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KamrynAllister
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Chapitre 1 :​ Le primitif

Un vrai temps de merde, aujourd'hui...

Kei bravait cette pluie torrentielle depuis une vingtaine de minutes, au moins. La capuche de son manteau noir rabattue sur ses mèches argentées en bataille, il tapotait l'écran holographique projeté par un gadget rectangulaire de la taille d'un smartphone. Cet appareil, connecté aux écouteurs sans fils séjournant dans ses oreilles, diffusait une musique aussi froide et sombre que cette éternelle averse. Le vingtenaire avait sélectionné un son électronique au rythme lent accompagné d'une forte basse, avant de se concentrer sur le trottoir morne qu'il arpentait à travers un bas-quartier de Neo-Tokyo.

Cette grande mégalopole se caractérisait par un océan de gratte-ciel étendu sur une gigantesque superficie. La majorité de ces immeubles s'élevait sur une bonne centaine d'étages, mais certains en comptaient bien plus, parfois le double. Une immense tour, plus haute encore, surplombait toute la cité depuis son centre. N'importe qui parmi le milliard d'habitants vivant en ces lieux se sentait minuscule devant ces mastodontes en béton et en métal.

Mais le plus impressionnant restait la multitude de véhicules volants, à tailles variables, qui circulaient à différentes hauteurs sur les trafics formés entre les buildings. Leurs moteurs et bourdonnements électriques raisonnaient dans un brouhaha urbain qui pouvait relaxer ou énerver chacun, en fonction de son humeur.

Kei s'en montrait indifférent, habitué à circuler dans ce paysage tous les jours. En temps normal, il voyagerait parmi ces vaisseaux planant à plusieurs dizaines de mètres au-dessus de sa tête. Malheureusement, son moyen de locomotion personnel était en réparation dans un garage. Et ne souhaitant pas payer le monorail, un bus ou un taxi, il faisait le trajet entre son lieu de travail du jour et son appartement à pied. La distance à parcourir n'était pas excessivement longue.

Il prenait toutefois des risques en se promenant seul dans les quartiers les moins élevés de Neo-Tokyo. La partie la plus inférieure de la ville s'avérait généralement malfamée et fréquentée par des personnes dangereuses, prêtes à s'attaquer à des innocents malchanceux pour de l'argent, de la drogue ou pour satisfaire leurs violentes pulsions sadiques.

Kei avait visité cette zone à plusieurs reprises par le passé. Sa dernière venue remontait à deux ans. Pourquoi emprunter un tel chemin en ce jour, au lieu de passer par les quartiers des niveaux supérieurs ? Principalement parce que peu de monde osait s'y aventurer, et que cet homme à la peau foncée recherchait un peu de calme. Il n'avait pas spécialement peur du danger omniprésent dans cette partie de la cité.

Ce qu'il ignorait, en revanche, c'était qu'une telle décision allait sauver la vie de quelqu'un.

À une trentaine de mètres, un groupe de cinq voyous baraqués se défoulait sur un homme bien moins costaud. Kei remarqua rapidement leurs grands tatouages en forme de dragon rouge enroulés autour de leurs cous, de leurs torses et parfois de leurs bras.

Des membres du gang Masamune... Vu l'endroit, pas étonnant d'en croiser ! Mais c’est pas souvent qu’ils viennent dans cette allée-là.

Les sourcils froncés, l'argenté observa la victime de ces malfrats : un jeune adulte aux cheveux mi-longs bruns, portant une tenue singulière qui détonnait sévèrement avec le style vestimentaire des citadins. Kei ne s'attarda pas sur ces détails dans l'immédiat. Même si cet inconnu parvenait à endurer ce calvaire et à rendre quelques coups, il se retrouvait désavantagé à cinq contre un. Il venait d'ailleurs de s'écrouler, épuisé de lutter. Et malgré cet aveu de défaite cuisante et son état critique, ses agresseurs continuaient à le rouer de coups de pied.

Kei se rapprocha silencieusement de la rixe dans un premier temps. Les délinquants stoppèrent leurs frappes en remarquant sa présence.

« T'es qui, toi ? demanda l'un d'eux.

