— Je suis très heureux de revenir ici, se réjouit M.Sanders en entrant dans l'auberge. Cet endroit est si spécial, je ne voudrais vraiment qu'il ferme ses portes.
— Nous non plus, lui répond ma mère. C'est pour cela que nous aimerions lui donner un petit coup de jeune avec des rénovations. L'auberge garderait son style ancien et brute mais avec plus de services.
— Une excellente idée, vraiment, répond M. Sanders, sincèrement enthousiaste. Le charme authentique de cet endroit est ce qui le rend unique. Il suffit d'un peu de modernité pour répondre aux attentes des clients d'aujourd'hui sans altérer son âme.
Il fait quelques pas dans la pièce, observant attentivement les poutres en bois apparentes, les murs de pierre et le mobilier rustique.
— Vous savez, quand je venais ici à l'époque, ce que j'adorais, c'était cette sensation de déconnexion. Comme si le temps s'arrêtait. Vous comptez garder cette atmosphère ?
Ma mère acquiesce avec conviction.
— Absolument ! C'est l'une des priorités du projet. Nous voulons que les visiteurs continuent de se sentir comme chez eux tout en profitant d'un confort amélioré. Par exemple, nous envisageons d'ajouter un spa et des chambres familiales plus spacieuses. Mais cela demande un budget conséquent.
M. Sanders hoche la tête, l'air pensif.
— Les ajouts sont intéressants, mais il faudra s'assurer que l'équilibre soit respecté. Trop de modernité, et vous risquez de perdre l'authenticité. Toutefois, si c'est bien fait... ce lieu pourrait devenir une destination incontournable. Je suis prêt à m'engager sérieusement, mais j'aurai besoin de comprendre davantage les détails financiers et votre vision à long terme.
Il se tourne alors vers moi, son regard bienveillant mais perçant.
— Léa, vous avez grandi ici. Que représente cette auberge pour vous ?
Sa question me prend de court, et je sens Raph m'observer discrètement. Je prends une inspiration, pesant mes mots.
— Cette auberge, c'est... bien plus qu'un bâtiment ou un simple lieu de travail. C'est là où j'ai grandi, où j'ai appris la valeur de l'accueil et des liens humains. Chaque pierre, chaque pièce raconte une histoire. C'est pourquoi il est essentiel, pour moi, de préserver ce lieu tout en le rendant viable pour les années à venir.
M. Sanders sourit légèrement, ses yeux pétillant d'une émotion contenue.
— Voilà pourquoi cet endroit mérite d'être sauvé. Ce genre de passion, ça ne s'achète pas. Et je peux dire que votre équipe est portée par des valeurs sincères. Nous allons discuter des chiffres avec mes associés, mais... vous pouvez déjà compter sur mon soutien. Je m'investirai personnellement pour que ce projet voie le jour.
Un souffle de soulagement traverse la pièce. Ma mère, émue, lui serre la main chaleureusement.
— Merci, Philippe. Vous ne savez pas à quel point cela compte pour nous.
— Croyez-moi, je sais, répond-il avec un sourire complice.
Tandis qu'il poursuit les discussions avec ma mère, Raph s'approche de moi et murmure :
— Il a l'air de beaucoup vous apprécier.
Je le regarde, un sourire amusé au coin des lèvres.
— Tu es jaloux, Raph ?
Il hausse les épaules, mais ses yeux pétillent.
— Peut-être un peu, concède-t-il en glissant ses mains dans ses poches, son sourire malicieux trahissant une pointe de sincérité.
Je ris doucement, mais je sens le rouge me monter aux joues. Mon regard revient à M. Sanders, qui parle avec animation à ma mère. Il gesticule légèrement en décrivant ce qu'il imagine pour l'auberge, et je ne peux m'empêcher de me rappeler l'homme chaleureux qui, des années auparavant, s'asseyait au coin de la cheminée avec une tasse de thé et un livre en main.
— Il m'a toujours semblé gentil, dis-je à Raph, sur un ton plus sérieux. Mais... c'est vrai qu'il est très attentionné envers moi.
