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41. Magirêve

Alors que j'allume un cierge, pour ma prière nocturne, je jette un coup d'œil à l'extérieur de ma demeure. Une petite maison toute simple, digne de la prêtresse que je suis. Ma fille vivait autrefois avec moi, elle est récemment partie étudier à Poképolis. Justement, je viens d'apprendre la tragique nouvelle à la radio, un peu plus tôt dans la soirée. Plusieurs de mon troupeau m'ont même téléphoné pour exprimer leur douleur et leur confusion. Nous vivons de sombres moments, j'en ai peur.

Je me repose près d'une petite table, sur la véranda, où j'ai l'habitude de prendre le thé avec mes visiteurs. Nous avons droit à une jolie pleine lune, ce soir. Un moment que je trouverais romantique, si ce n'était pas du deuil immense que je ressens en moi.

— Passez une bonne nuit ! je lance à Arcanin, notre policier qui fait sa ronde habituelle.

— À vous aussi, Madame ! me répond le grand chien, qui se lève sur ses pattes arrière pour me saluer, chapeau contre le torse.

Il décide de venir me retrouver. Il est assez grand pour que son museau puisse dépasser mon petit balcon. Il se tient tout juste près de mon cierge allumé.

— Faites attention dans les rues... je lui suggère. Il y a beaucoup trop de crimes, dernièrement. Nous avons grand besoin de votre aide.

— Oh, je sais Madame... Notre commissariat ne sait plus où se donner de la tête, depuis que la guilde a explosée. Même Givrali, notre enquêteur privilégié, n'est pas à proximité.

Pour réflexe, le gros toutou se lèche le museau et halète un peu. Il a chaud, ce qui est normal pour un Pokémon Feu. Je crois qu'il a beaucoup marché, ce soir.

— Attention, vous allez éteindre mon cierge !

— Oh... pardon, Madame.

— Arcanin... Ça fait quelques années qu'on se connaît. Allons. Ne pourriez-vous pas m'appeler par mon prénom ?

Le Pokémon pose son chapeau sur sa tête et baisse son regard, un petit timide.

— Je suis désolé, Madame, m'explique-t-il. Votre rôle dans cette communauté est si important que je n'ose pas vous manquer de respect.

— Quand nous sommes seuls, je n'y vois pas d'inconvénient. Ma foi envers le Seigneur Suprême ne m'empêche pas de me faire des amis.

— Dans ce cas, Arceus a choisi bon de vous guider jusqu'à nous, Madame. Vous êtes l'un des piliers de notre ville. Sans vous, je crois que tout s'écroulerait.

— C'est très aimable de votre part, Arcanin.

Seulement, Milobellus ne semble pas de cet avis. Elle fait tout pour m'éviter depuis notre dernière rencontre au conseil. Je n'ai pas du tout approuvé qu'elle intimide ainsi Canarticho et Corboss. Hélas, je me suis tue afin de ne pas devenir sa prochaine cible. Lorsque tout le monde est parti, ce soir-là, je suis restée pour lui dire ma façon de penser. Elle m'a répondu d'un regard froid.

Vous êtes trop conciliante, Magirêve ! Voilà des années que je me bats contre cette corruption qui ronge notre ville. Votre foi vous a rendu aveugle à la misère des pauvres !

Ces mots, elle me les a prononcés d'une telle hargne que j'en ai perdu les miens. Bien qu'elle ne me porte pas dans son cœur de pierre, elle est malgré tout venue aux nombreuses messes que j'ai organisées pour les défunts de la guilde. Même qu'une fois, elle m'a remercié pour la cérémonie dédiée à ceux qu'elles surnomment être ses enfants. Je ne la sens pas du tout, cette Milobellus, mais je dois reconnaître qu'elle a beaucoup apporté à cette communauté.

Non seulement elle nous a sauvés du gouffre financé laissé par ses prédécesseurs, elle a racheté toutes la ville aux enchères de Poképolis et a laissé Monsieur le Maire Bekipan, troisième de son nom, diriger nos concitoyens. En échange, elle a été nommée vice-présidente du Conseil de Bekipan Ville et bientôt, le fils de Bekipan lui a succédé. Malheureusement, nous venons de perdre notre maire, encore une fois.

