La nuit avait été longue, entre les allers-retours de Will et Sophia, je finis par plonger dans un profond sommeil, épuisée par les émotions. Je me réveille doucement, secouée légèrement... Non... Non... Je vous en prie, je vous en supplie, ne me dites pas qu'elle est partie. Je ne peux pas, je ne suis pas prête, je ne le serai jamais. La secousse reprend, ce qui me fait froncer les sourcils. Je secoue la tête, refusant de revenir à la réalité. Un rire doux et cristallin se fait entendre, ce qui me surprend et me fait relever la tête instantanément. Margaret me regarde avec un sourire radieux, et je reste figée, incrédule :
- Bonjour Lizzie.
- Tu ... Tu es vivante ?! je balbutie sous le choc.
- Mais oui, répond-elle d'un air réellement surpris par ma question, ne t'en fais pas.
Je reste sans voix, je me pince violemment le bras, c'est douloureux, je n'ai jamais vu un rêve aussi réaliste. Margaret rit à nouveau, je la regarde comme si c'était un spectre. Est-elle un spectre ?!! Cette fois-ci, c'est moi qui la pince :
- Aie !!! Mais tu me fais mal, qu'est-ce que tu fais ? Me dit-elle en se frottant le bras.
- Tu es réelle ?
- Mais tu es devenue folle ou quoi ? Tu as bu combien de verre hier soir ?
Je me frotte les yeux, puis regarde autour de moi, Sophia est endormie sur une chaise près de la cheminée, Will également, en position assise à même le sol à côté d'elle, la tête baissée. Zéphyr n'est pas là ... J'inspecte le visage de Margaret et pose mes mains sur ses joues :
- Non, mais je t'assure que tu étais mourante ! je m'écrie, incapable de cacher mon émotion.
- Quoi, ça te pose souci que je me sente mieux ? Plaisante-t-elle.
Je pose ma main sur son front, elle n'a plus de fièvre, elle a retrouvé des couleurs, et j'entends même son estomac gargouiller.
- Non !!! Bien sûr que non, mais le guérisseur a dit que tu ne survivrais pas à la nuit !
- Alors j'espère que vous ne l'avez pas payé trop cher ! s'exclame-t-elle joyeusement. Lizzie, je m'excuse, mais je meurs de faim et j'ai très envie d'aller au petit coin !!
Elle se lève et regarde autour d'elle :
- Dis donc qu'est-ce que c'est joli ici !
Je n'arrive toujours pas à réaliser ce qu'il se passe, elle va bien, elle va tellement bien.
- Lizzie ?
- Je suis désolée, je crois qu'il va me falloir un moment.
- J'ai dû attraper une mauvaise grippe. Je suis désolée de t'avoir fait peur, répond-elle inquiète par ma réaction.
- Mais comment c'est possible ? Le guérisseur a dit que...
- Oh, ces guérisseurs, ils en font toujours trop ! me coupe-t-elle, l'air de rien. J'ai juste eu un coup de froid, voilà tout. Rien qu'une nuit de sommeil n'aurait pu arranger.
- Mais tu étais brûlante de fièvre...Tu respirais à peine ...
- C'est vrai ? Ben écoute, tout va bien maintenant, je te l'assure.
Submergée par un immense soulagement et une joie indescriptible, je la serre dans mes bras, je n'arrive même pas à relâcher mon étreinte. Elle est là, vivante, les dieux en soient loués et c'est tout ce qui importe à cet instant. Will et Sophia, dorment encore profondément, je préfère ne pas les déranger, ils ont été merveilleux cette nuit.
Après avoir guidé Margaret aux toilettes pour qu'elle puisse se rafraîchir, je l'invite à me suivre en cuisine. L'aube pointe à l'horizon, répandant une lueur douce dans la pièce. Je m'affaire à préparer du café pendant qu'elle s'installe à la table, l'air étonnamment éveillé et plein d'énergie. Je lui propose du pain de la veille et du beurre, qu'elle dévore avec un appétit qui me surprend et me réjouit. Je lui tends une tasse de café fumant et m'assois en face d'elle, observant son visage rayonnant. Une question me brûle les lèvres depuis son réveil miraculeux :
- May, dis-moi, qu'est-ce qui t'a poussé à venir ici, en pleine tempête de neige ? Tu as risqué ta vie, et j'ai besoin de comprendre pourquoi.
