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Prologue

L'orage gronda avec fureur sur la vieille bâtisse de Thompson Hall, résidence du baron Hiram Risewell. Les murs tremblaient sous les hurlements du ciel, comme s'ils craignaient que ce dernier leur inflige une punition. Elle ne tarda pas à arriver. Des milliers de lames acérées s'abattirent par à-coups, tambourinant à toutes les portes et fenêtres de la résidence. La pluie ne cessait de redoubler d'efforts, toujours plus assassine et redoutable.

La fillette, emmitouflée dans un plaid au fond d'un fauteuil, sursauta en entendant un nouveau cri percer la voûte céleste, le tonnerre n'avait pas encore fini de délivrer sa sentence. Elle s'enfonça encore plus profondément dans le velours du fauteuil, resserrant les pans de la couverture sur sa chemise de nuit, elle y était enveloppée comme dans un nuage, aussi délicat et réconfortant. Elle détestait l'orage. À chaque fois que les cieux se mettaient à gronder, la fillette était obligatoirement extirpée du sommeil, son esprit s'échauffait à chaque nouvelle bourrasque. Elle ne pouvait espérer se rendormir avant que la tempête ne soit passée. Elle descendait alors sur la pointe de pieds dans la bibliothèque, discrètement, pour que personne ne la remarque. Si c'était le cas, on la renvoyait immédiatement se coucher. Sauf que pour elle, c'était la plus terrible des punitions. Cachée sous la couette, en proie aux ombres de la nuit et aux vociférations du vent qui venait heurter ses carreaux, elle se recroquevillait sur elle-même, les yeux grands ouverts, à l'affût du moindre mouvement, ses angoisses la prenaient à la gorge et parfois quelques sanglots s'échappaient.

Elle préférait la bibliothèque. Même si le sommeil ne revenait pas, elle était en compagnie de nombreux livres, ses lectures l'emmenaient dans des endroits merveilleux, aux paysages féeriques, aux histoires fabuleuses. Durant ce temps, elle parvenait à oublier, que dehors, le ciel livrait toujours bataille.

Ce soir-là, l'enfant avait opté pour Le Comte de Monte-Cristo d'Alexandre Dumas, le roman était écrit en français ce qui soulevait de nombreuses difficultés pour sa lecture. La fillette avait beau suivre des leçons de français, elle peinait toujours à déchiffrer de nombreux mots. Cependant, à ses yeux, c'était une raison supplémentaire pour persévérer. Le récit l'avait plongé dans un univers fantasque d'aventures et d'épées, de trésors mirobolants et de vengeance sinistre. Âgée d'à peine douze ans, il était inconvenant pour une enfant de s'adonner à la lecture d'ouvrages comme celui-ci, mais dans le secret de la bibliothèque, c'était le seul rêve qu'elle s'accordait.

Une nouvelle rafale l'interrompit dans son déchiffrage, elle releva la tête à l'instant même où un éclair zébra le jardin, il illumina le chêne centenaire dans une lueur terrifique. La peur la prit par surprise si bien qu'elle lâcha le manuscrit et se saisit de l'édredon pour dissimuler son visage.

- Selina ?

Le timbre angélique de sa mère fit irruption dans la pièce. Sa mère était montée se coucher de bonne heure, comment se faisait-il qu'elle soit encore levée à cette heure ? Selina fit glisser peu à peu son rempart jusqu'à ce que tout son visage puisse apparaître dans la vision de sa mère. Cette dernière lui sourit affectueusement.

- Selina, que fais-tu dans la bibliothèque à une heure aussi tardive ?

Un violent fracas lui répondit comme si le ciel lui-même prêtait une oreille attentive à la conversation entre la fillette et sa mère. Elle regarde sa fille avec une mine compatissante. Selina était certaine que sa mère allait la renvoyer dans sa chambre d'ici peu. La baronne avait beau être une femme généreuse, douce et prévenante, laisser son enfant éveillée seule au beau milieu de la nuit dans la bibliothèque n'était pas acceptable. Au lieu de lui demander de rejoindre son lit, la baronne, Kathryn Risewell s'avança dans la pièce en prenant soin de refermer silencieusement la porte derrière elle.

