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1 - Prologue
2 - Chapitre 1 : Le prince de l'aberration
3 - Chapitre 2 : Un message venu du palais céleste
4 - Chapitre 3 : Le Tournoi Céleste enflammé (partie I)
5 - Chapitre 4 : Le Tournoi Céleste enflammé (partie II)
6 - Chapitre 5 : Le Tournoi Céleste enflammé (dernière partie)
7 - Chapitre 6 : Les lamentations de la princesse vermillon
8 - Chapitre 7 : La folie de l’oiseau vermillon
9 - Chapitre 8 : Rancoeur et vengeance
10 - Chapitre 9 : Le dilemme de San Ge
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Chapitre 1 : Le prince de l'aberration

ARC I : MENSONGES ET MANIPULATIONS

À genoux sur l’herbe mouillée, une exclamation sort de sa bouche, extirpant sa plus grande bouffée d’oxygène. Son corps tremble, ses bras le lâchent et son corps tombe rapidement sur le sol, recroquevillé sur lui-même. Son souffle crée un infime nuage de fumée sur lequel il se concentre. Pour la première fois depuis si longtemps, son souffle n’est plus si froid, mais plein de vie. Ses paupières brûlent, mais il a bien trop peur de les fermer, de découvrir que ce n’est qu’une illusion et qu’il est toujours là bas. Une larme coule sur sa joue sans geler sur son visage. Ses doigts encore tremblants attrapent la terre, qu'il disperse entre son pouce et son index, avant de rouler sur le dos, la bouche ouverte, se forçant à de grandes inspirations et expirations. La terre, l’air. Il est vraiment là. 

Le dieu céleste finit par trouver le courage de se redresser. Son premier réflexe est de dépoussiérer ses robes, laissant la cendre s'évaporer dans l’air. De minces filets noirs et visqueux tombent sur le sol, faisant pourrir l’herbe et sécher la terre. Ming Linxuan a tellement rêvé de cet instant, ce moment où il pourrait revenir parmi les siens. Et maintenant ? Cela lui a si longtemps paru impossible, désespéré, qu’il s’est interdit de penser à un “après.” Oh, bien sûr, au début son plan était clair : revenir se venger, faire éclater la vérité et rétablir ce qui devait l’être. Mais aujourd’hui ? Est-ce que toute cette ambition a encore son importance ? Non. Non, il est beaucoup trop fatigué.

Avalant sa salive de travers, désemparé, il regarde autour de lui. Ming Linxuan se trouve au milieu d’une colline, au sommet d’une montagne. A cette hauteur, il peut distinguer un village en contrebas. Peu importe ce qu’il compte faire ou ne pas faire, la première étape est de descendre. La tâche s’avère plus ardue qu’il le pensait. Ses jambes tremblent et sa force d’autrefois l’a abandonné. Obligé de s’aider d’un bâton, ça ne l’empêche pas de chuter à plusieurs reprises, dégringolant et atterrissant lourdement sur le sol. Le corps parsemé de petites plaies, les vêtements sales et sa coiffure à faire hurler toutes les jeunes maîtresses, Ming Linxuan arrive enfin devant le village, exténué, cramponné à son bâton. Il attire des regards différents à chacun de ses pas tremblants. Compassion, pitié, mépris. Figure méconnaissable au milieu de ce village, Ming Linxuan prend tout de même la peine de draper son visage avec un châle aussi sale que le reste de sa tenue, déniché sur une charrette contenant des restes de pommes de terre écrasées et immangeables. Il se doute que ce n’est pas dans un petit village qu’on peut le reconnaître, mais il vaut mieux être prévenant. Il n’est pas en état d’assumer un face à face avec une personnalité connue. 

Son estomac se creuse, son ventre émet un grondement des plus désagréables. Ming Linxuan est partagé entre grimace et soulagement. Ca fait si longtemps qu’il n’a pas eu faim, mais, maintenant que c’est le cas, qu’il en prend conscience, il sent ses forces l'abandonner et son estomac en être douloureux. Ajoutons à cela sa marche interminable, sa soif et ses blessures … L’oiseau de feu qu’il a été a perdu ses ailes. Mais il est vivant. Son état n’a pas été meilleur depuis … Depuis quand au juste ? Il a perdu la notion du temps, là-bas.

 De toute sa vie … Sa première vie, Ming Linxuan n’a jamais souffert de la faim et, au grand jamais, il n’a eu besoin de mendier pour pouvoir manger. Aujourd’hui, il n’est rien d’autre qu’un prince en disgrâce, même s’il ignore encore ce que ça veut dire. 

