne relâche enfin une longue expiration. Il lève un bras et le passe autour de moi, m'attirant contre lui avec plus de fermeté.
- Merci, Mia. Sa voix est à peine audible
- Dors maintenant, s'il te plaît
Il ne me répond rien mais au bout d'un moment je sens son souffle se régulariser contre mes cheveux, et peu à peu, ses battements de cœur ralentissent sous ma paume. Il s'endort. Je lutte encore un peu pour être sûr qu'il dort profondément avant m'endormir à mon tour.
Le lendemain matin, je me réveille en sentant une présence lourde et chaude autour de moi. Il me faut un instant pour me souvenir. Benjamin est toujours endormi. Son bras est passé autour de ma taille, son visage enfoui dans mes cheveux. Sa respiration est lente, paisible.
Je reste immobile quelques minutes, savourant cette sensation étrange. L'intimité de ce moment. Puis, doucement, je me détache de lui et me redresse. Il grogne légèrement mais ne se réveille pas complètement. Je me lève et sors du lit sur la pointe des pieds, me glissant hors de la chambre.
Lorsque je descends, mon père est déjà debout. Il bois son café en lisant son téléphone. Il lève à peine les yeux quand je m'installe à table.
- Benjamin dort encore ?
- Oui, laisse le dormir autant qu'il a besoin s'il te plaît, c'est compliqué pour lui de s'endormir.
Mon père ne répond pas tout de suite, puis il hoche la tête en silence. C'est sa manière d'accepter la situation.
Après avoir mangé un peu je prépare tout ce dont Benjamin aura besoin pour prendre un petit déjeuner et je retourne me préparer.
Quand je rentre dans la chambre il dort toujours mais il paraît un peu plus agitée. Je prend mes affaires et file dans la salle de bain.
***
Lorsque j'arrive au lycée, la sensation est étrange. Comme si j'avais vécu un million de choses depuis hier et que ce lieu était figé dans une réalité complètement différente. Je retrouve rapidement les filles devant la grille, elles m'attendent de pied ferme pour que je leur explique tout, mais je ne pourrai pas.