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MirandaFlanders
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Chapitre 1

LA NUIT RECOUVRAIT ENCORE LE DOMAINE DE SON MANTEAU D'ÉTOILES.

Tout semblait encore endormi dans la demeure du baron, mais à l’intérieur, le personnel s'activait déjà, fidèle à la rigueur de leurs tâches quotidiennes. Les bonnes, vêtues de leurs robes noires et de leurs tabliers blancs, passaient en silence, balayant la poussière sur les meubles et le long des rampes d’escalier. Dans la cuisine, le chef donnait ses ordres, veillant à ce que chaque plat du petit-déjeuner soit prêt à l’heure, parfait comme il se devait.

Blaike se faufila à travers les couloirs, ses pas feutrés résonnant doucement contre le parquet usé. Elle s’arrêta devant une porte en chêne massif, frappant discrètement après avoir lissé les pans de sa robe noire d’employée. Une voix douce et un peu espiègle s’éleva de l’intérieur, à peine un murmure : 

— Entrez, Blaike. 

Rosélia Beauregard, fille du Baron et de la Baronne Beauregard, était là, comme chaque matin, allongée dans son grand lit aux drapés soyeux. Ses cheveux, d’un vénitien brillant – un mélange subtil de nuances blondes et cuivrées qui rappelaient les premières lueurs de l’aube – s’étendaient en cascades autour de son visage délicat. Elle ressemblait davantage à sa mère qu’à son père, qui contrastait avec son teint foncé et ses cheveux corbeau. Elle portait une chemise de nuit en dentelle fine, mais on voyait bien qu’elle n’était pas prête à sortir de la chaleur de ses couvertures. 

Blaike entra dans la chambre, sa silhouette silencieuse contrastant avec la lumière tamisée du matin qui filtrait à travers les rideaux. La pièce était vaste, et l’odeur de bois poli, de cire d’abeille et d’un parfum floral flottait dans l’air. Rosélia tourna légèrement la tête, un léger sourire effleurant ses lèvres.

— Blaike, vous êtes déjà là… Quoi de neuf ce matin ? 

Avant même que Blaike n’ait pu répondre, Rosélia reprit, d’une voix rêveuse, comme si la question la préoccupait réellement. « Mon nouveau set de thé Blue Lilac est-il arrivé ? Je l’attends avec impatience. Vous savez combien je suis impatiente de l’avoir pour mes moments de thé. »

Tout le monde avait des problèmes pour le moins bien différents. Blue Lilac, c'était à la fois le nom du cheval de Rosélia que celui de son service à thé préféré, une vaisselle délicate venue des contrées les plus reculées. Elle achetait tout ce qu'elle rencontrait d'une teinte similaire, qu'il s'agisse de robes, de bijoux, ou encore de mobiliers pour sa chambre.

Blaike se permit un petit sourire. « Je suis désolée, mademoiselle, il n’est pas encore arrivé. Il semble y avoir eu un retard dans la livraison. Mais il ne devrait plus tarder. »

La jeune femme soupira, l'air plus ennuyée qu'il n'était nécessaire. « Encore un retard… Décidément, c'est toujours ainsi avec les fournisseurs de la capitale. Je n'ai qu'à m'y faire. C’est bien difficile, mais je vais patienter encore. Je suis une femme patiente, après tout. » Sa voix trahissait une petite note de contrariété, mais elle se détourna vite de la question, comme si elle avait déjà oublié le désagrément.

— Allons, nous devons nous occuper de vous, fit remarquer Blaike en se penchant vers l’armoire ouverte où étaient disposés les vêtements de Rosélia. Elle les prit délicatement et les plaça sur le lit. Puis, elle s’approcha de la jeune femme qui se tenait maintenant debout, prête à commencer la journée. Rosélia n’était pas du genre à se faire habiller comme une enfant, mais il y avait toujours quelque chose de cérémonieux dans l’acte quotidien de choisir une tenue.

Avec un geste expert, Blaike aida Rosélia à se vêtir d’un corset léger, qui ne marquait pas la taille mais supportait bien sa poitrine généreuse, par-dessus une chemise blanche. Puis une robe légère en satin couleur lavande vint compléter le tout, la couleur des champs de fleurs qui bordaient la propriété du baron. Les manches étaient délicatement brodées et la jupe, fluide, tombait avec grâce jusqu’au sol. Un autre moment de silence passa entre elles, chacune consciente de l’importance de ces petites actions quotidiennes. La jeune femme semblait perdue dans ses pensées.

