Pour la première fois de sa vie, Lughvar détestait son travail. Entre son supérieur qui l’avait obligé à rester, son traître d’ami qui soutenait le point de vue des autres et ce … cet oméga qui restait plus longtemps que prévu. Il avait fait la vérification comme demandé. Aïden lui avait demandé des explications, mais la seule chose qu’il avait faite, avait été de le renvoyer très froidement en lui rétorquant que cela ne le regardait pas et qu’il lui avait promis de partir après la ponte. C’était ce qu’il avait fait, point. Il n’y avait pas à débattre pendant tout ce temps. Malgré tout… Quelque chose l’agaçait quand il voyait Azrog ou Alari trop proche du plus jeune. Enfin, quand il sortait de son bureau.
Aïden était allongé sur le sable de la plage, profitant du soleil timide en ce jour. Son ventre était un peu plus voyant, étonnant les médecins en sachant que la portée était vide. Encore quelque chose qu’il ne faisait pas comme tout le monde. Il se sentait mieux, bien que agacé à force d’être repoussé par celui qu’il désire. Il caressa son ventre d’une main. Il devait aller lui parler de nouveau, juste avant son rendez-vous avec Elròn pour une vérification.
Il se redressa, observant les quelques jeunes adultes jouer au bord de l’eau sous la surveillance d’un Ghrul non loin ayant de nombreux bijoux sur lui, signe de sa richesse. Aïden prit le chemin du retour, passant à côté des maisons du personnel et arriva devant le centre. Il dut se décaler pour laisser passer un petit groupe de faelen apparemment bien pressé.
Il frappa à la porte de Lughvar avant de l’ouvrir. Le démon leva son regard qui devint glacial à sa vue. Aïden entra et ferma la porte dans son dos avant de croiser les bras sur son torse dénudé.
— Es-tu apte cette fois à me donner une explication ou vas-tu me jeter comme toute les autres fois ?
— Si vous êtes là que pour cela Monsieur Sauma, vous feriez mieux de partir. Il me semble de plus que nous n’avons pas de rendez-vous.
— Cela fait une semaine et cinq jours que je porte tes œufs, bientôt deux semaines que tu t’es mordu le bras de peur de me mordre. Deux putain de semaines que tu te caches dans ton bureau comme un lâche ! Je ne te demande pas de me promettre un amour ou de me mordre. Je veux juste que tu agisses comme un adulte et me parle !
— Il me semble pourtant avoir été clair. Je refuse d’avoir un quelconque lien avec n’importe qui. Surtout pas un petit oméga qui se croit important pour moi.
Aïden recula de deux pas comme frappé en plein visage. Il pinça des lèvres et avança devant le bureau plaquant ses deux mains dessus.
— Je crois que c’est toi qui refuse d’ouvrir les yeux. J’ai accepté ma nature, j’accepte mon envie pour toi, j'accepte le fait que je veuille apprendre à te connaître, comprendre ce qui te blesse, ce qui fait que tu sois là dans ton bureau à te cacher comme un foutu trouillard. J’accepte même que tu ne me mordes jamais si tu as si peur, que l’on ne couche plus ensemble jusqu’à ce que tu sois sûr…. j’accepterais tout ce que tu veux si c’est pour sortir avec toi un jour. Mais il faut croire que je suis trop minable pour toi. Je ne suis qu’un oméga négligeable qui a failli crevé… un oméga qui s’est fait abuser à huit ans dans une ruelle par trois mecs et dont sa mère l’a négligée en profitant de l’absence de son père. Un simple oméga, pas un bêta ni un alpha. Je ne suis qu’une merde sans valeur à tes yeux...
Aïden repris sa respiration, déglutissant et essayant de ne pas pleurer.
— Au final… tu as peut-être raison, qui voudrait d’une loque comme moi, moi qui ai des notes ridicules avec un avenir incertain ?
Il renifla de rire en secouant la tête de gauche à droite.
— J’aurais peut-être dû me laisser mourir plutôt que de me laisser charmer par un médecin sans cœur qui m’a laissé du jour au lendemain sans même un mot, lâcha-t-il d’un ton froid avant de faire demi et sortir en claquant la porte.
Dans son bureau, Lughvar avait été soufflé par les mots. Sa colère avait disparu, le laissant à nu, complètement incertain de ce qu’il ressentait. Une petite voix lui souffla qu’il avait agi comme Aïden. C’était vrai, sa peur avait pris le dessus et il avait répondu en étant agressif et que maintenant qu’il avait été mis au pied du mur… il ne pouvait plus rien faire de plus.
