Aujourd’hui, Abigaëlle a vingt ans. Elle vit seule à Newton, une banlieue tranquille à 12 kilomètres à peine de Boston. Elle s’y sent à distance du bruit, mais assez proche pour ne jamais être isolée.
Son appartement est petit, idéal pour ses photos. Des paysages flous, des reflets dans des flaques, des escaliers vides, des chambres abandonnées. Des lieux où l’on devine une présence... sans que personne ne s’y trouve réellement.
Chaque matin, Abby suit un rituel précis : thé matcha, retouche de ses photos. Puis une marche dans Newton, avec son Canon AE-1 à la main. Elle photographie des choses que d’autres ne remarquent pas : une barrière au bois écorché, une paire de bottes mouillée par la pluie, une lueur étrange sur un mur.
Elle ne vend pas ses oeuvres pour l’argent, mais juste pour son plaisir. Certes, elle gagne quelques pièces, mais juste assez pour vivre. Une galerie à Cambridge, à 9 minutes de Boston, l’a amadoué. Elle vend peu, mais chaque photo qui part lui donne l’impression de laisser partir une part de sa propre histoire. Celle qu’elle a crée seule, sans amour, sans parents pour lui donner de l’attention quand elle en avait besoin.