Raph m'observe un instant, son expression indéchiffrable, avant de hausser les épaules.
— Tant qu'il n'oublie pas que c'est toi et moi qui avons fait la liste des points à améliorer, ça me va, plaisante-t-il. Mais s'il commence à te proposer des idées un peu trop "spéciales", tu sais où me trouver.
Je le frappe légèrement sur le bras, amusée par son faux air vexé, avant de reporter mon attention sur la discussion en cours.
— Léa ! Viens par ici, appelle ma mère, son sourire rayonnant. M. Sanders voudrait te poser quelques questions sur ton expérience ici.
Je m'approche, Raph me suivant de près.
— Oui ? Vous vouliez savoir quelque chose ?
M. Sanders croise les bras, son sourire bienveillant toujours présent.
— Léa, j'aimerais connaître ton avis sur une idée que j'ai en tête. Que dirais-tu d'organiser des événements saisonniers ici ? Par exemple, des ateliers de cuisine locale, des soirées contes près de la cheminée, ou même des balades guidées pour découvrir les alentours ? Toi qui as grandi ici, tu pourrais peut-être en être l'ambassadrice. Qu'en penses-tu ?
Je reste bouche bée un instant. Ces idées résonnent parfaitement avec la vision que j'ai toujours eue pour l'auberge, mais entendre quelqu'un d'autre les formuler me déstabilise.
— Ce sont d'excellentes idées, dis-je enfin. Ça pourrait vraiment attirer du monde tout en mettant en valeur l'histoire et le charme de l'auberge.
M. Sanders semble satisfait de ma réponse, mais je sens Raph se raidir légèrement à mes côtés.
— Et vous, jeune homme ? intervient soudain M. Sanders en regardant Raph. Vous semblez très impliqué. Vous travaillez ici aussi ?
— Pas exactement, répond Raph avec un sourire poli. Mais je fais de mon mieux pour soutenir Léa et sa famille. L'auberge mérite de rester un lieu aussi spécial qu'il l'a toujours été.
— Très bien, très bien, dit M. Sanders avec un regard appréciatif. Vous avez l'air d'un bon allié.
Je surprends un éclat amusé dans les yeux de Raph, mais il ne répond rien.
— Si vous voulez bien m'excuser, j'ai encore quelques notes à prendre pour notre réunion, dit M. Sanders en s'éloignant légèrement.
Une fois qu'il est hors de portée, Raph se penche vers moi.
— Ambassadrice, hein ? Tu es prête à devenir la star de l'auberge ?
— Arrête, dis-je en riant. Mais avoue que ses idées sont bonnes.
Raph me lance un regard mi-amusé, mi-sérieux.
— Elles sont bonnes, oui. Mais ça ne change rien au fait que l'auberge n'a besoin que de toi pour briller.
L'idée de revenir m'installer ici me trotte dans la tête, maintenant que j'ai la carrière que je veux qu'est-ce qui m'empêche de revenir près de ceux que j'aime ? Je repousse la question dans un coin de ma tête ce n'est pas le moment d'y penser. Je rigole tout de même de la tournure qu'on prit les évènements en à peine six jours. Moi qui craignais de revenir ici, je retrouve mes marques et il se pourrait même que je retombe amoureuse.
Je reviens à la discussion commune et pose la question qui me brule les lèvres.
— Pensez-vous que nous pourrions avoir les fonds pour commencer les travaux dans les prochains jours ?
— Je vais contacter tout de suite mes associés, mais je pense pouvoir les débloquer pour demain, vous allez juste devoir obtenir un permis de construire auprès de la mairie et vous pourrez commencer les travaux.
— Même avec des petits travaux comme ça nous devons avoir un permis de construire ?
Raphaël se tourne vers moi.
— Pour installer la terrasse oui, il va falloir travailler dehors et pour ça le permis est obligatoire mais ne t'inquiète pas je connais quelqu'un qui travaille à la mairie, dit-il en me faisant un clin d'œil. Je vais l'obtenir rapidement.