— Avez-vous quelque chose sur la conscience, Madame ? me demande soudainement Arcanin, me faisant sortir de mes pensées.

— Oh... non... Je réfléchissais à tout ce qu'a perdu Milobellus, depuis l'explosion.

Arcanin affiche un regard triste, celui d'un chien abattu. Il a beaucoup d'estime pour la cheffe de cette guilde, car il travaillait autrefois comme secouriste. Il a trouvé sa vocation en tant que policier et désormais protège nos rues jour et nuit.

— Quoi qu'elle puisse être effrayante par moments, c'est une bonne amie, me dit-il. Moi aussi, j'ai perdu plein d'amis, ce jour-là.

— Je prie pour ces enfants qui se sont retrouvés sans famille, du jour au lendemain. Milobellus a fait le bon choix de les prendre sous son aile... ou plutôt, sous ses nageoires. Même si nos philosophies sont tout à fait différentes, elle fait preuve de grandeur et de générosité en s'assurant qu'aucun orphelin ne meurt de faim. C'est ce qu'Arceus voudrait et cela me rassure. Car il y a effectivement de mauvaises graines qui germent dans notre pâturage. J'espère qu'elle saura trouver le ou les coupables de cet attentat.

— Notre... pâtu... quoi ? fait-il en penchant sa tête d'un côté.

— Notre pâturage. Voyons, mon ami. Vous n'avez pas compris ma métaphore ?

Il fait signe que non. Arcanin a un très grand cœur et est vaillant comme tout, mais il lui arrive parfois d'être un peu cruche.

— Des filous parmi les gentils, des ordures parmi les fleurs... Vous voyez l'allusion ?

— Oh ! Je comprends mieux, maintenant...

Le grand chien recule alors et réajuste son chapeau avant de me saluer :

— Je dois y aller, Madame. Le devoir m'appelle.

Je lui souris pendant qu'il s'éloigne de ma véranda. Je décide de rentrer. Il est temps pour moi d'aller me coucher. Je souffle sur la chandelle de mon cierge et ferme les yeux afin de réciter une prière à notre Dieu Tout Puissant. Ensuite, j'entre chez moi.

Bizarre... Je ne me souviens pas d'avoir fermé les lumières, de ma maison. Est-ce une panne d'électricité ? Je me retourne et je vois que tout est allumé chez les voisins. Je me dis que ce doit être un cas isolé. Je ferme la porte derrière moi et fait apparaître une flamme devant moi, celle-ci flotte et éclaire ma route alors que je m'approche d'une prise pour l'allumer. Rien. Il n'y a aucune lumière électrique.

Je me déplace dans le salon et j'essaie une autre prise. Rien. Toujours aucune réaction. Étrange. Je vais devoir contacter le technicien demain matin, puisqu'il fait nuit. Il y a un téléphone dans l'église qui pourrait me servir, en cas d'urgence.

J'opte donc pour aller me coucher. Après tout, je n'ai rien de mieux à faire. Seulement, lorsque j'ouvre la porte de ma chambre, je reçois de la poudre en plein visage et aussitôt, mon corps spectral s'engourdit. Ma flamme magique s'éteint et je me fracasse au sol. Je n'arrive pas à voir ce qui se déroule ensuite, mais je sens une odeur d'essence près de moi. J'entends alors des bruits de pas qui viennent de la cuisine.

Quelques minutes plus tard, une chaleur accablante s'approche de moi. Je ne peux réagir, je ne peux crier. Je suis complètement paralysée. Ainsi, on incendie ma demeure et mon corps spectral sera à jamais détruit de cette terre. Serais-je alors une menace pour celui ou celle qui a détruit le quartier général ? Je verse une larme, même si j'accepte avec toute la grâce divine de mon Dieu que je dois partir. Pardonne-moi, Feuforêve. Comme mère, je t'aurais tout donné. J'espère que tu seras heureuse...

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