Elle marque une pause, son sourire s'effaçant légèrement, laissant place à une expression plus sérieuse. Elle pose sa tasse sur la table, ses yeux bleus plongés dans les miens :
- J'ai été mise à la porte, je voulais te retrouver, et je me disais peut-être que Monsieur Bohman accepterait de m'embaucher, répond-elle.
- Mise à la porte ? Pourquoi ?!
- Les nouveaux propriétaire ne veulent pas de moi... Tu n'as pas reçu mon courrier ?
Je secoue la tête, surprise.
- Alors, tu n'es pas au courant... Madame Hayward et Edith sont toutes deux décédées, dit-elle.
Je hausse les sourcils sous le choc.
- Mais attends, qu'est-ce que tu racontes ?
- Oui, c'est bizarre. Cirrhose pour la cuisinière, et morte de vieillesse pour la veuve. Son cœur a lâché, selon le guérisseur. Les nouveaux propriétaires veulent du sang neuf et m'ont mise à la porte.
- Mais c'est complètement fou cette histoire. Elles avaient pourtant l'air indestructibles.
- Comme quoi, il semble que tu nous portais chance ! plaisante May.
- C'est quand même surprenant, dis-je, songeant à la rapidité avec laquelle les événements se sont enchaînés. Mais ça ne peut être qu'une coïncidence, ces maladies n'ont aucun lien entre elles.
Sophia entre dans la cuisine en pleurs. Elle tourne son visage vers nous et pousse un hurlement de surprise, ses yeux s'écarquillant et sa main volant à sa bouche.
- Mais... mais... vous êtes vivante ! s'exclame-t-elle, la voix tremblante d'émotion en observant Margaret assise à table. C'est... c'est un miracle !
Will, alerté par le cri de Sophia, déboule dans la cuisine, bousculant la jeune femme dans son élan. Il fixe Margaret, l'air ahuri, puis son visage s'éclaire peu à peu, un sourire incrédule étirant ses lèvres :
- Je rêve ou... Mag ... Margaret ? bredouille-t-il, incapable de croire ses yeux.
Un sourire timide se dessine sur les lèvres de Margaret.
- En chair et en os, Monsieur, répond-elle avec un clin d'œil.
Will se précipite vers Margaret, renversant une chaise dans son élan, et la serre dans ses bras, la soulevant du sol dans une étreinte puissante. Il semble submergé par l'émotion, sa voix rauque trahissant son soulagement :
- Par tous les saints, vous nous avez fait une de ces peurs ! s'exclame-t-il. On a cru que... enfin, on a cru le pire.
Margaret se dégage doucement de son étreinte, un léger froncement de sourcils marquant son front :
- Excusez-moi ? Mais on se connaît ? demande-t-elle à Will en rougissante, surprise.
- Oh pardon ! Je m'appelle Will, je travaille au château Brisevent, hybride également, mais Elisabeth à du vous parler de moi !
- Euh non ... Je n'ai pas eu ce plaisir ... Enchanté, lui dit-elle en me tendant la main, Margaret, mais vous le savez déjà !
Will me lance un regard noir qui me fait mourir de rire, il détourne ensuite le regard vers le sol, l'air gêné, ce qui me surprend. Sophia, toujours blême, s'assoit avec nous :
- En me réveillant ce matin et ne vous trouvant ni l'une ni l'autre, j'ai cru que... que vous étiez partie, Mademoiselle Margaret, et que Zéphyr avait dû emmener votre corps... bredouille Sophia, les yeux écarquillés par l'inquiétude. Mais... mais comment est-ce possible ? Le guérisseur avait dit que...
- Oh, ces guérisseurs, ils en font toujours trop ! je m'exclame, reprenant les mots de Margaret.
Ce qui nous fait exploser de rire toutes les deux, sous les regards interrogateurs de Will et Sophia.
Lior, les cheveux en bataille et encore en pyjama, fait irruption dans la cuisine, son regard curieux se posant sur moi.
- T'étais ou, tu m'attends d'habitude avant de descendre.
- Viens là ma marmotte, je te présente Margaret, elle est arrivée cette nuit, c'est ma meilleure amie.
Lior s'avance avec un sourire, mais laisse échapper un léger soupir d'exagération en levant les bras en l'air :
- Mais noooon !!!! Encore un prénom difficile ! dit-il d'un ton presque désespéré.
Tout le monde éclate de rire dans la salle, comment aurais-je pu imaginez que je passerais une matinée comme cette-ci après cette nuit ! Margaret intervient alors avec un sourire apaisant :
- Tu peux m'appeler May si tu veux, dit-elle, allégeant un peu l'atmosphère avec sa douceur.