— C'est bizarre, mais j'ai l'impression d'avoir déjà vu sa dégaine, confia un second.

— Casse-toi d’là, gamin ! lui ordonna un troisième. Y a rien à voir ! À moins que tu veuilles qu'on te fasse ta fête, à toi aussi ? »

En guise de réponse, Kei parcourut son gadget pour arrêter sa musique et fit s'afficher un clavier numérique. Il y composa tranquillement un numéro d'appel et attendit qu'on lui réponde.

« Qu'est-ce qu'il fout ? s'étonna l'un des opposants en fronçant des sourcils.

— Hey ! Fais pas comme si t'étais sourd, bouffon ! On t'a dit de dégager d'ici ! »

Mais Kei ne bougea pas tandis qu'il levait ses pupilles marron vers le ciel assombri. Quelqu'un décrocha enfin. Il écouta son interlocuteur via ses écouteurs, avant de répondre :

« Bonjour ! C'est pour signaler un accident dans les bas-quartiers du district Amaterasu. Plus précisément au deuxième niveau de l'allée H48 du secteur Higure. »

Un moment de silence s'ensuivit, pendant lequel il écouta ce qu'on lui demandait à l'autre bout du fil.

« Combien de victimes ? répéta-t-il avant d'observer chaque bandit à tour de rôle. Un, deux, trois, quatre... Ils sont cinq. Tous bien KO ! »

Ses opposants lui jetèrent des regards haineux face à une attitude aussi moqueuse.

« Espèce de gros con ! On va te faire ravaler tes conneries ! »

Deux d'entre eux se précipitèrent sur Kei, qui raccrochait après avoir salué le réceptionniste de son appel. L'homme le plus proche amorça un coup de poing vers son visage alors qu'il rangeait son cellulaire. Mais d'un réflexe inattendu, le garçon aux mèches d’argent se tourna de côté pour esquiver. Profitant de l'effet de surprise, il attrapa le bras de son opposant et effectua avec habileté une prise qui fit craquer les os de ce membre. Son premier adversaire hurla sous la douleur, mais l'encapuchonné lui asséna un coup de pied à l'arrière du crâne pour l'assommer.

Un second gangster adopta une technique plus brutale. Il se jeta vers lui avec l’intention de le plaquer au sol sous son poids. Kei fut suffisamment rapide pour l'éviter d'un pas latéral. Mais avant que le brigand ne touche le sol, il attrapa l'arrière de sa tête et fessa violemment son visage contre le sol, cassant son nez et lui faisant perdre connaissance dans la foulée.

« Ça fait deux ! affirma-t-il en narguant les trois voyous restants d'un rictus provocateur. À qui le tour ? »

Les concernés grimacèrent d’agacement en sortant chacun un manche de poignard. Ils activèrent simultanément un bouton positionné à leurs bases, et des petites lames lumineuses rouges apparurent.

« Ah. Des couteaux lasers. » commenta Kei, pas plus impressionné en apparence. Dans le fond, il aurait tout de même préféré que cette bataille se termine sans utilisation d'arme.

On dirait que je n'ai pas le choix...

Il fixa brièvement les bagues en argent enfilées à chacun de ses doigts. Il embrassa celle positionnée sur son index gauche et la seconde suivante, il sentit ces bijoux vibrer, ainsi qu'un courant électrique se manifester par leur intermédiaire. Cette électricité prit peu à peu forme jusqu'à acquérir l'apparence de poings américains.

« Putain ! Mais d'où il sort ces trucs ? paniqua l'un des hommes.

— Il fait partie du gang Shuriken ou quoi ?! » questionna vivement un autre.

À peine avait-il posé sa question qu'il vit Kei foncer pour lui porter un puissant coup de poing en plein ventre. Il fut si rapide que l'autre ne l'avait pas vu venir et s'était pris l'assaut de plein fouet. Il cracha du sang à cause de la force de l'impact, mais se tordit également de douleur sous le courant que dégageaient ces bagues. Complètement sonné, le malfaiteur s'effondra, sous les yeux impuissants de ses deux confrères encore debout.