Lorsque la jeune héritière se tourna vers le miroir, la robe parfaitement en place, ses yeux se posèrent sur elle, légèrement interrogateurs. « Blaike, que pensez-vous de ce mariage arrangé ? Mon père semble persuadé que ce sera une alliance stratégique parfaite, mais je ne suis pas aussi convaincue. Je suis sûre que je pourrais être beaucoup plus libre si je n’étais pas accablée de tous ces devoirs familiaux. » Rosélia avait l’air presque en colère, mais c’était une colère qu’elle dissimulait sous des airs de dédain.

Blaike haussait un sourcil. « Votre père et votre mère semblent être bien décidés, mademoiselle. Je suis sûre que vous trouverez un moyen de vous adapter. » dit-elle avec un léger sourire. « Comme toujours. »

La jeune femme soupira. « Le Marquis de Vergy… Je l'ai vu une fois, et franchement, il est aussi charismatique qu'une porte. Mais bon, mes parents sont convaincus que c'est un parti idéal. » Elle roula les yeux, comme si l'idée de cette alliance l'ennuyait profondément. « Mais ne vous inquiétez pas, Blaike. Je trouverai un moyen d'y survivre. »

Blaike la regarda un instant, un léger sourire sur les lèvres, consciente de l'esprit rebelle de la jeune femme. Le Marquis était un excellent parti, étant un homme d’une famille aisée et bien placée dans la noblesse, assurément davantage que celle du Baron Beauregard et ses envies de grandeur. Elle ne pouvait que comprendre pourquoi il se réjouissait tant de cette rencontre, et des fiançailles qui devraient suivre. « Bien sûr, mademoiselle. Vous savez toujours comment naviguer entre les attentes de vos parents et votre propre volonté. »

Le regard que Rosélia lui lança était empreint d’amusement : « Oui, vous avez sans doute raison. Je suis plus gâtée que je ne veux l'admettre parfois, n'est-ce pas ? » Elle laissa échapper un rire, comme si cette vérité la divertissait.

Blaike l’observa sans répondre, sachant trop bien que derrière cette façade de légèreté, Rosélia n’était pas aussi insouciante qu’elle voulait le paraître. Ses parents, comme elle, étaient implacables dans leurs attentes, et bien que Rosélia fût plus accessible que ses parents, il ne fallait jamais baisser sa garde trop longtemps avec elle. Sa mère, par exemple, était sûrement la pire de la famille concernant les rapports sociaux. Elle ne saluait jamais quiconque en dehors de son cercle d'amis et pestait à longueur de journée pour recevoir des attentions diverses et variées. Un bain de rose et des biscuits au gingembre au beau milieu de la nuit composaient sa dernière lubie. Dans les cuisines, derrière les portes closes et loin des oreilles de la Gouvernante, les employés la surnommaient parfois « Madame-Je-veux-tout » en soupirant de désespoir lorsqu'elle faisait sonner la cloche pour qu'on vienne à elle. Rosélia était donc plus accessible que ses parents, mais il ne fallait tout de même pas trop baisser les armes et lui faire confiance. Elle avait beau cultiver un esprit un peu rebelle, surtout lorsque cela touchait son futur mariage ou ses activités quotidiennes, elle restait une noble des plus matérielles. La pomme ne tombe jamais bien loin de l'arbre, à ce qu'on dit.

— Il est temps de descendre, mademoiselle. Votre petit-déjeuner vous attend, conclut Blaike, tout en la suivant dans le grand hall, son esprit déjà tourné vers la journée à venir.

Faisant quelques pas, Rosélia tourna la tête vers Blaike avec un sourire malicieux.

— Blaike, je crois que j’ai une idée, dit-elle sur le chemin de la salle à manger, comme si elle venait soudainement de découvrir une solution brillante à un problème complexe.

Blaike leva un sourcil, se préparant à une nouvelle demande qui, de toute évidence, ne serait pas des plus simples. « Je vous écoute, mademoiselle. »

La jeune héritière posa ses mains sur ses hanches, affichant une expression d’indignation feinte. « Je pense qu’il me faudrait absolument une nouvelle robe pour l’arrivée du Marquis de Vergy. Rien de trop extravagant, bien sûr, mais quelque chose qui me permettra de briller lors de cette rencontre… Ce n’est pas qu’il soit particulièrement charmant, mais je dois tout de même faire bonne impression, n’est-ce pas ? » 

Blaike resta silencieuse un moment, essayant de ne pas sourire. Rosélia n’avait pas besoin d’une excuse pour dépenser de l’argent, et tout le monde le savait. La rencontre avec le marquis n’était rien d’autre qu’un prétexte pour une sortie en ville. 

— Je vois, répondit Blaike, son ton aussi neutre que possible. Et vous souhaitez donc… ? 

