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Suky
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Prologue

                                                                                   

Lina

C'était un après-midi de nos onze ans. Le ciel était gris, malgré une chaleur pesante. La pluie tombait avec persistance — du genre qui s'infiltre sous les vêtements sans prévenir. Il faisait chaud, mais la pluie, elle, était glaciale. Comme si le ciel hésitait entre deux saisons. Le parc était vide.

Abandonné depuis des années. Les peintures des jeux s'étaient écaillées, les herbes montaient haut, et les structures grinçaient sous la rouille. Plus personne ne venait ici. Plus personne, sauf nous. Il y avait, côte à côte, quatre balançoires, protégées par un vieux toit de tôle — le seul abri du parc. Un refuge discret. Un hasard. Ou peut-être un signe.

Isa était arrivée la première, tête baissée, trempée jusqu'aux os, son sac de mangas serré contre elle. Elle n'avait pas pleuré. Pas vraiment. Mais ses yeux étaient rouges. Elle s'était assise sur la première balançoire, le dos raide, la gorge nouée. Je la regardais sans oser bouger. On était dans la même classe depuis des mois, mais c'était la première fois que je la voyais comme ça. La seule chose que je savais d'elle, c'est qu'elle était première partout. Que les autres disaient qu'elle comprenait tout, qu'elle réussissait tout, qu'elle n'avait jamais besoin d'aide. Et pourtant, ce jour-là, elle serrait son sac comme si c'était la seule chose qui ne risquait pas de la quitter. J'avais toujours cru qu'elle était née avec cette espèce de facilité extrême. Mais là, elle ressemblait à tout sauf à quelqu'un qui avait la vie facile.

Puis Noé est arrivé. Il n'avait rien dit. Il s'était assis sur la deuxième balançoire, juste à côté d'Isa. Ses mains tremblaient un peu. Ce n'était pas à cause du froid. Il faisait bien trop chaud pour ça.Il ne regardait pas Isa. Il ne regardait personne. Il fixait le sol, comme s'il espérait s'y fondre. Je ne le connaissais pas vraiment. Je le voyais parfois à l'école, mais on ne s'était jamais parlé. Certains disaient qu'il était bizarre. D'autres qu'il était violent, alors que jamais personne ne l'avait vu poser la main sur qui que ce soit. Tout ce que je savais, c'est qu'il traînait souvent seul. Et qu'il semblait toujours ailleurs. En relevant les yeux, j'ai vu le bleu sous son œil gauche. Pas grand-chose. Une trace encore fraîche. Il ne l'a pas cachée. Il ne l'a pas expliquée. Il s'est juste balancé, lentement, comme si personne ne pouvait l'atteindre ici.

Puis Élise est arrivée. Toujours pieds nus quand il pleut. Ses ballerines à la main, comme une habitude qu'elle n'expliquait jamais. Je ne la connaissais pas non plus. Mais tout le monde parlait d'elle. Parce que tout le monde savait qu'elle était riche.

Vraiment riche.

Le genre de fille qui ne devrait même pas exister dans une école publique comme la nôtre.
Certains disaient qu'elle était là pour une expérience sociale. D'autres pensaient qu'elle essayait juste d'échapper à sa famille. Moi, quand je la voyais, j'avais l'impression qu'elle sortait d'un film de princesse. Trop calme. Trop douce. Trop brillante pour être réelle .Et franchement, je ne comprenais pas ce qu'elle faisait ici. Personne ne comprenait.

Moi, j'étais là. En avance. Pas pour les voir, pas pour parler. Juste pour être tranquille. Et puis ils sont arrivés. Un, puis deux, puis trois. J'aurais pu partir. J'en avais même envie. Mais j'ai pas bougé. Pire. J'ai fini par m'approcher. J'ai tiré la dernière balançoire et je m'y suis assise, comme si ça avait du sens. Alors que ça n'en avait aucun. Juste nous. Quatre gamins. Sous la pluie. Qui n'avaient rien à se dire... et pourtant tout à ressentir. On n'avait jamais été amis. Juste des gamins qu'on croisait dans les couloirs, dans le quartier, sans jamais s'arrêter. Mais ce jour-là, on s'est retrouvés au même endroit, à la même heure, sous la même pluie. Comme si c'était écrit. Et puis j'ai soufflé, sans même savoir pourquoi.

- C'est débile, mais... je me sens bien ici.

Isa a hoché la tête, sans un mot. Élise a souri. Noé a simplement dit :

- Pareil.

Et c'était tout.
Pas de pacte. Pas de promesses.
Juste un silence partagé, à l'abri d'un monde trop bruyant.

Et pour la première fois depuis longtemps, j'ai respiré sans avoir mal à la poitrine. Avec eux, je me sentais... apaisée. Je ne savais pas pourquoi. Mais je suis sûre qu'eux aussi, ils le ressentaient. Peut-être pas de la même manière. Peut-être pas avec les mêmes mots. Mais ce calme-là... Il nous enveloppait tous. Ce jour-là, quelque chose s'est tissé entre nous. Quelque chose de simple. De silencieux. De vrai. Et même si le parc est tombé en ruines, même si plus personne ne vient...Nous, on y revient toujours.

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