« Bordel, mais tu vas crever, oui ?! » cria l'un de ces derniers en attaquant avec son couteau à la lame lumineuse. Kei usa de ses réflexes agiles pour éviter les frappes. Mais il devait rapidement mettre un terme à ce combat avant de se faire blesser. Ou pire.

Lorsque le criminel tenta de lui trancher la gorge, le garçon au manteau noir se baissa, faisant passer la lame au-dessus de son crâne. Il profita de cette esquive et de l’exposition du corps de son opposant pour enchaîner plusieurs coups électrifiés dans son ventre et son torse. Il termina par un croche-pied qui fit tomber le voyou, suivit d'un gros coup de talon dans ses parties génitales pour le clouer au sol.

L'artiste martial leva ensuite ses yeux vers le dernier délinquant. Celui-ci tremblait alors que ses yeux s'écarquillaient de terreur. Il ne prit cependant pas la fuite, tenant fermement son poignard.

« Tu veux vraiment finir dans le même état qu'eux, mon grand ? l'interrogea Kei d'un air blasé.

— Te fous pas de moi, enfoiré ! »

Dans un geste désespéré, l’homme armé accourut jusqu'à lui pour tenter de le planter au thorax. Mais en voyant le coup venir, l'argenté effectua un grand écart pour se baisser et esquiver la frappe. Puis, il distribua un coup de poing chargé en électricité au niveau de son entrejambe. L'autre se tortilla de douleur, mais demeura difficilement debout. Il ne pouvait néanmoins plus se défendre si on l'attaquait à nouveau. Kei se releva avant de l'attraper par le col de son vêtement. Il mesurait une bonne dizaine de centimètres de moins que son adversaire. Mais en cet instant, il paraissait bien plus imposant et intimidant que ce dernier.

« Au moins, tu n'es pas un lâche qui détale au moindre danger. Je respecte ça ! Seulement, il y a une chose dont j'ai vraiment horreur : les salopards comme vous qui se déchaînent à plusieurs sur une pauvre personne sans défense. »

Sans même laisser à l'autre le temps de répliquer, il lui offrit une décharge électrique via sa prise, avant de le laisser tomber au sol, face contre terre. Le jeune homme contempla un instant le gang qu'il venait de vaincre, avant de regarder ses bagues. L'énergie contenue dans ces dernières s'évapora peu à peu.

Heureusement que j'ai eu le temps de me débarrasser d'eux avant qu'elles ne se déchargent. Je ne sais pas comment je me serais débrouillé, sinon !

Il s'approcha de la victime de ce gang, puis s'accroupit auprès d'elle. À vue d'œil, ce garçon semblait du même âge que Kei, voire légèrement plus jeune. Vingt ans peut-être ? Il paraissait cependant plus élancé que son sauveur.

Évanoui, il respirait encore malgré ses nombreuses contusions. Seulement, ses vêtements trempés et sales lui conféraient un air misérable. Lui prodiguer des soins et un endroit chaud devenait urgent.

La tenue qu'il portait intriguait Kei : une tunique bleu marine dotée d'étranges motifs colorés jaunes et violets, et un pantalon noir ressemblant à un sarouel, attaché à la taille par une grosse ceinture en cuir et en peau d'animal. Des mitaines brunes en cuir recouvraient ses mains. Ses bottes, de la même couleur et sûrement de la même matière, lui arrivaient jusqu'aux chevilles. Un tel accoutrement contrastait avec le style vestimentaire à la fois moderne, urbain et parfois extravagant des habitants de Neo-Tokyo. Il n'était pas originaire de cette ville, c'était certain !

Ce serait un primitif ? Mais… comment il est arrivé jusqu'ici sans attirer l'attention plus que ça ?

Des sirènes d'ambulance, résonnant d’abord au loin, se rapprochèrent progressivement du champ de bataille. Pour ne pas avoir de compte à rendre, Kei préféra partir. Mais pour certaines raisons, il ne voulait pas laisser cet inconnu gésir ici. Il enleva son manteau pour recouvrir l'autre homme avec, avant de le soulever par la force de ses bras. Il quitta précipitamment les lieux en l'emportant, juste avant qu'un gros véhicule blanc et rouge ne se pose à proximité.