Rosélia ne laissa pas sa question en suspens. « Je pensais que ce serait une excellente occasion de passer au centre-ville après le petit déjeuner. Vous savez, le marché est tout près, et j’ai entendu dire que la nouvelle collection du couturier Ashcombe vient d’arriver. Il faut que je sois la première à la voir. Je veux m'assurer de faire sensation devant le marquis, même s’il ne mérite peut-être pas toute cette attention. » Elle sourit, un éclat de malice dans ses yeux.  « Mais je vous en prie, ne me dites pas que vous n’avez pas envie de m’accompagner. Un peu d’air frais et une petite balade en ville ne vous feraient pas de mal, n’est-ce pas ? »

Blaike prit un moment pour réfléchir, son esprit déjà occupé à tout ce qu’elle avait à faire dans la demeure du baron. Mais elle savait aussi que Rosélia n’était pas du genre à accepter un refus. En réalité, ce genre de sortie était une occasion pour la jeune femme de se détendre, de se divertir et, surtout, de continuer à faire tourner le monde autour d'elle. 

— Je suppose que cela ne peut pas être évité, répondit Blaike avec un sourire amusé. Je vous accompagnerai, mademoiselle. 

Rosélia éclata de rire, ravie. « Parfait ! Alors, après le petit déjeuner, on part. Et s’il vous plaît, faites en sorte que mes parents ne me fassent pas trop de reproches. Ils risquent de trouver cela un peu… superflu. »

Blaike hocha la tête, un sourire discret aux lèvres. Connaissant le baron, il n’allait rien dire du tout, appréciant que sa fille se fasse plaisir. Et d’autant plus si cela concernait son projet d’alliance avec le Marquis de Vergy … 

— Je ferai de mon mieux, mademoiselle. 

Une fois devant la salle du petit déjeuner, Blaike laissa Rosélia avec ses parents – qu’elle salua d’une petite révérence – avant de descendre pour se diriger vers les cuisines. Les employés ne devaient pas être vus ou entendus, agir comme des ombres, et l’aile qui leur était dédiée était grise et terne comparée à celle habitée par le Baron et sa famille, avec ses tableaux, ses tapis persans et ses objets décoratifs. L’odeur de pain chaud et de café l’envahit à mesure qu’elle s’enfonçait dans les couloirs et, bientôt, elle se retrouva devant son père, le majordome du Manoir. Il faisait un peu austère, tout en noir et blanc : entre son uniforme impeccablement repassé, ses cheveux poivre et sel et son regard anthracite, il inspirait le respect de par son charisme. Si Blaike n’avait pris de lui que la couleur ébène de ses cheveux, elle n’avait rien tiré de sa mère, la gouvernante, avec sa peau laiteuse et ses cheveux et yeux chocolat.

Non, avec son teint naturellement hâlé, ses boucles noires et son regard vairon - qui lui avait valu bien des problèmes et dont elle dissimulait astucieusement l'œil droit par une mèche -, on ne pouvait pas dire que Blaike ressemblait beaucoup à ses parents. 

— Bonjour Blaike, ça s’est bien passé avec Mademoiselle ce matin ?

— Bonjour père ! Oui, très bien. Elle m’a demandé de l’accompagner en ville pour quelques achats.

— Oh, je vois. C’est vrai que le marquis doit arriver incessamment sous peu… tout le monde fait ses préparatifs ! À ce propos, ta mère voulait que tu jettes un œil à la chambre d'invité qui est aménagée en ce moment-même pour l’accueillir.

— C’est noté, j’irai voir ça en revenant des courses alors. 

Si la chambre était en train d’être préparée, Blaike ne voulait pas embêter les bonnes qui s’en occupaient en allant regarder maintenant. Elle se demandait qui s’en chargeait ; Marinette ? Ou peut-être Georgia ? 

— As-tu mangé ce matin ? Je ne t’ai pas vue au petit-déjeuner. 

Les employés du Manoir avaient l’habitude de se retrouver à l’aube pour prendre le petit-déjeuner tous ensemble, alors que tout était encore plongé dans l’obscurité et le sommeil. Ils faisaient souvent la même chose tard le soir, échangeant les événements et ragots du jour autour d’un bon repas chaud, la cuisine animée de leurs discussions. Après tout, le manoir abritait quand même une vingtaine d’employés ! Et ce matin, Blaike ne s’y était effectivement pas rendue, ayant passé une nuit tourmentée de rêves étranges. Elle avait profité de dormir un peu plus longtemps qu’à l’accoutumée.

— Non, j’ai un peu traîné ce matin… 

Son père soupira, un petit sourire aux lèvres, avant de l’enjoindre à s’asseoir vers le comptoir de la cuisine. 