Elle me murmure à l'oreille :
- C'est fou comment il te ressemble, tu es sûre que ce n'est pas le tien. Me dit-elle en avalant une gorgée de son café.
Je lui mets un coup de coude dans les côtes, elle recrache son café en éclaboussant Will au passage, assis en face d'elle.
- Oh pardon Will, je suis vraiment désolée ! Je ne l'ai pas fait exprès, dit-elle, gênée.
Je ne peux m'empêcher de rire en voyant la tête de Will, trempé par le café. Sophia installe Lior à côté de moi, je lui prépare une tartine de brioche à la confiture, puis je me tourne vers Margaret, curieuse :
- Comment es-tu arrivée jusqu'ici ?
- À pied. Ils m'ont jetée dehors avec juste un sac et le peu d'affaires que j'avais, sans même me laisser une pièce de monnaie pour le transport... Tu sais comment sont les faës avec les humains...
Zéphyr entre dans la pièce, jetant un regard surpris à Margaret, mais son attention se fixe rapidement sur moi, l'inquiétude marquant ses traits :
- J'ose espérer que nous ne sommes pas tous aussi cruels...
Un silence pesant s'installe, et je murmure à Margaret :
- Je serais toi, j'attendrais un peu avant de lui demander un travail, dis-je sans vraiment être discrète.
Zéphyr me lance un regard appuyé :
- Élisabeth, est-ce que je pourrais te parler en privé ? demande-t-il, son ton plus préoccupé qu'étonné.
Je soupire, sentant une vague de nervosité monter en moi. En quittant la cuisine, mes pensées s'égarent sur ce qui s'est passé la nuit dernière avec lui. Zéphyr m'appelle certainement pour discuter de ce moment embarrassant où il a quitté ma chambre précipitamment ou du fait que je l'ai envoyé promener cette nuit. Je revois encore la confusion dans ses yeux.
Alors que je traverse le couloir, je sens une gêne intense m'envahir. Mon esprit s'emballe, cherchant des réponses. Peut-être qu'il veut s'excuser, ou bien il veut m'expliquer ce qui s'est passé. Mais je ne peux m'empêcher de craindre le pire, et s'il regrettait tout simplement notre proximité ?
J'arrive finalement dans le petit salon. Zéphyr est déjà là, les bras croisés et les sourcils froncés. Son visage est dur, empreint de colère contenue, une expression que je ne lui connais pas. Mon cœur se serre, et je m'efforce de garder mon calme. Je prends une profonde inspiration avant de parler :
- Qu'est-ce qui se passe, Zéphyr ? je demande, ma voix trahissant ma nervosité.
- Will m'a raconté qu'il avait trouvé ta valise abandonnée dans le couloir cette nuit. Il m'a tout expliqué, Élisabeth.
Ses mots tombent comme un coup de massue. Je reste figée, incapable de réagir immédiatement. Une vague de panique me submerge.
- Oh l'enfoiré...
Je ferme les yeux, tentant de retrouver mon calme. Ce n'était pas ce que j'avais imaginé. Je n'avais même pas envisagé que Will parlerait de ma valise à Zéphyr. Tentant de fuir cette nouvelle confrontation, je fais un pas en arrière, mais Zéphyr m'attrape par le poignet :
- S'il m'a tout dit, c'est pour ton bien ! s'écrie-t-il, sa voix grondant de fureur. As-tu réfléchi une seconde à ce que deviendrait une hybride dehors, seule dans la rue ?!
Mon cœur s'accélère. La colère de Zéphyr est palpable, et ses mots résonnent comme une dure réalité à laquelle je n'avais pas pensé. Il continue, les yeux brûlant de colère et d'inquiétude :
- Tu allais nous quitter au milieu de la nuit, sans un mot, sans un au revoir ?! En pleine tempête ! Et Lior, tu y as pensé à Lior ?! Qu'aurais-je dû lui dire ?!
Les larmes me montent aux yeux. J'avais agi sans réfléchir, emportée par mon désespoir et mon envie de fuir.
- Je n'avais pas réfléchi à la neige, s'il te plaît, calme-toi... Zéphyr, tu me fais mal...
- Si c'est à cause de la nuit dernière dans la chambre...
- NON !!! Je t'interdis de continuer ! je m'écrie, sentant mes propres émotions bouillonner en moi.
Zéphyr, surpris par ma réaction, lâche finalement ma main, les yeux bien plus remplis de déception que de colère. Tous les regards sont tournés vers nous depuis le couloir, Lior y compris. Je m'échappe précipitamment, courant dans les escaliers pour rejoindre mes appartements.