Un des marchands le pousse lorsqu’il essaie de réclamer un radis. Il tombe sur les fesses. 

一 Va mendier ailleurs, allez, dégage, tu fais fuir les clients, misérable !

Le mépris qu’il reçoit est déstabilisant. Ming Linxuan est regardé comme s’il était une petite chose hideuse et qu’il emmenait la maladie avec lui. L’homme s’éloigne de lui avec dégoût. La seule chose qu’il peut faire, c’est le foudroyer du regard, ses yeux rubis, durs, plus impressionnant qu’avant. C’est la seule prestance qu’il lui reste. 

Erer dans le marché n’a pas changé la donne, si bien qu’il s’est résolu à voler sans qu’on l’aperçoive. Ming Linxuan a l’impression d’être tombé bien bas et son égo en prend un coup. Pourtant … Pourquoi est-ce qu’il s’en soucie alors qu’il a été plus que piétiné par la vie, par les cultivateurs, par les dieux célestes qui l’ont abandonné ? Une petite voix lui rappelle que ce n’est pas ce qu’ils voulaient, mais il s’empresse de la chasser. Il ne veut trouver d’excuse à personne. Il faut pourtant reconnaître que mendier ou voler n’est rien par rapport à ce qu’il a vécu là-bas. Mais en retournant sur ces terres, il a retrouvé son humanité et la fragilité qui va avec. Par nature, l'homme est égoïste, envieux, vaniteux et fier. Il le pensait aussi bon, capable d’empathie, d’humilité et de générosité. C’est vrai, ce genre d’individus existe encore, mais la négativité l’emporte. L’homme est capable du bon comme du pire, mais cet équilibre n’existe plus. Il n’a jamais existé. Après tout, chacun souhaite voler le yin ou le yang de l’autre. Toujours plus de pouvoirs, de considération. L’humain est cupide. L’envie d’atteindre le titre de dieu céleste n’arrange rien. C’est peut-être ce qui engendre tout ça : promettre la gloire, la richesse, l’immortalité. D'être une légende. Pourquoi ne tuerait-on pas pour obtenir tout cela ? Si être bienveillant est un chemin trop long et tortueux, pourquoi ne pas choisir la facilité et la noirceur ? Au moins, il n’y aura plus rien sur la route. C’est ce qui a causé le trépas de Ming Linxuan, revenu des ténèbres et de la froideur de cet autre monde pour se venger. C’est ce qu’il aurait voulu, c’est ce qu’il avait prévu. Mais aujourd’hui … Il n’est même pas capable de se nourrir par lui-même. 

一 Quel monde méprisant, crache-t-il avec haine. 

Le monde n’a cessé de le surprendre, positivement, négativement, et parfois avec embarras et curiosité. Après tout ce qui est arrivé, il pensait ne plus être surpris, toujours sur ses gardes. Pourtant, il ne l’a pas vu jusqu’à que cette main relève délicatement son menton. De longs ongles qui pourraient lui trancher la gorge si facilement, du moins s’il était un humain ordinaire et non un dieu céleste. Justement, Ming Linxuan plisse les yeux. Il n’a pas senti cette femme arriver, n’a pas senti son regard sur lui jusqu’à qu’elle soit dans son champ de vision, sa main contre sa mâchoire pour le détailler de la tête aux pieds. Un pressentiment le prend mais Ming Linxuan ne ressent aucune énergie spirituelle qui émane d’elle. 

一 Qu’avons nous là ? Un oisillon tombé du nid ?

Le terme oisillon lui glace le sang. Sa main se pose sur son bras, d’une poigne ferme et soudainement brûlante. La femme ne retire pas pour autant sa main de son visage, comme si elle n’était pas dérangée par la forme élémentaire de l’oiseau vermillon. Au contraire, elle esquisse un sourire qu’il n’arrive pas à déchiffrer. Satisfaction ? Compassion ? Elle le lâche, toujours pas gêné par la brûlure qui entoure son poignet. 

La femme repousse avec élégence ses cheveux noirs ébène en arrière et se détourne pour s’éloigner avec grace. Quelle femme surprenante. Outre l’absence d’énergie, ce sont ses yeux entièrement blanc, déontant de ses lèvres rouges et pulpeuses, qui ont marqué Ming Linxuan. Elle n’a pourtant rien d’une aveugle. À la place de ses sourcils, il y a deux points assez larges, aussi blancs que ses yeux, marqués au-dessus de ces derniers.