*

Kei se lassait de subir cette pluie qui s'intensifiait. Il maudissait presque le bouclier permanent et invisible généré au-dessus de la cité, qui empêchait toute créature étrange de pénétrer en son sein, mais qui ne protégeait pas la population des mauvais temps comme celui-ci. Il accéléra sa marche afin de s'abriter au plus vite, en priant pour ne croiser personne sur sa route. Il préférait ne pas se faire surprendre en portant un primitif dans ses bras. Ce mystérieux garçon n'était d'ailleurs pas léger, et cela se ressentait par les douleurs qui lançaient son sauveur au niveau de ses bras et de son dos.

Le citadin aux mèches blanches arriva enfin à son immeuble, deux allées plus loin. Son appartement se trouvait à plusieurs niveaux au-dessus de sa position actuelle. Habitant au 35e étage, la prise d’ascenseur s'imposait. Elle se fit rapide car personne n'y circulait à cette heure creuse, à son plus grand soulagement. Ce fut dans le calme que Kei arriva devant la porte de sa résidence. Sur un petit clavier tactile positionné à sa droite, il composa un code avant d'y poser sa main à plat qui fut scannée.

« Takahashi Kei, identifié ! Bienvenue chez vous, monsieur ! » s'éleva une voix robotique féminine alors que la porte s'ouvrait automatiquement par le haut pour le laisser entrer. L'intérieur paraissait spacieux pour une personne seule, sans être excessivement grand. La pièce principale, composée d'un salon et d'un coin cuisine, s'éclairait aussitôt que Kei y mettait ses pieds. Bien aménagée et rangée, son aspect coloré et riche en objets technologiques en tous genres lui offrait un charme singulier, mais convivial.

« Bon retour à la maison, Kei ! » l'appela une autre voix synthétique, également féminine, mais bien plus enfantine que la précédente. Un robot humanoïde de taille moyenne, vêtue d'un t-shirt rose et d'un short en jean bleu, aborda son maître. Elle portait une perruque blonde coiffée en deux couettes hautes, et tenait dans ses mains mécaniques un aspirateur sans fil.

« Neeko, tu tombes bien ! lui sourit l’homme. Je vais avoir besoin d'un coup de main.

— Qui est-ce ? demanda ladite Neeko pendant que Kei se dirigeait en direction d'une des trois portes situées sur un côté de la salle.

— C'est justement pour le savoir que je te demande de m'aider. »

L'androïde promit de le rejoindre dans quelques secondes. L'argenté actionna un bouton pour ouvrir la porte menant à sa chambre. À l'instar du salon, elle était vaste pour une personne sans être immense. Plus sombre néanmoins, elle se dotait de murs et de quelques décorations simples à dominance bleus. Un lit à deux places s'étendait à côté d'une vitre ronde offrant une belle vue sur les buildings environnants, et sur la circulation urbaine volante. Un placard, un grand miroir sur pied et un bureau, sur lequel trônaient trois écrans holographiques d’ordinateur, s’y trouvaient également.

Après avoir posé son rescapé sur son matelas, Kei ferma les stores de la fenêtre pour être tranquille. Il déshabilla ensuite l'autre homme et se rendit compte que les bleus et les blessures étaient encore plus nombreux là où on ne les voyait pas.

« Ces enfoirés n'y sont pas allés de main morte avec toi, mon grand... » murmura-t-il tandis qu'un robot-chat au pelage artificiel rose et avec un écran à la place du visage débarquait. Cette machine à quatre pattes sauta sur le lit pour s'approcher des deux humains. Kei s'adressa à elle :

« Je pensais que tu avais gardé ton autre apparence.

— Je suis plus à l'aise avec celle-ci, affirma la voix de Neeko avant de se tourner vers le primitif alité.

— Il a besoin d’une bonne douche. Je vais m'en charger. Trouve-moi de quoi soigner ses blessures pendant ce temps, s'il te plaît.

— Il ne serait pas plus judicieux d'appeler un docteur ? demanda l'automate félin alors qu'un point d'interrogation s'affichait sur son écran.