Je m'effondre sur le lit, submergée par la fatigue et l'émotion, chaque fibre de mon être tremblant sous le poids de l'épuisement. Les questions continuent de tourbillonner dans ma tête, sans réponse, mais pour l'instant, tout ce que je veux, c'est oublier cette confrontation et trouver un peu de paix. Mes larmes coulent librement, chaque sanglot amplifiant ma douleur. Zéphyr entre sans frapper, comme s'il avait toujours eu cette liberté. Ses yeux saphir brûlent d'un regret visible, une douleur partagée qui semble résonner avec la mienne.
- Pardonne-moi, dit-il d'une voix tendue, teintée de désespoir en s'approchant de moi. Je suis un imbécile.
Le simple fait de l'entendre prononcer ces mots fait éclater quelque chose en moi. Je plonge ma tête dans l'oreiller, espérant étouffer mes sanglots.
- Zéphyr, je suis désolée que tu l'aies appris de cette manière. Je ne peux pas rester, tu le sais très bien, murmurai-je après m'être tournée vers lui, mes larmes brûlantes traçant des sillons sur mes joues.
Il s'assoit doucement au bord du lit, sa présence lourde mais réconfortante. Sa main effleure ma joue, essuyant une larme du bout du pouce. Ce geste, si tendre, me fait mal.
- Élisabeth, regarde-moi. Tout cela est de ma faute. Je ne veux pas que tu partes, déclare-t-il avec une sincérité qui transperce mon cœur.
Il se penche pour m'embrasser, mais je détourne la tête, une résolution fragile m'habitant.
- S'il te plaît, arrête, je murmure, sentant le poids des mots entre nous. Ce n'est pas moi que tu veux.
- Je suis un sombre idiot. Tu as toutes les raisons d'être en colère, avoue-t-il, sa voix lourde de culpabilité. Il se lève et se tient près de la fenêtre, hésitant. Ne me quitte pas. Oui, je suis un connard égoïste, mais je ne pourrais pas le supporter. Tu as apporté de la joie au château depuis ton arrivée, et Lior t'adore.
Mes larmes continuent de couler, mes émotions tourbillonnant dans un mélange chaotique de douleur et de désir. Chaque mot qu'il prononce semble raviver une blessure.
- Zéphyr, je n'y arriverai pas... je murmure avec une tristesse infinie. Je ne suis pas elle...
Une ombre de tristesse traverse son visage, mais il persiste.
- Je sais que tu n'es pas Lyra, Élisabeth, dit-il doucement, ses yeux plongeant dans les miens. Mais tu es toi, unique et précieuse. Tu as apporté de la joie et de la lumière dans ma vie, et dans celle de Lior. Ne me prive pas de ta présence, je t'en supplie.
Ses paroles me déchirent le cœur, mais je reste ferme, déterminée à ne pas céder.
- J'ai été sincère, j'avais envie de toi... Lyra m'a quitté il y a seulement cinq mois ! Cinq mois ! Je tiens à toi, j'ai de profonds sentiments pour toi, mais jamais je ne cesserai de l'aimer. J'étais un homme brisé, tu as redonné vie à cette famille, à ce foyer. Ne m'abandonne pas.
Je pleure face à ses mots poignants, chaque syllabe résonnant en moi comme un écho douloureux.
- Je ne pouvais pas, ça n'aurait pas été correct pour toi... Pour moi ! Élisabeth, laisse-moi du temps. Je veux que tu aies mon corps, mon cœur, mais aussi mon âme !
- Peut-être que ça n'arrivera pas, Zéphyr, peut-être que ça n'arrivera jamais. Tu es un faë, vous aviez une profonde connexion. J'ai son visage, tu as été attiré par ça... On a fait une erreur, une terrible erreur... On avait bu et...
- Tu n'es pas elle, tu lui ressembles, mais tu n'es pas elle ! Je le sais ! Vous êtes infiniment différentes, s'écrie Zéphyr, sa voix tremblant d'émotion tandis que ses pas résonnent dans la chambre, lourds et saccadés. Tu aurais eu un visage différent, je t'aurais désirée tout autant pour la personne que tu es. Il s'arrête brusquement, le souffle court, les yeux fuyant les miens. Et j'aurais réagi tout aussi stupidement.
- Stupidement, tu dis ? Ma voix est à peine un murmure, étouffée par l'émotion.