一 Qui …

一 Suis-moi si tu souhaites cessé de parcourir les rues.

Elle n’attend pas sa réponse pour continuer de s’éloigner et il sait qu’il n’aura pas d’autres occasions. Ming Linxuan la suit à distance raisonnable, sur la défensive, observant les alentours comme s’il s’attendait à un guettapen et à voir son ancienne secte débarquer pour le capturer ou le mettre hors d’état de nuire. Car il est clair que cette femme a bien compris l’identité de la personne qui se cache sous ce drap. Le terme oisillon n’est certainement pas employé au hasard. 

Elle le mène au fin fond du village, traversant une ruelle déserte, avec des centaines de lanternes accrochées à des lampadaires, les uns à la suite des autres. Quand un homme ose sortir de chez lui pile à ce moment-là, il blêmit et s’incline profondément, les mains liées, bredouillant des excuses. La femme n’y prend pas garde et continue son chemin. Ming Linxuan lui jette un regard interrogateur mais l’homme garde la tête basse, reculant pour retourner chez lui. Au fur et à mesure, il entend des gloussements, et des ombres passent rapidement vers lui. Il jure avoir ressenti de la fourrure se frotter à ses jambes. La ruelle a l’air sans fin, aucune sortie ou cul de sac n’est visible, au plus loin que peuvent regarder ses yeux, elle est fermée par une brume épaisse, où ils finissent par arriver. Les gloussements retentissent plus fort, un écho dans la pénombre. Un rire qui chatouille son oreille. Il se retourne, a le temps de voir deux petites lueurs blanches brillantes qui s’évanouissent bien vite. Des yeux ? La femme a disparu à l’intérieur de la brume depuis déjà une bonne minute et les rires l’encourage à en faire de même. Ming Linxuan n’a pas peur. C’est un sentiment qui l’a quitté depuis un moment déjà. Et puisqu’il n’a aucun but … Et aussi aucun abri, autant voir où cette route le mènera. D’un pas sûr, il traverse à son tour l’épais nuage noir. 

Il croit un instant être retourné là-bas et se dit que, finalement, la peur aurait dû l'habiter, mais cet instant ne dure pas, le décor revient bien vite à ses yeux. Il a traversé sans mal la brume, le néant n’a pas duré. Devant lui se dresse un temple imposant, lui aussi décoré par des lanternes, et avec des symboles inscrits sur des parchemins accrochés à différents endroits de la demeure. Des talismans de protection et d’autres de malédictions. Cette fois-ci il hésite à entrer. La femme l’entend s’arrêter et en fait de même, la main sur la poignée de la demeure. 

一 As-tu peur, petit oiseau ?

一 Non. Mais je n’ai pas besoin du poids d’une énième malédiction sur mes épaules. 

一 Tu es mon invité … et tant que tu le restes, rien ne viendra te porter préjudice.

Tant que”. Voilà qui sonne comme une menace, si elle venait à changer d’avis. Le temps qu’il se décide, un nouveau gloussement retentit et, cette fois-ci, il a le temps de voir un renard passer et disparaître dans un nuage de fumée, en se jetant contre la porte de la demeure. Mais où est-il tombé ? 

一 Et bien … Mes choix sont plutôt restreints à l’heure qu’il est.

Il a beaucoup de questions, beaucoup à apprendre sur le monde qui l’entoure actuellement. Combien de temps est-il parti ? Comment vont les différents clans ? Si la curiosité est de mise, ce n’est pas pour autant qu’il a envie de replonger dans ces horreurs et ces trahisons. Même si … Il y a bien une personne à qui il a fait la promesse de revenir, le laissant avec un énorme fardeau. Il s’interdit d’y penser pour le moment et, finalement, décide de rejoindre la bonne femme. 

La première chose qu’il remarque, ou plutôt la première personne, est cette étrange fille qui se trémousse sur un meuble, allongée sur le dos, bougeant les jambes, tout en jouant avec ses cheveux roses. Elle a des yeux semblables à ceux de la maîtresse des lieux : blancs sans pour autant être ternes. Lorsque leurs regards se croisent, elle sourit, mettant en avant ses canines pointues. Elle glousse de nouveau. Ses oreilles blanches se gigotent, s’agitent. C’est elle, la renarde qui l’a suivi. 

一 Qui est-elle ?

一 Ce sont mes filles, ne t’occupe pas d’elles. 