— Je préfère gérer la chose moi-même. Appelle plutôt une pizzeria. Je meurs de faim et j'ai ni le temps ni l'énergie de préparer à manger ! Commande la pizza habituelle, en taille cosmique. »

Neeko acquiesça avec un pouce en l'air sur son moniteur avant de s'éclipser. Kei, lui, transporta l'autre homme, à présent vêtu d'un boxer noir, jusqu'à la salle de bain.

*

Deux heures plus tard, l'obscurité nocturne envahit progressivement les cieux de Neo-Tokyo. Le primitif secouru, après avoir été lavé, dormait profondément avec ses plaies pansées. Son aîné, assis sur son siège de bureau qu'il avait rapproché du lit, veillait sur lui, une part de pizza en main. Neeko, toujours sous sa forme de chat rose, monta sur la couche et scanna le corps de l'inconnu à plusieurs reprises.

« Mon analyse corporelle déduit qu'il est de sexe masculin, de type caucasien et qu'il est âgé de vingt-et-un ans. Mais je ne trouve rien au sujet de son identité. Il n'est fiché nulle part dans les fichiers administratifs des districts de Neo-Tokyo.

— Ça confirme ce que je pensais. C'est un primitif venu de l'extérieur.

— Comment il a fait pour se faufiler jusqu'à Amaterasu sans se faire repérer par la sécurité ?

— Je comptais sur toi pour imaginer des hypothèses à ce sujet. »

L'alité poussa un petit gémissement. Son visage se déforma sous une grimace souffrante. Il ouvrit péniblement ses yeux verts qui se posèrent sur le plafond de la pièce. Il parut confus et perdu sur le coup. Ses iris se tournèrent ensuite vers le propriétaire de l'appartement, qui lui faisait un signe peu assuré de la main en affichant un sourire nerveux.

« Euh... Coucou ?

— Coucou ! » répéta plus joyeusement Neeko en se plaçant à côté du brun avec une émoticône joyeuse. Le concerné haussa un sourcil d'étonnement avant de se rendre compte qu'il était quasi nu, allongé dans le lit d'un inconnu.

Sa réaction fut vive : d'un geste brusque, il donna un coup de pied au robot-chat, l'envoyant valser à l'autre bout de la chambre. Heureusement pour l'automate, son agilité lui permit de se réceptionner correctement au sol sans se casser.

« Hé, doucement ! » s'écria Kei devant une telle brutalité. Mais il se leva brusquement en s'écartant sur le côté, afin d'éviter l'oreiller que son homologue venait de lui jeter avec force.

« Non mais ça va pas ?! C'est comme ça que tu remercies... »

L'argenté n'eut pas le temps d'achever sa phrase qu'il esquiva un second coussin volant vers sa figure.

« Il a l'air effrayé et méfiant ! commenta Neeko en se réfugiant dans un coin hors de portée de cet assaut surprise.

— Merci, j'avais pas remarqué ! » répliqua sarcastiquement son maître, esquivant cette fois une peluche de tigre posée sur le lit et que l'autre homme avait trouvé à balancer, faute de manque d'oreiller. Agacé par cette crise de panique disproportionnée, Kei attrapa l'un des polochons gisant par terre.

« Ça suffit ! » s'exclama-t-il en l'envoyant de plein fouet au visage du brun, qui bascula en arrière jusqu'à se retrouver allongé à nouveau. Sans être sonné, il semblait abasourdi par cette contre-attaque.

« Calme-toi, bordel de merde ! Je ne te veux aucun mal ! Je t'ai même sauvé des mecs qui t'ont amoché !

— Des mecs... qui m'ont amoché ? » répéta l'autre tandis que des bribes de souvenirs remontaient en son esprit. Il se redressa en position assise, dévisagea Kei quelques secondes, puis Neeko, avant de se couvrir le torse avec ses avant-bras et de regarder ailleurs, l'air nerveux et les joues légèrement empourprées.

« Je peux savoir pourquoi je suis à poil ? T'es qui exactement ? Et ce truc rose sur pattes, là... Qu'est-ce que c'est ? »

Les deux autres s'échangèrent un regard. Plutôt dépité pour Kei, neutre pour Neeko. Malgré tout, le premier prit le temps de répondre aux questions dans l'ordre.