- Oh, crois-moi, je ne regrette rien. C'est juste que c'est trop tôt. Que je sois un homme, un faë ou un putain de troll des montagnes, je n'étais pas prêt !
Il se laisse tomber sur une chaise, la tête entre les mains, vaincu par le poids de son chagrin. Ses mots abrupts résonnent dans la pièce, me choquant par leur brutalité. Rares sont les moments où je l'entends jurer. Ses paroles me transpercent le cœur, chaque mot résonnant comme un coup de poignard. Je me sens perdue, écartelée entre mon amour naissant pour lui et la douleur que je ressens. Je le regarde, les larmes brouillant ma vision, incapable de trouver les mots pour apaiser la tempête qui fait rage en nous deux. Il est veuf depuis peu, et je me demande si c'est moi qui réagis de façon disproportionnée. Est-ce que je suis injuste en lui refusant le réconfort qu'il cherche désespérément, ou est-ce que je me protège de quelque chose qui pourrait me briser davantage ? Mon cœur vacille entre la compassion pour sa perte et la peur de n'être qu'une ombre dans son monde. Peut-être que je devrais être plus compréhensive, plus patiente, mais chaque fois que je pense à Lyra, je me sens comme une imposture, incapable de combler le vide qu'elle a laissé. Est-ce que c'est égoïste de vouloir plus, de vouloir être aimée pour ce que je suis et non pour la ressemblance que je partage avec une femme disparue ?
- Dis-moi ce que je peux faire pour que tu restes, Élisabeth. Je suis prêt à tout. Garder ton amie auprès de nous serait une joie, si cela peut te convaincre de rester. Ton bonheur est le mien.
Je regarde par la fenêtre les flocons tomber, les larmes continuant de couler. Se rend-il compte à quel point cette situation me déchire ? Il semble perdre patience :
- Si tu le préfères, fais comme si rien ne s'était passé entre nous. Efface tout, je sais que je t'ai blessée, Élisabeth, et je le regrette profondément. Cette nuit a été une erreur, mais mes sentiments pour toi sont sincères. Donne-moi une chance de te montrer que je peux être le faë qu'il te faut, le faë que tu mérites. Mais ne pars pas, laisse-nous du temps.
Il ramasse sa veste oubliée la nuit précédente et quitte la chambre, laissant derrière lui un vide impossible à combler.
- Zéphyr, non, je t'en prie... je murmure, ma voix se perdant dans le silence, mon cœur se brisant un peu plus à chaque instant.
Je reste allongée, submergée par un tourbillon d'émotions. Le silence de la chambre est assourdissant, chaque battement de mon cœur résonne douloureusement dans ma poitrine. Je ferme les yeux, essayant de calmer le tumulte en moi. Juste au moment où je sens mes larmes s'épuiser, la porte s'ouvre doucement. Lior entre dans la chambre, le visage empreint d'une confusion qui tiraille ses traits enfantins. Ses yeux, d'ordinaire pétillants de joie, sont assombris par une inquiétude palpable. Son regard me perce le cœur, chaque pas qu'il fait vers moi alourdit le poids de ma culpabilité.
- Dis, est-ce que tu t'es disputée avec papa ? demande-t-il d'une voix tremblante, comme s'il craignait que ses mots ne déclenchent un nouvel orage.
Je m'efforce de lui offrir un sourire rassurant, même si mon cœur se serre douloureusement face à la peine qui voile son regard.
- Non, mon chaton, je réponds en glissant une de ses boucles brunes derrière son oreille, ce n'est rien de grave, ne t'en fais pas. Nous avons juste eu une discussion un peu sérieuse, c'est tout.
Mais Lior ne semble pas convaincu. Ses yeux émeraude scrutent les miens, cherchant désespérément une réponse à ses propres questionnements.
- C'est à cause de la dame qui vient d'arriver ? demande-t-il soudain, une lueur de défiance dans le regard. Si tu es jalouse, je peux demander à papa qu'elle s'en aille si tu veux.
Sa réaction me surprend et m'amuse à la fois. Je ne peux m'empêcher de sourire devant son air protecteur, mais en même temps, son inquiétude m'arrache le cœur.
- Mais qu'est-ce que tu racontes là ! je m'exclame en tentant de dissimuler mon trouble.
Lior détourne le regard, ses longs cils papillonnant sur ses joues alors que les larmes menacent de déborder. Voir cette détresse me brise, et je cherche désespérément à le rassurer.
- Viens avec moi dans le lit, tu veux une histoire ? je propose, en tapotant doucement l'espace vide à côté de moi.
