La maison était grande. Trop grande pour deux adolescents.
Un vieux manoir retapé, à l’écart de la ville. Portail noir, allée silencieuse, vitres teintées. Aucune lumière ne filtrait de l’extérieur. Et personne n’avait jamais était invité à y entrer.
C’était leur territoire.
À peine la porte franchie, Elio retira sa veste et le jeta sur le canapé. Il passa une main dans ses cheveux, pensif.
« Il a craqué. Trop vite. »
Lyana referma la porte à double tour, puis s’approcha en silence, ses talons résonnant doucement sur le parquet. Elle posa la pomme qu’elle grignotait depuis le lycée, à moitié entamée sur la table basse.
« Ce n’était pas lui le problème. C’était ceux qui le regardaient faire. Ceux qui laissaient faire. »
Elle s’assit, croisa les jambes, le regard fixe vers la cheminée éteinte.
Un silence s’installa. Un silence familier. Habité.
« Tu l’as vue, la fille. Celle qui nous regardait. »
« Léna ? Ouais. Elle observe trop. »
« Tu crois qu’elle sait ? »
« Pas encore. Mais elle sent. C’est pire. »
Elio s’était levé. Il ouvrit un placard discret près de la bibliothèque. Derrière, une salle dissimulée.
Des écrans. Des fichiers. Des photos.
Un mur entier, tapissé de dossiers rouges, noms écrits à la main.
Leur « projet ». Leur guerre.
Lyana le rejoignit. Son doigt glissa sur un dossier puis un autre. Elle s’arrêta sur un nom encore non ouvert.
« Lui, c’est le prochain. Sacha Durel. Il a fait pleurer trois filles en une semaine. Et il adore que personne ne le recadre. »
Elio haussa un sourcil.
« Et Léna ? On la met sur le mur ? »
Elle le regarda, longtemps. Trop longtemps.
« Pas encore. Mais garde la à l’œil. Elle est… différente. »
Il referma le placard. Le monde extérieur disparaissait à nouveau. Ici, c’était leur royaume. Personne ne les voyait vraiment. Pas comme ils étaient.
Deux jumeaux.
Deux visages d’une même vengeance.
Et sous cette vengeance, quelque chose de plus sombre encore.
Un lien qu’ils n’avaient jamais expliqué.
Pas même à eux-même.
Lyana semble bien plus « dangereuse » que son frère, plus discret, mais qui paraît également plus raisonnable.