« Tes vêtements étaient sales alors je les ai mis à laver, et j'en ai profité pour te laver aussi et pour soigner tes blessures. Je m'appelle Kei. Et ce truc rose sur pattes comme tu dis, c'est Neeko. Mon amie et Ai-pet. »

— Ai-pet ?

— Un animal de compagnie fonctionnant avec une intelligence artificielle, si tu préfères ! Dans le cas de ma Neeko, je l'ai reprogrammée pour lui offrir une personnalité plus intéressante et autonome. Enfin bref ! C'est quoi ton nom, mon grand ? »

Le brun observa l'Ai-pet en haussant un sourcil, avant de tourner sa tête vers son hébergeur. D'abord méfiant, il finit par se détendre en comprenant que ce dernier ne lui voulait aucun mal et qu'il l'avait simplement aidé.

« Joshua. » répondit-il simplement en déviant son regard vers le bureau. Il y remarqua la grande boîte à pizza déposée là. Au même instant, son ventre grogna fortement. Kei afficha un petit sourire avant de saisir le carton.

« Eh bien, enchanté de faire ta connaissance, Joshua. T'as une sacrée dalle, on dirait ! Tiens, sers-toi. »

Joshua observa sous tous les angles la pizza découpée en plusieurs parts. Il hésita à en saisir une.

« Ce n'est ni empoisonné ni avarié, si c'est ce qui t'inquiète ! assura Kei d'un rictus gêné.

— Qu'est-ce que c'est, exactement ? » demanda son cadet en le regardant, ce qui provoqua la stupéfaction chez les deux autres.

« Tu... ne sais pas ce qu'est une pizza ? questionna son hôte.

— Sachant que c'est un primitif, ce n'est pas vraiment étonnant ! supposa Neeko.

— Primitif... répéta Joshua en grognant presque. C'est donc vraiment comme ça que vous appelez les personnes extérieures à votre luxueuse cité, hein... »

Un point d'interrogation s'afficha sur l'écran du robot-chat. Kei, lui, se gratta l'arrière de la tête sans savoir quoi répliquer.

« Ces sales types qui m'ont attaqué... Ils m'ont appelé de la même manière. Ils ont voulu m'emmener de force quelque part pour me faire subir je-ne-sais-quoi. Je me souviens avoir tenté de me défendre pour m'échapper. Après... c'est le flou total.

— Ces mecs sont des membres du gang Masamune, expliqua son défenseur. J'ai remarqué leur emblème de dragon rouge tatoué sur leurs corps. Aux yeux de tous, ce ne sont que de vulgaires voyous, mais ils travaillent secrètement pour la Kai-Riu, une société contribuant soi-disant au développement et à l'expansion de Neo-Tokyo. »

Il remarqua les poings de Joshua se serrer à la mention du nom de l'entreprise. Ses épais sourcils bruns s'étaient froncés.

« Il n'a pas l'air d'apprécier la Kai-Riu... affirma Neeko à Kei en constatant aussi ces détails.

— Les salopards de cette société ont bombardé mon village et tué tous ses habitants. Je serais également mort si je ne m'étais pas absenté pour partir chasser, quand c'est arrivé. »

Kei comprenait mieux sa réaction. Même, il saisissait peut-être la raison de la présence de Joshua dans cette ville.

« Tu veux confronter ceux qui ont réduit ton village et ta famille en cendres, pas vrai ? »

Joshua ne répondit rien et évita les regards des deux autres. Malgré son silence, sa réaction parlait d'elle-même. Il était motivé par un désir de vengeance envers la Kai-Riu qui l'avait privé de son foyer et de ses proches.

« Je t'avoue ne pas spécialement apprécier cette entreprise, moi non plus, expliqua l'argenté d'un petit sourire amer. Donc, si tu as envie de te défouler sur ses fondateurs ou ses employés, je ne t'en empêcherai pas. Mais foncer tête baissée tout seul alors que tu connais que dalle de Neo-Tokyo, crois-moi, c'est pas une bonne idée !