Ses filles. Il y en a donc plusieurs. 

一 Qui êtes-vous ? 

一 Huli Xiyin.

一 C’est un nom qui ne répond pas à ma question.

Elle esquisse un sourire tout aussi mystérieux que tout à l’heure, lors de leur rencontre. 

一 Quel petit prince impatient. La faim ne vient-elle pas avant les questions ?

一 Je dois bien avouer que oui, mais il serait sot d’accepter la nourriture d’inconnus dans une demeure qui est de toute évidence ensorcelée. 

Cette fois, le sourire d’Huli Xiyin est plus amusé. 

一 Il me semble que le petit oiseau a toujours eu un côté sot. 

Oui, c’est vrai. Et il a été particulièrement sot en pensant qu’il pouvait vivre sa vie dans l'insouciance la plus totale. Parcourir le monde, montrer ses exploits et atteindre la renommée qu’il souhaitait sans les responsabilités qui allaient avec. Oh, comme il a été stupide. 

Huli Xiyin. Ce nom ne lui dit rien. C’est irritant.

一 Vous savez donc qui je suis. 

Huli Xiyin le regarde avec une fascination dérangeante. 

一 Le dieu céleste en disgrâce, celui qui a trahit l’alliance, tué ses parents, son ami et qui a fini assassiné par la personne qu’il aimait. C’est un juste retour des choses. Une histoire des plus tragiques, celle d’un jeune aventurier qui disait ne rien vouloir jusqu’à se laisser appâter par le pouvoir. Jusqu’à sa déchéance, jusqu'à ce que son nom ne soit plus qu’amertume et haine pour les sectes toutes entières.

C’est vrai. Son nom a été traîné dans la boue, et lui avec. Lui qui était si aimé et ne représente maintenant que le dégoût, la haine et la colère de tous ceux qui l’ont côtoyé. Les mots d’Huli Xiyin ravivent des souvenirs, c’est si douloureux qu’il a l’impression qu’on lui enfonce une lame dans le cœur, encore et encore. Ce qu’il ferait volontiers si cela pouvait ramener ses parents. Si cela pouvait ramener son ami. Zhou Shuilian ne méritait pas de mourir ainsi. Si seulement, il avait …

Non. Il a assez donné. Il ne veut pas de vengeance, juste l’oublie. C’est plus facile. Laissez-le être lâche et égoïste. Laissez-le choisir la facilité et se protéger. Même alors qu’il a demandé à Qing Lu Ming de …. Même après tout ce qu’il a traversé pour lui. 

一 Combien de temps … ? demande-t-il dans un souffle, fermant les yeux. 

一 Il y a bien six cent ans qui sont passés, petit oiseau. 

Autant de temps ? L’histoire est écrite depuis si longtemps et ne peut être changée. Peut-être que c’est mieux ainsi. Quelle importance si son nom est le reflet de la tricherie et de la sournoiserie ? Il est le prince de l'aberration, l’exemple même du modèle à ne jamais suivre. Ce n’est pas la légende qu’il a voulu mais …. Mais lui-même n’est plus vraiment Ming Linxuan. On lui a tout pris.

Il ferme les yeux, restant incroyablement silencieux. Bien sûr, cette impression de distance est fausse. Ming Linxuan a encore beaucoup à encaisser. Quelle injustice. Pourtant, il est fatalement résigné. Il ne veut pas être pris en pitié, il ne veut pas qu’on lui dise qu’il est lâche d’abandonner, qu’il devrait se battre. Non, il n’a pas besoin d’être secoué, le dieu céleste a conscience de tout ceci. Ce n’est pas pour autant qu’il veut le faire.

一 Cette histoire n’apporte que le silence ? Aucune protestation ? N’as-tu pas envie de hurler ton injustice ?

Ming Linxuan rouvre les yeux et détourne le regard, toujours aussi passif. 

一 C’était il y a bien longtemps. Pourquoi devrais-je hurler que tout est faux ? Qu’est-ce que ça peut bien m’apporter, maintenant ? L’histoire a continué sans moi, je ne suis qu’un vestige du passé. 

Les rires qu’il entend lui glacent le sang, Ming Linxuan la foudroie du regard, mais ce froid n’est rien par rapport à ce qu’il ressent face à ses paroles et la nouvelle qu’elle apporte. Huli Xiyin se calme et replace une de ses mèches correctement. 

一 Et si je te disais que Qing Lu Ming est mort ?

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