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Myfanwi

Je suis trans.

Je suis non-binaire.

Je suis trans.

Cela ne fait pas très longtemps que j'ai décidé de le dire haut et fort. Vous savez ce que c'est, non ? Les questions qui tournent dans la tête, pour savoir si c'est juste moi qui me laisse influencer ou si ce n'est pas à force de côtoyer la communauté.

Mais non, je suis trans.

J'ai mis beaucoup moins de temps à me sentir non-binaire que je n'en ai mis à me sentir trans. Je ne savais même pas que la non-binarité se trouvait sous le parapluie des identités de genre divergentes. Mais maintenant, ça fait sens. Hommes, femmes, non-binaires, nous ne sommes tout simplement pas nés dans le bon corps. Ce corps prison, qui nous voit certes grandir, mais pas comme nous, on l'entend.

Bref, je suis trans.

J'ai appris beaucoup de choses depuis que je suis trans. J'ai appris que transitionner ne fait pas de vous un imposteur, et ça m'a soulagée, parce que ce n'était clairement pas dans mes projets. J'ai appris que, lorsqu'on a un doute, une peur un peu irrationnelle de ne plus savoir qui nous sommes, il suffit de demander un peu d'aide sur les réseaux sociaux et en un éclair, de parfaits inconnus viennent te rassurer. J'ai appris qu'il y avait bien plus de genres que la norme, et que ce n'est pas grave de ne pas trop savoir où se situer. C'est humain de ne pas savoir se situer. L'être humain n'est-il pas composé d'indécisions ? C'est humain.

Être trans, c'est être humain. Et pourtant ?

Depuis que je suis trans, j'ai appris que mon corps ne m'appartient pas. Non, il appartient à une élite d'extrême droite qui décide si oui ou non j'ai le droit d'exister. En France, mon droit d'exister est fragile, mais il est là. J'aurais préféré ne pas être là pour voir mes ami.e.s transgenres perdre le leur aux États-Unis.

Depuis que je suis trans, j'ai appris que même exister est un crime aux yeux de certaines personnes. « On s'en fiche que vous êtes trans, nous ce qu'on veut, c'est que vous arrêtiez de le dire. » Ah ouais ? On en fait quoi des gens qui font la grimace quand ils te croisent dans la rue ? Je leur ai dit que j'étais trans ? On en fait quoi de la famille qui dit qu'elle ne peut plus t'inviter, parce que, quand même, elle joue la provocation et devrait voir un psy ta fille. Ce n'est pas normal de se comporter comme ça.

Moi, je ne pense pas que ce soit normal de se comporter comme vous le faites, d'autant plus que le cocktail transphobie est souvent accompagné de ses grands copains le racisme et la queerphobie, de manière générale. Ce qui vous dérange, ce n'est pas que l'on dise que nous sommes transgenres, non, le problème, c'est que l'on existe tout court.

Mais attention ! Attention, surtout il ne faut pas le dire à voix haute. Autour de la table, dès que l'on mentionne le mot « transphobie », tout de suite, ça monte sur ses grands chevaux pour défendre son honneur, comme les chevaliers en plein cœur du Moyen Âge. « Moi, transphobe ? Oh, mais n'importe quoi ! Moi je n'ai rien contre les gens comme toi. Ils font ce qu'ils veulent les gens comme toi. Mais tu dois aussi accepter que tout le monde ne soit pas d'accord avec les gens comme toi. On a qu'à dire qu'on est d'accord pour ne pas être d'accord ? ».

Oui, bien sûr ! On est d'accord pour dire que tu as le droit de ne pas me voir comme une personne. Une personne comme toi. Que tu as le droit de ne pas me reconnaître en tant que personne, et que tu as le droit de voter pour des politiques qui veulent ma mort. Que tu as le droit de publier sur les réseaux sociaux des posts qui disent que je n'existe pas alors que tu sais que je peux les voir. Que tu as le droit de te réjouir du recul des droits des personnes transgenres aux États-Unis. Que tu as le droit de dire que j'ai une maladie mentale. Que tu as le droit de soutenir des auteurs qui donnent des millions d'euros contre les personnes transgenres juste parce que leur égo a été bafoué comme le tien l'est actuellement.

Et que moi, en gros, j'ai le droit de fermer ma gueule.

Depuis que je suis trans, j'ai appris que ce qui dérange, ce n'est pas que je sois trans. Ce qui dérange, c'est que j'existe en tant que personne trans dans l'espace public et que je ne me laisse pas faire. Depuis que je suis trans, dès que je dis que je suis trans en ligne, je me prends systématiquement des menaces de mort, des insultes et des pavés de trois kilomètres dans mes messages privés, pour m'expliquer que je devrais fermer ma gueule et que mon existence même les dérange. Depuis que je suis trans, je ne peux plus lire les commentaires d'articles parlant d'inclusion, de personnes transgenres, de la communauté LGBT+ parce qu'ils sont remplis d'insultes de petits fachos en manque de sensations qui ne se sentent exister qu'en marchant sur les communautés pas assez nombreuses pour se défendre.

Depuis que je suis trans, ma santé mentale baisse, et ce n'est pas parce que je suis trans. C'est parce que je suis constamment exposée à la haine en ligne, parce que j'ai le droit d'exister, mais pas trop non plus sinon ça dérange. On m'a dit que je devais accepter que des hommes, car oui, ce sont bien sûr des hommes en grande majorité, veulent ma mort. Que je devais accepter que tout le monde ne soit pas d'accord avec mon droit d'exister. Que je devais arrêter de manifester pour mes droits, puisque de toute manière, quand la grande Marine arrivera au pouvoir, je n'en aurai plus du tout. Que je devrais séparer J.K Rowling de son œuvre, parce qu'elle fait ce qu'elle veut de son argent, même si elle le donne à des associations qui veulent me tuer. Que je devrais remercier Elon Musk d'avoir sauvé des enfants d'une transition qu'ils allaient regretter, même si ça veut dire les condamner pour une bonne part d'entre eux à un suicide prématuré.

Et pourtant, je suis trans.

Je ne l'ai pas choisi, ça m'est tombée dessus.

Ce n'est pas un effet de mode.

Ce n'est pas de la provocation.

C'est qui je suis.

Être trans, c'est un combat de tous les jours. C'est se lever chaque matin en apprenant le suicide d'un.e ami.e quelque part dans le monde qui ne supportait plus de ne plus avoir le droit d'exister.

C'est faire semblant de ne pas voir la haine flamber autour de nous.

Je vis dans un lopin de terre entouré d'un brasier, et ce brasier se referme doucement sur nous. Parfois, on arrive à le repousser avec un tuyau d'arrosage, mais il gagne du terrain de l'autre côté de la maison.

Combien de temps avant que l'incendie ne nous emporte tous ?

Encore longtemps, je l'espère, et pourtant...

Je ne sais pas si j'existerais encore demain.

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1 Comment

4 days ago
❤️
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