Je relève la tête devant le miroir de ma salle de bain pour examiner mon visage tout en me brossant les dents. Comme d'habitude, j'avais une mine fatiguée, mes yeux marrons étaient soulignés de cernes creusées et noircies qui criaient mon manque de sommeil au monde entier, accentuées par mon teint, trop pâle pour une fille qui vit sous le soleil de Guyane présent toute l'année.  Tant pis, j'avais l'habitude, tout comme entendre les remarques qui allaient avec.

Je commence les cours à 7 heure du matin. Je fini donc de me préparer à toute vitesse pour me rendre au lycée laissant ma motivation derrière moi au vu de la journée qui m'attends : fin des cours à 18 heure. Bien que l'ambiance environnante fût généralement agréable, ça restait une interminable journée pour un vendredi. Décidément, j'écopais d'un emploi du temps fidèle à ma chance classique en fin de compte.

Ma journée se passait sans évènements sortant de l'ordinaire. Je reçois quelques réflexions de la part de professeurs qui veulent me voir plus participer oralement pendant les heures d'étude, mais j'ai toujours travaillé juste assez afin de me maintenir dans la moyenne sans me faire remarquer. Attirer l’attention était l'opposer du confort habituel de mon cocon. Avoir des yeux rivés sur moi avait le don de me déclencher des angoisses indescriptibles. J'avais (et je continue encore aujourd'hui) fournit des efforts titanesques pour rester la fille invisible qui déteste se faire remarquer et être au centre de l'attention, mais apparemment le message avait échappé à la plupart, même après deux années sans changer de professeurs...

Une fois ma journée terminée et être rentrée à la maison, ma sœur jumelle et moi embarquons pour passer le week-end chez Léana, une amie de longue date. Attention, il est important de retenir que nous sommes de fausses jumelles (très important, surtout lors de nos disputes) ! Elle a de lisses cheveux long châtains, les miens sont court, ondulés et noirs. Plus petite et plus mince contrairement à moi avec mon supplément surpoids.

Nous avons rencontré Léana lorsque nous étions en classe de 5ème au collège mais pas de manière traditionnelle. Effectivement, sa mère proposait des services de garde de jeunes, et nos parents (notre mère et notre beau-père), nous y faisaient garder très souvent et par le plus grand des hasards, Marie (la mère de Léana), avait une fille de notre âge. Aujourd'hui en classe de première, c'est devenu notre deuxième famille.

Nous arrivons à destination vers 19 heure, après avoir pris possession des lieux comme à l’accoutumer, Léana, Ani (ma sœur) et moi-même planifions le programme de notre soirée. D’un commun accord, ce sera donc jeu sur la Wii, musique et soirée marathon de films d'horreur, ce dernier étant une passion commune entre Léana et moi au grand désespoir de ma sœur.

Ani détestait cela, les films d'horreur, le spiritisme et la communication avec les morts, tout ce dont je raffolais. J'ai développé une fascination pour la spiritualité et le mystère du monde d'après depuis le décès des parents de ma grand-mère, que j'avais appris d'une façon traumatisante.

Ma mère ne sachant comment s’y prendre pour nous annoncer la nouvelle, nous avait conduit directement au cimetière, devant les tombes de ces deux personnes qui comptaient tant pour moi. Du haut de nos 6 ans, munit de nos esprits ignorants de ce qu’est la mort, je fus frappée de plein fouet par la tristesse en comprenant au fur et à mesure que ma mère nous expliquait de son mieux, que l’on ne les reverrait jamais. C’était la première fois que j’avais ressentis la douleur de perdre des êtres chers, ma première rencontre avec la fin de vie. Une première fois où, je me suis dit que l’on a beau vivre, nous finissons tous par mourir et tomber dans l’oubli, le néant. Me laissant dans l'incompréhension mais aussi dans une peur indescriptible de la mort, me poussant à vouloir savoir ce qu'il y a après la mort, refusant d’accepter le sort qui m’était réservé, ainsi que de perdre ma mère et ma sœur. C’était tout simplement impensable. Je m’y refusais, terrorisée.

Nous avons déjà passé de nombreuses soirées ensemble toutes les trois, mais je ne sais pour quelle raison, aujourd'hui Léana a voulu essayer une séance de spiritisme pour voir si ça fonctionnait vraiment. Evidemment que j'ai accepté ! J'avais déjà quelques séances de pratique à mon actif, j'étais donc apte à faire en sorte que tout se passe bien et de bien expliquer à tout le monde ce qu'il faut et ne faut pas faire. Maintenant que je dois partager mes connaissances, je me rendis compte de la montagne de recherches que j'avais effectués sur le sujet pendant des années, rassemblant une véritable source d'informations (j'ai tendance à faire des hyperfixations lorsque qu'un sujet m'intéresse).

Quel bonheur de pouvoir transmettre mes connaissances ! En règle générale, mes centres d'intérêts sont très différents des personnes que je côtoie au quotidien. Effectivement la majorité de la population Guyanaise est très croyante et ne parle pas de ces sujets-là. Je dirais même que c'est en quelque sorte "tabou", d'où mon enthousiasme !

La méthode qui nous est la plus accessible était d'utiliser une planche de Ouija. Je me lance donc dans un monologue d'explications et de règles à suivre, m'interrompant volontiers lorsque ma sœur et Léana avaient des questions, prenant le temps nécessaire pour m'assurer que tout soit clair, compris et, pendant la séance, respecté.