- Non... murmure-t-il, la voix étouffée par un sanglot.
- Un câlin ? Des chatouilles ? je tente à nouveau, désespérée de le voir sourire.
- Non ! s'écrie-t-il, sa petite voix brisée par l'émotion.
Je me rapproche de lui, mon cœur se serrant à la vue de sa détresse.
- Lior, qu'est-ce qui ne va pas ? je murmure en prenant sa main dans la mienne.
- Je veux que tu restes, maman... sanglote-t-il, ses paroles me transperçant comme un poignard.
Mon propre cœur se brise en mille morceaux. Je le serre contre moi, laissant libre cours à mes propres larmes. Mon souffle se mêle à ses sanglots, et je ressens une vague de tristesse m'envahir.
- Mon poussin, dis-je en caressant tendrement sa joue, ne m'appelle pas comme ça. C'est Lyra ta maman, je ne la remplacerai jamais, tu sais.
- M'en moque de ce que tu dis, ton prénom est trop difficile en plus et tu n'aimes pas tata... Mais pourquoi tu veux partir d'abord ?
Je prends une grande inspiration et prends Lior contre moi, sentant son petit corps trembler contre le mien. Chaque mot que je prononce est chargé de douleur et d'amour.
- Je reste là, mon lapin, ne t'en fais pas.
Un sourire timide éclaire son visage, et je ressens une lueur d'espoir naître en moi.
- Mais pourquoi tu me donnes toujours des noms d'animaux ?
Je ris doucement, soulagée de voir son humeur s'améliorer.
- Pour te faire sourire, mon agneau.
Nous rigolons tous les deux, et dans cet instant de complicité, je réalise que j'en avais besoin autant que lui.
Lior sort de la chambre en sautillant, son visage rayonnant de sérénité. Je sens un poids se soulever de mes épaules en le voyant si apaisé. Juste après, Margaret entre à son tour avec ma valise, transformant mes appartements en un véritable défilé de visites, comme si je n'avais plus une minute à moi.
- Tu vas bien, Lizzie ? me demande-t-elle, ses yeux brillants d'inquiétude.
Je ressens un élan de tendresse en voyant son souci pour moi. Sans attendre, je la prends dans mes bras, ressentant encore le choc de son rétablissement miraculeux.
- C'est plutôt à moi de te poser la question ! Tu m'as fait une peur bleue hier soir ! dis-je en la serrant contre moi, les souvenirs de la veille encore frais dans mon esprit.
- Je vais bien, je vais bien, me dit-elle en me rendant mon étreinte avec une chaleur réconfortante. Will a laissé ta valise devant ta porte... Je l'ai vu te la remonter à l'instant, mais il me semble bien que c'est Monsieur Bohman qui le lui a demandé...
Son ton devient plus léger, et je tente de suivre son exemple, même si un sentiment d'impuissance commence à m'envahir.
- Ça ne me surprend pas... je réponds en soupirant.
Margaret se met à explorer mes quartiers, ses yeux pétillant de curiosité alors qu'elle passe du salon à la chambre, puis à la salle de bain.
- Oh là là, mais c'est ça vos quartiers, Madame la Duchesse ? s'exclame-t-elle en riant, son rire cristallin remplissant l'espace.
Je ne peux m'empêcher de rire avec elle, heureuse de la retrouver ainsi.
- Tu veux venir t'installer avec moi ? On a dormi ensemble pendant tellement d'années, ça m'a manqué ! dis-je, essayant de capturer un morceau de notre passé partagé.
- C'est très tentant, répond-elle avec un clin d'œil complice, mais Sophia m'a déjà prévu une chambre. Bon, elle n'est pas aussi belle que la tienne, mais une chambre pour moi seule, que demander de plus !
Je sens mon cœur déborder de joie en entendant ses paroles. Elle est vraiment de retour dans ma vie.
- Je suis vraiment heureuse que tu restes avec nous, lui dis-je avec sincérité, mon cœur débordant de gratitude.
- Ton faë me l'a demandé, explique-t-elle. Il dit qu'il y a toujours du travail à faire dans le domaine et il est heureux que je reste avec toi... Elle marque une pause, son regard se posent sur ma valise. Et toi, tu restes ? Tu comptais partir ?
Une boule se forme dans ma gorge, les mots me manquent.
- Ce n'est pas MON faë et c'est... C'est compliqué, May... je réponds en détournant le regard, les émotions me submergeant. Aide-moi plutôt à défaire ma valise.