La pluie frappait le sol en un rythme constant, comme des milliers de petites aiguilles qui me piquaient la peau. La nuit était tombée sur la ville, enveloppant chaque coin de rue d'un voile d'ombre. Les réverbères au loin émettaient une lueur faible, juste assez pour que la silhouette de l'homme devant moi soit presque imperceptible dans la brume. Le vent soufflait fort, emportant les feuilles mortes et rendant l'air encore plus glacial.
Je ne pouvais plus courir. Mes jambes étaient trop fatiguées, trop faibles. Et lui... Il était toujours là. Ses pas lourds sur le bitume me rappelaient sa présence, chaque mouvement une promesse de malheur. Il n'avait pas cessé de me suivre depuis le 10 mars. Je n'avais plus de refuge.
Je pouvais entendre son souffle. Lent. Calculé. Et quelque chose d'autre... la pression de l'air qui s'alourdissait à chaque seconde.
Je n'avais nulle part où aller, et je savais que, de toute façon, il n'y avait aucune échappatoire. Pas cette fois. Je pouvais sentir la peur grimper en moi, envahir chaque parcelle de mon être, mais je ne pouvais pas montrer la moindre faiblesse. Il voulait ça. Il voulait me voir craquer. Il voulait me faire céder.
Sa voix résonna, calme mais glaciale.
- Tu croyais vraiment pouvoir t'en sortir, hein ?
Je n'avais pas le courage de répondre. Je n'avais pas le courage de le défier. Ce n'était plus le moment. Il ne fallait surtout pas lui donner cette satisfaction. Mais il savait. Il savait que j'étais vulnérable.
Il s'avança, et je reculais instinctivement, mon dos heurtant le mur d'un bâtiment. Il était trop proche maintenant, trop près pour que je puisse échapper à son emprise. Un frisson glacé parcourut ma colonne vertébrale.
- Tu as essayé de fuir. Mais tu n'iras nulle part.
Finalement, il recula de quelques pas. Comme-ci c'était lui qui gérer tout, comme-ci il s'amusait à me faire peur, sachant que même si il en venait à s'éloigner, cela ne changerait rien. Je sentais ses yeux sur moi, perçant, implacables. Je voulais crier. Je voulais hurler. Mais aucun son ne sortit. À la place, j'échappai un souffle lourd, une tentative d'ouvrir ma bouche, mais je n'arrivais même plus à former un mot.
Tout autour de nous semblait suspendu. Le monde s'était figé, comme si la réalité avait décidé de ne plus avancer. Il me dominait, comme un prédateur qui sait que sa proie est déjà à sa merci. Ses mains se posèrent sur l'arme, et je vis son ombre trembler, une ligne nette dans la brume, tandis que le canon du pistolet s'alignait sur moi.
Quoi ? Un flingue ?..
Mon cœur s'emballa. Je ne pouvais plus respirer. Tout le reste disparaissait autour de moi. Il n'y avait plus que lui et moi. Plus rien d'autre. Juste l'arme, la menace, et ce silence lourd comme un fardeau.
Je voulais parler, mais les mots se perdaient dans ma gorge. J'étais paralysée par la peur, par cette présence qui me broyait de l'intérieur. Il n'y avait plus d'échappatoire. Si je bougeais, je savais qu'il tirerait. Et s'il tirait... je savais aussi qu'il ne me raterait pas.
Je sentis la gâchette se tendre sous son doigt. Le monde autour de moi sembla se tordre, et tout ce que je pouvais entendre, c'était le bruit de mes battements de cœur qui battaient à tout rompre.
- Tu vas regretter.
Je n'avais plus de contrôle sur mon corps. C'était comme si mon esprit s'était vidé, suspendu dans un espace clos. Je ne pouvais plus penser. Je ne pouvais plus bouger. Tout ce que je pouvais faire, c'était attendre. Attendre que la fin vienne.
Et puis, le bruit perça l'air.
Un claquement sourd, presque sec, mais aussi lourd que le monde entier qui s'effondre. Je vis son bras se lever, le pistolet tendu vers moi, son doigt fermement enfoncé dans la gâchette. Il avait tiré.
Mais sur qui ?
Je n'avais pas le temps de réagir, de comprendre. Le bruit du tir résonna dans mes oreilles, et je fermai les yeux dans un réflexe, attendant la douleur. La brûlure. La fin.
Le sol sous mes pieds sembla vaciller. Mon esprit se troubla. Le souffle coupé, je cherchai à respirer, à saisir ce qui se passait. Le monde tournait autour de moi, chaque seconde pesant comme une éternité. Il m'avait tiré dessus, mais je n'avais rien ressenti. Pas de douleur. Pas encore.
Je me baissai instinctivement, les mains tremblantes, cherchant quelque chose pour m'appuyer. Une douleur sourde se fit sentir dans mon dos. Peut-être un choc, peut-être rien. J'avais l'impression que tout était flou. Je ne savais même plus si je saignais.
Je jetai un coup d'œil rapide. Il était toujours là, l'arme pointée, son regard aussi froid que la nuit qui nous enveloppait. Mais il n'avait pas bougé. Il ne souriait même pas. Il me regardait. Attendant.
J'étais à terre, incapable de bouger, mes pensées se heurtant les unes contre les autres. Il m'avait tiré dessus. Ou peut-être pas.
L'incertitude. Le silence après le tir. Ce moment où la réalité se déforme. Où l'on attend la vérité, mais elle ne vient pas.
Tout autour de nous semblait suspendu, figé, comme un tableau vivant. Il n'y avait plus qu'un silence lourd, saturé d'un suspense insoutenable. L'air était oppressant, chaque seconde me rapprochant du néant.
Je levai lentement les yeux vers lui. Le doute flottait. Qui était-il vraiment ? Que voulait-il ? Pourquoi ce tir ?
L'arrière-goût de la peur était sucré, amer, mais il ne disparaissait pas. Pas encore.
Et le monde se figea dans un trou noir.