— Mange au moins une tartine avant de partir, alors. Histoire d’avoir quelque chose dans le ventre. 

Le cuisinier, Charles Denfrey, qui venait de finir de préparer le petit-déjeuner pour les habitants du manoir, se reposait également au comptoir avant de devoir gérer le retour des plats et la vaisselle avec une fille de cuisine. Il sourit à Blaike. C’était un homme au crâne dégarni mais à l’épaisse moustache rousse. Elle le connaissait depuis qu’elle était toute petite, il l’avait vue grandir et ils avaient donc une excellente relation. 

— Hey, Blaike! Matin difficile ?

— On peut dire ça, oui… Il y a encore du pain de ce matin ? 

— Évidemment, il devrait y avoir de quoi te faire quelques tranches… Je te laisse regarder ? 

Il eut à peine le temps de dire cela que son père revint avec une assiette, de la confiture et deux tranches de pain. Blaike le remercia avant de préparer ses tartines, l’estomac grondant doucement de famine. Elle croqua dedans avec plaisir, les saveurs de fruits rouges éclatant sur sa langue. Ça faisait du bien ! Mangeant de bon cœur, elle observa un livreur, accompagné d’un valet, entrer dans la cuisine pour y déposer des caisses. Le cuisinier se leva aussitôt pour vérifier la livraison. 

— Tout est là, c’est tout bon merci ! Remercia le cuisinier en commençant à ranger ses vivres. Son père, le majordome, s’approcha des caisses. 

— C’est en préparation de vendredi ? 

Vendredi, le jour d’arrivée du Marquis. 

— Exactement. Tout est déjà planifié et vu avec Monsieur pour que ce soit parfait. 

Le manoir entier était en ébullition concernant la venue du Marquis. Tout était en branle pour l’accueillir de la meilleure façon, chaque employé ayant été briefé quant à ce qu’il devait faire. Blaike, elle, devait simplement continuer de s’occuper de Rosélia au mieux et être certaine qu’elle soit parfaite le jour J. Et contrôler la chambre qui allait recevoir leur visiteur, visiblement. C’était plutôt le travail de sa mère, la Gouvernante, de tout contrôler, mais Blaike était contente de recevoir ce genre de tâches petit à petit. Cela montrait qu’on lui faisait confiance et, elle l’espérait, était une manière de la préparer à reprendre le flambeau lorsque le temps serait venu. 

Après avoir fini de manger, Blaike s’occupa de laver l’assiette rapidement avant de saluer son père et le cuisinier, prête à retourner vers la salle à manger pour récupérer Rosélia et connaître le programme de la journée. Elle ne doutait pas que le Baron allait accepter sa demande, mais elle préférait être sûre avant de faire appel au cocher et au palefrenier.  

Et comme elle le pensait, ça ne manqua pas : le baron accepta que sa fille aille en ville s’acheter de nouvelles robes. Alors une fois le cocher prévenu, Blaike aida Rosélia à préparer quelques affaires avant de faire le trajet en calèche jusqu’au centre ville de Crimsonne. 

Il s'agissait d'une petite ville avec de vieux bâtiments en pierre aux toits rouges, datant de nombreux siècles plus tôt. De loin, on discernait parfaitement la couleur particulière des tuiles, qui donnait à Crimsonne un certain cachet. La cité était après tout réputée pour ses nombreux marchés, ses jolies fontaines et sa bonne ambiance générale. Elle ne contenait pas énormément d'habitants, et les fermiers y cohabitaient avec de riches marchands sans pour autant s'y mélanger. Il n’était donc pas rare d'avoir deux auberges l'une en face de l'autre dans une ruelle, l'une pour une clientèle clairement aisée alors que l'autre était davantage le havre des voyageurs et des plus humbles. La ville était toutefois relativement connue malgré sa faible population et voyait de nombreux touristes ou événements s'y prélasser. Le baron Beauregard se targuait donc souvent d'avoir pu faire construire son domaine dans les environs d'une ville d'art si réputée, car ni le comte Chamillon ni le marquis de Vergy, deux hommes dont il enviait beaucoup la richesse et le pouvoir, ne possédait de résidence aussi proche de la cité. Mais selon Blaike, c'était plutôt car il n'y avait vraiment pas grand chose à faire à Crimsonne, la ville aux bannières habillées d’un soleil rouge. Certes, c'était une cité d'arts où les nobles semblaient apprécier séjourner, mais elle restait une petite bourgade loin des lumières des grandes villes comme Noxmourne ou Valotombe. 