— Et tu veux que je fasse quoi d'autre ? C'est pas comme si j'avais quelque chose à perdre, vu que j'ai déjà tout perdu. »

À l'entente de ces mots durs, Neeko afficha un triste smiley pendant que Kei soupirait légèrement. Ce dernier compatissait à la souffrance de Joshua et maudissait intérieurement la Kai-Riu pour les horreurs commises à l'encontre du village de ce garçon. Mais il ne pouvait pas laisser celui-ci courir à une mort certaine. Il lui tendit donc la boîte à pizza.

« Commence déjà par manger un bout et te reposer. Après la raclée que tu t'es prise tout à l'heure, t’en as grand besoin. En plus, elle est délicieuse ! Sauce tomate, fromage, oignon, poivrons, champignons, olives, viande hachée ! Meilleur mélange de tous les temps, malgré sa simplicité ! »

Devant son grand sourire, Joshua lui offrit un air las avant de poser ses yeux sur la pizza encore fumante. Il devait l'admettre : cette nourriture sentait bon malgré son apparence qu'il jugeait étrange. Perplexe, il demanda.

« Où avez-vous trouvé les ingrédients pour la faire ? Vous ne cultivez aucun champ et n'élevez aucun bétail dans cette ville.

— Clonage génétique alimentaire et culture en laboratoire ! Cherche pas à comprendre, ça va te griller les neurones. Juste, mange ! Ça ne te fera aucun mal, je te promets. »

Joshua préféra ne pas poser plus de questions et se risqua à goûter un morceau. Sa stupéfaction fut immense en découvrant son goût et sa texture agréables. Une véritable fête gustative dans sa bouche ! Si bien, qu'il engloutit rapidement la portion.

« Che confirme, ché délichieux ! » avoua-t-il, la bouche encore pleine. Kei pouffa de rire face à un tel spectacle, mais fut ravi de le voir se régaler.

« Bon appétit alors ! lui souhaita-t-il en se levant. Je vais nous chercher à boire, ainsi que quelques serviettes, histoire que tu ne salisses pas trop mon lit. C'est d'ailleurs là qu'on dormira plus tard, alors j'espère que ça ne te dérangera pas. »

Joshua avait déjà saisi une deuxième part de pizza, en lui faisant signe qu'une telle chose ne l'embêtait pas si son hôte n'était pas mal intentionné. Retenant un petit rire, Kei sortit de la chambre avec Neeko pour se diriger vers son coin cuisine. Seulement, un air grave s'accapara de ses traits en repensant à sa précédente conversation.

La Kai-Riu.

« Peut-être serait-il mieux d'être honnête en lui révélant que tu travaillais pour cette société ? conseilla Neeko en bondissant sur le plan de travail en bois artificiel.

— Ce n'est pas le bon moment. Il m'a l'air de lui vouer une haine encore plus intense que la mienne. » rétorqua l'humain en préparant deux verres et des serviettes de table, avant de se diriger vers un distributeur d'eau sous lequel il plaça les récipients.

« Oui mais aujourd'hui, tu ne fais plus partie de cet organisme ! Même, tu fais tout pour lui nuire. Peut-être que vous pourriez faire équipe dans ce but, Joshua et toi ?

— Je préfère laisser passer cette nuit et y réfléchir. Ce gars mérite du repos après tout ce qui lui est tombé sur la gueule. Et puis, je souhaite parler à Ryo et récupérer ma caisse avant de faire quoi que ce soit.

— Tu veux que je prévienne Ryo pour lui expliquer la situation ?

— Non. J'irai directement la voir demain. J'ai besoin de repos moi aussi, je crois. »

Face à son distributeur, il pouvait choisir entre de l'eau plate ou gazeuse, nature ou aromatisée aux agrumes. Après réflexion, il sélectionna l'eau plate aromatisée pour les deux verres et attendit leur remplissage avant de les saisir.

« Ah Neeko ! Préviens mon travail que je ne serai pas disponible demain. Prétexte-leur que j'ai chopé un gros rhume à cause de toute cette pluie. »

L'Ai-pet félin acquiesça avant de se diriger vers un coin du salon pour s'exécuter. Kei en profita pour retourner dans la chambre rejoindre Joshua. Il ignorait à quel point la nuit serait longue. Mais avec la présence de ce primitif et son programme prévu du lendemain, le citadin n'avait pas la tête à enchaîner des petits boulots dans l'immédiat.

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