Je le remercie et me tourne tout excitée vers mes parents, ils ont l'air aussi pressé que moi de commencer les travaux.
Dès le départ de M. Sanders, nous ne perdons pas de temps. Mes parents et moi embarquons dans la voiture pour une virée au magasin de bricolage. L'idée d'apporter rapidement de petites touches de changement nous enthousiasme tous. Nous savons que les gros travaux prendront du temps, mais ces premières améliorations visibles apporteront déjà un vent de renouveau à l'auberge.
Raphaël, malheureusement, n'a pas pu se joindre à nous. Une réunion importante à la mairie le retient, mais il m'a promis qu'à partir de demain, il serait en vacances et entièrement disponible. L'idée de passer plus de temps avec lui me réchauffe le cœur. D'autant plus que, pour l'instant, mes parents ne sont pas encore au courant de ce qui se passe entre nous. J'attends de voir où tout cela nous mènera avant d'en parler, même si une petite voix intérieure me rappelle que le temps presse. Mon retour à Paris est prévu dans une semaine, et cette pensée me laisse une pointe d'appréhension.
Sur le trajet, je m'efforce de ne pas penser aux messages inquiétants que j'ai reçus récemment. Cette journée bien remplie me les avait presque fait oublier. Avec du recul, j'en viens à me convaincre qu'ils sont probablement liés à mon travail. Peut-être un concurrent jaloux ou mécontent de notre dernière victoire sur un gros projet. Ce n'est pas la première fois que je ressens des tensions dans ce milieu compétitif. Après tout, cela s'était déjà produit sans conséquences graves. Je décide donc de ne pas m'alarmer inutilement.
Lorsque nous rentrons à l'auberge en fin de matinée, les bras chargés de deux gros cartons remplis de décorations et d'accessoires, je ressens une agréable fatigue. L'excitation des achats et l'anticipation de voir le résultat final me donnent presque l'impression d'être une enfant préparant un sapin de Noël.
Après avoir aidé à ranger les cartons dans une des pièces vides, je monte rapidement dans ma chambre. J'ai besoin de parler à Camille. Je compose son numéro et attends avec impatience qu'elle décroche. Dès qu'elle répond, je me lance dans un récit détaillé de mes derniers jours, y compris les messages menaçants. Je n'omets rien, chaque mot déborde d'émotion.
— Attends, attends, calme-toi, Léa ! Tu es sérieuse ? Des messages de ce genre ? s'exclame Camille, choquée.
— Oui, mais honnêtement, je pense que ça ne peut être qu'un rival dans mon travail. Tu sais comment ça se passe, on a remporté un gros projet récemment. Ce n'est pas la première fois que quelqu'un essaie de me déstabiliser.
Un silence inquiet s'installe au bout du fil, mais Camille finit par répondre, sa voix plus douce :
— Ça pourrait bien être ça, mais ne prends pas ça à la légère. Promets-moi de rester vigilante, d'accord ? Et évite de te promener seule si tu peux.
Je soupire, touchée par sa sollicitude.
— Promis. Et toi, n'en parle à personne. Ça ne sert à rien d'inquiéter tout le monde pour rien.
— D'accord, mais sois prudente. Et sinon... dis-moi tout sur toi et Raphaël. Alors, c'est sérieux ?
À ces mots, je souris malgré moi. Camille a toujours su détendre l'atmosphère. Nous passons un long moment à discuter, partageant rires et confidences. Pourtant, une fois que je raccroche, un léger malaise subsiste. Peut-être Camille a-t-elle raison ? Et si ces messages étaient plus qu'une simple provocation professionnelle ?
Pourtant, je refuse de me laisser submerger par l'inquiétude. Je descends rejoindre mes parents pour commencer à organiser les nouvelles décorations. Le brouhaha familier de la maison me rassure, me rappelant que je ne suis pas seule. Quant à Raphaël, il sera là demain, et rien que cette pensée suffit à m'apaiser.