Selina l'observait avec admiration, tandis que sa mère s'approchait d'elle. C'était l'incarnation de la grâce et de la beauté. Sa chevelure argentée, non pas comme preuve de vieillesse, mais semblable à celle d'un ange, tombait en cascade dans son dos. Elle n'était vêtue que d'une chemise de nuit, couverte par une robe de chambre en soie noire et pourtant dans les yeux d'une enfant, elle était une reine. Si la fillette avait hérité de son père les cheveux sombres similaires aux plumes d'un corbeau, sa mère lui avait légué ses iris bleu marines, capables de vous faire plonger dans les abysses des océans.

- Puis-je me joindre à toi ? Le Comte de Monte-Cristo est une histoire captivante. Tu as un goût très sûr, ma chérie.

Sans un mot, Selina se décala pour permettre à Kathryn de la rejoindre, elles se blottirent l'une contre l'autre, à l'abri de la tempête qui protestait toujours à l'extérieur. Sa mère, parlant un français excellent, fit la lecture à la jeune fille. Bientôt, malgré le ravage de la pluie qui persistait, Selina se mit à somnoler, la voix de sa mère était comme une berceuse des plus exquises, en quelques paroles, elle avait le pouvoir de la mener dans un monde onirique. Peu à peu, la lecture ne se résuma qu'à quelques bribes que l'esprit rebelle de Selina pouvait encore intercepter. Elle était à la lisière entre deux univers, les bras de Morphée se tendaient vers elle, mais la foudre, jalouse, se rappela à la fillette.

- Tout va bien, Selina. Ce n'est qu'un orage.

Son réveil en sursaut avait surpris sa mère, la pensant endormie. La baronne se mit à caresser délicatement la chevelure de sa fille, en s'appliquant à lisser les mèches sauvages. Entre ses bras, son enfant tremblait, ses dents s'entrechoquaient alors qu'elle était enfouie bien au chaud sous un plaid. La peur tiraillait sa fille. Des sanglots presque imperceptibles se muèrent peu à peu en un véritable torrent de larmes. Selina n'avait pas besoin de prononcer un seul mot pour que sa mère comprenne ses sentiments.

- Mère, comment...tonnerre....pétrifiée ?

La question avait été entrecoupée par les pleurs inarrêtables, mais la baronne en avait compris l'essentiel.

- Je veux que tu écoutes attentivement ce que je vais te dire, Selina. En grandissant, il te faudra affronter bien plus terrible qu'un orage. En tant que femme, le monde recèle de dangers bien plus effrayants les uns que les autres, les hommes sont cruels entre eux et encore plus avec les femmes. Pour pouvoir vivre ta vie, il te faudra redoubler d'efforts et d'ingéniosité afin d'obtenir ce que tu souhaites.

Selina était étonnée par ce monologue, sa mère était l'exemple parfait de la femme et épouse accomplie dans tous les domaines. Son discours pouvait soulever des notes révolutionnaires quant au rôle des femmes. La baronne observa avec attention sa fille, qui la fixait les yeux ébahis, des larmes perlées au coin des yeux, elle ne semblait pas réellement comprendre ce que sa mère tentait de lui dire. Kathryn lui sourit avant de lui apposer un baiser sur le front.

- Ton prénom vient du grec « selene » qui veut dire « lune ». Séléné était la déesse de la lune, une jeune femme magnifique à la peau diaphane et aux cheveux noirs, elle portait de longues ailes et une couronne d'or. On dit que sa couronne irradiait de lumière l'obscurité de la nuit. Comme elle, tu es capable d'illuminer toutes les ombres qui se dresseront sur ton chemin, à commencer par la tempête. Tu parviendras à surmonter ta peur.

Selina tourna la tête vers la fenêtre de la bibliothèque pour regarder le déluge extérieur, sa mère lui prit la main en la serrant fort. Un jour, elle y arriverait. 

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