Les toits rouges apparaissaient petit à petit à l'horizon, les tuiles miroitant des couleurs de l'automne en reflétant la lumière. La calèche s’arrêta bientôt et les deux femmes purent en descendre afin de partir déambuler dans les marchés et boutiques de la ville. Le premier arrêt fut la boutique du couturier Ashcombe, dont Rosélia attendait la nouvelle collection avec impatience. 

La boutique était élégante, la lumière tamisée des chandeliers en cristal éclairait des étagères en bois sombres, sur lesquelles étaient disposées des étoffes luxueuses : satin, brocart, dentelles finement ouvragées … Les nouvelles robes de la collection étaient suspendues sur des portants en bois, mettant en valeur leur beauté singulière. Certaines étaient habillées de broderies délicates tandis que d’autres avaient d’amples jupons somptueux. Les tissus arboraient des couleurs subtiles, du rose poudré, du bleu céleste, du vert d’eau… Des teintes difficiles à laver et à conserver la couleur, mais assurément une preuve de richesse et d’élégance. 

Rosélia les admira les unes après les autres, s’arrêtant particulièrement devant une robe aux douces teintes rosées. Elle était en satin et ornée de dentelles fines et de petits boutons en perles. La jupe était bouffante et faite de plusieurs couches de taffetas, donnant un aspect aérien à l’ensemble, et Blaike savait qu’une crinoline en dessous ferait toute la différence. Un véritable petit nuage rose. Les manches, bouffantes à la base, se terminaient au niveau des poignets par de la dentelle, apportant une touche fine et délicate. 

— Je vais prendre celle-ci, n’est-ce pas Blaike ? Elle est parfaite.

— Elle vous ira à merveilles, assurément.

— Oh et la robe, là-bas.  

Blaike tourna la tête pour observer la robe dont elle parlait, tombant sans surprise sur une couleur très similaire à celle de son service à thé préféré, blue lilac, une belle teinte lilas. Rosélia avait déjà quelques robes de couleurs similaires mais ça ne l’empêchait pas d’en prendre de nouvelles. Blaike ne voyait pas trop l’intérêt, mais tant que les coupes étaient différentes, et si ça lui faisait plaisir… 

Une fois les robes et les bijoux allant avec ajustés et empaquetés, une cape couleur puce ajoutée au tout, elles partirent faire un tour au marché. Certains passants leur jetèrent des regards appuyés mais personne ne les arrêta autre que pour les saluer. Un passage à la pâtisserie préférée de Rosélia pour prendre un gâteau pour plus tard et elles remontèrent dans la calèche pour rentrer au manoir, la fille du baron fière de ses trouvailles. 

Le trajet du retour se passa sans accrocs. Blaike amena le gâteau aux cuisines avant de monter les nouveaux vêtements de Rosélia dans sa chambre. Elle s’empressa ensuite de se rendre dans la chambre préparée pour le marquis, dans le but d’y jeter un œil comme on le lui avait demandé, avant de devoir lancer les préparatifs pour l’heure du thé. Elle croisa Marie-Antoinette - ou Marinette - à l’intérieur, avec ses cheveux bruns tressés et son petit nez retroussé, qui terminait visiblement. Elle parut plutôt maussade à son arrivée, au vu du ton avec lequel elle l’accueillit.

— Blaike.

— Salut Marinette ! Tout se passe bien ? 

— Oui, la chambre est prête. 

— Parfait, je viens contrôler tout ça avant l’arrivée du marquis, expliqua Blaike en commençant à observer la chambre dans les moindres détails. Elle était grande et éclairée, un véritable écrin de lumière de part les larges fenêtres qui s’ouvraient sur les jardins. Le mobilier était élégant mais sobre, constitué principalement de bois clair avec des lignes épurées. Le grand lit à baldaquin au milieu de la pièce était parfaitement fait, recouvert d’un drap en lin d’un blanc immaculé parsemé de broderies fines. À côté du lit, une table de chevet prête à accueillir les effets personnels du marquis, et des fauteuils en velours gris. L’ensemble de la chambre respirait la noblesse tranquille et l’élégance discrète, et tout semblait en ordre. Pas une once de poussière, les fenêtres avaient été nettoyées, tout était parfait.

— Oh, je m’attendais à voir Marianne, répondit la bonne en époussetant distraitement sa tenue de travail. 

Marianne, ou la mère de Blaike, la gouvernante. 

— Et moi donc. Mais elle m’a demandé de le faire, alors me voilà. Tout me semble nickel, tu as bien travaillé ! 

— Oh Georgia m’a aidée, mais merci. Plus qu’à attendre vendredi. 

— Oui, plus qu’à. 

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