Les jours suivants furent un supplice exquis.
Chaque fois qu'Élina croisait Monsieur Deveraux dans les couloirs, son cœur se serrait douloureusement.
Ils évitaient soigneusement de se regarder, comme deux funambules marchant sur un fil tendu au-dessus d'un abîme.
Mais parfois, malgré eux, leurs regards se trouvaient.
Et dans ces éclairs fugitifs, Elina sentait leur lien se tisser, se renforcer, devenir plus lourd, plus dangereux.
Ce mercredi après-midi, les couloirs du lycée étaient déserts.
La plupart des élèves étaient déjà partis, avalés par la grisaille d’un ciel bas.
Seuls quelques échos de voix lointaines troublaient le silence.
Élina, distraite par ses pensées, monta rapidement les marches.
Elle avait oublié son carnet de français en salle 202.
Quand elle poussa doucement la porte, elle s'arrêta, glacée sur place.
Il était là.
Monsieur Deveraux.
Debout près de son bureau, il triait des feuilles d'une main distraite, l'autre plongée dans sa poche.
La lumière froide de fin d'après-midi soulignait la fatigue sur ses traits, la tension dans ses épaules.
Le bruit léger de la porte fit lever ses yeux.
Le temps sembla suspendu.
Ils restèrent là, à se regarder, sans dire un mot.
Il y avait dans son regard une douleur sourde, une lutte invisible que seules les âmes écorchées pouvaient reconnaître.
— Tu as oublié quelque chose ? demanda-t-il finalement, d’une voix grave et basse.
Élina hocha la tête.
Ses doigts tremblaient légèrement alors qu’elle s’approchait.
Le parquet grinça sous ses pas.
Chaque mètre les rapprochant semblait alourdir l'air autour d'eux, comme si l'univers tout entier retenait son souffle.
Elle trouva son carnet sur une table, posé là comme un piège.
Quand elle se pencha pour le saisir, elle sentit son regard la parcourir.
Pas de manière vulgaire.
Pas comme ceux des garçons de son âge.
Non.
Son regard à lui la frôlait avec une tendresse contenue, une violence étouffée.
Quand elle se redressa, leurs regards se croisèrent de nouveau.
Elle ne détourna pas les yeux cette fois.
Elle plongea dans ce qu’elle y vit : du désir, du regret, une détresse poignante.
Il fit un léger pas en avant, comme mû par une impulsion qu’il ne pouvait plus réprimer.
Élina sentit son souffle sur sa joue.
Ses doigts, hésitants, effleurèrent presque les siens.
Presque.
Un bruit soudain dans le couloir brisa l'enchantement.
La poignée de la porte s'abaissa doucement.
Monsieur Deveraux recula si brusquement qu'Elina crut qu’il allait tomber.
Son visage s’était refermé, verrouillé en un instant.
La porte s'ouvrit.
Une femme apparut sur le seuil.
Elle avait cette élégance discrète de celles qui n’ont pas besoin d’en faire trop : un manteau de laine clair, des talons sobres, un sac en cuir noir.
Ses cheveux blonds étaient attachés avec soin.
Un parfum subtil de jasmin envahit la pièce.
Elle sourit.
— Chéri, je t’attendais dans la voiture, dit-elle avec une tendresse tranquille.
Elina sentit son estomac se tordre.
Chéri.
Un mot simple.
Un mot fatal.
Monsieur Deveraux parut se raidir.
— Je terminais quelques copies, répondit-il d’une voix qui sonnait faux à ses propres oreilles.
La femme promena un regard curieux sur la salle, avant de s'arrêter sur Elina.
— Bonjour, fit-elle poliment, avec une douceur naturelle qui poignarda Elina.
— Bonjour, murmura Élina, incapable de soutenir son regard trop longtemps.
Tout en elle criait de fuir, mais ses jambes refusaient de bouger.
La femme s'approcha légèrement, posant une main légère sur l'épaule de son mari, geste anodin mais qui vrilla le cœur d'Elina.
— Tu en as encore pour longtemps ? demanda-t-elle, douce.
— Non, répondit-il précipitamment. Je te rejoins.
Il évita soigneusement de regarder Élina.
Comme si même un regard pouvait trahir ce qui grondait sous la surface.
Élina comprit.
Elle comprit tout.
Sa place.
Son erreur.
Et l’abîme dans lequel elle était déjà en train de sombrer.
Rassemblant ses forces, elle serra son carnet contre elle et fit un pas en arrière.
— Au revoir, dit-elle, la voix étranglée.
Personne ne répondit vraiment.
Elle sortit dans le couloir froid.
Marcha droit devant elle sans se retourner.
Ce n’est que lorsqu’elle fut loin, hors de sa vue, qu’elle s’arrêta.
Elle s’appuya contre le mur, ferma les yeux.
Un vertige la prit, un mélange de honte, de désir, de tristesse insupportable.
C’était impossible.
C’était insensé.
Et pourtant, tout son être criait qu’elle ne pouvait pas l’oublier.
salut tout le monde.
Et voilà, que se referme ce chapitre, teinté de regards brûlants et de paroles étouffées. Entre Élina et Monsieur Deveraux, il n’y eut rien d’autre que cette tension suspendue, cet aveu muet que le destin, cruel et magnifique à la fois, avait tissé entre eux. Pourtant, il fallut se rendre à l’évidence : face à la douce présence de l’épouse du professeur.
Que se passera t’il dans le prochain chapitre ? on verra ça !
N’hésitez pas à mettre un comentaire pour dire ce que vous en pensez
Rendez-vous au prochain chapitre qui va être plus intense peut-être !
bisous bisous !
Xo.Xo <3