Il se secoua la tête. Il ne pouvait cependant rien faire. Il ouvrit un dossier caché sur sa tablette et y entra un code. une vingtaine de photos apparurent. Photo de lui et de Isil… Il lui avait arraché le cœur. Ils s’étaient rencontrés alors qu’ils avaient quatorze-quinze ans. Un sacré sûlgoll oméga avec de grandes ailes et fait du même bois que Aïden. Il lui avait tout de suite plu et ils sont sortis ensemble dès leur seize ans. Inséparable était le mot que toute les personnes utilisaient à leur rencontre et pourtant…même s’ils s’étaient lié… Il était partit ailleurs en ne laissant qu’une foutu lettre d’à peine quelques mots.
Trois ans déjà. Peut-être qu’il était temps qu’il laisse tout cela partir. Lughvar frôla du doigt l’image de l’homme aux long cheveux châtain clair et aux yeux bleu sombre rieur. Les grandes oreilles en pointes aux multiples bijoux. La porte qui s’ouvrit doucement ne lui fit même pas lever la tête. Il savait qui était là. Une main se posa sur son épaule, lui faisant fermer les yeux.
— As-tu enfin décidé d’avancer et d’arrêter de te faire du mal ? demande Azrog, inquiet.
— Je… je pense oui. Après… 1 168 jours, souffle-t-il.
— Lugh, dit-il pour qu’il le regarde. Tu es celui qui a aidé Aïden, alors qu’il se noyait dans sa colère et sa peur, et cela sans te rendre compte que tu étais toi-même encore au fond de l'eau de tes tourments après tout ce temps. Il a simplement refusé de te laisser.
Lughvar tourna de nouveau son regard sur la photo affichée avant de fermer le tout et de finalement supprimer définitivement le dossier. Il passa dans ses contacts, lu le dernier message qu’il avait envoyé il y a quelques jours, un énième message lu, mais non répondu. Il supprima le tout avant de se lever et partir avec Azrog pour prendre une pause, sans un seul regard en arrière.
Aïden était assis de l’autre côté du bureau d’Elròn. Le spécialiste passa sa main dans ses cheveux court et noir. Les résultats étaient bons, mais l’absence de Lughvar était étrange. Quelque chose avait encore changé entre les deux.
— Votre Alpha référent n’est pas là ? demande-t-il curieux.
— Qu’il aille se faire voir. J’ai tout fait pour me battre… Lui faire comprendre à ce borné que je le voulais… Je peux comprendre qu’il est blessé, bien que je ne sache pas pourquoi. Mais en restant ainsi il me blesse aussi. Alors je laisse tomber. Je laisse tout entre ses mains.
— C’est le mieux à faire. Je n’ai jamais vu quelqu’un d’aussi têtu que lui. Tout esten état et le gonflement vient du fait que votre corps croit réellement à une grossesse. Il ne devrait pas prendre plus d’ampleur, mais sait-on jamais. En cas de problème n’hésitez pas à venir me voir.
— Je vous remercie.
Aïden lui souhaita une bonne journée et sort de la pièce avant d’aller rendre visite à Alphyss. Le roux l'accueillit allongé à même la plage là où il était. Il prend place à ses côtés.
— T’es enceint depuis moins longtemps que moi et t’as un ventre tellement incroyable, dit-il.
— Elròn m’a dit que mon corps y croit vraiment. Je ne devrais pas prendre plus. Hey, mais tu n’avais pas un rendez-vous avec Azrog ?
— Il l’a annulé. Je l’ai vu entrer avec Lughvar dans une des maisons. Qu’est-ce qu’il s’est passé ?
— Je lui ai hurlé dessus. J’en peux plus de me battre, alors je tourne la page.
— Je te conseille simplement de laisser un moment avant de le faire. Prends le temps de réfléchir à tête reposée car là, énervé et blessé comme tu l’es, tu pourrais bien faire une grosse erreur.
— Ouais… ptête bien. T’as pas trop peur pour quand tu vas…
Aïden lui montra son ventre. Alphyss le caressa et fit une grimace.
— Je sais comment cela va se passer. Je sais que… qu’il n’y a rien, que je suis trop jeune pour avoir des enfants. Mais … ça fait mal d’y penser.
— Pourquoi as-tu voulu le faire jusqu’au bout toi ? Enfin si tu veux bien me le dire.
— Quelque chose en moi m’a fait sentir que je le devais. C’était quelque chose d’inconcevable pour moi que cela ne dure qu’une semaine.
— Je comprends… hey, tu vas faire quoi après ?
— Je vais partir dans une université sur l'île de Shàalt pour devenir professeur pour enfant. Celeste va revenir ici sur Andara d’après son dernier message et travailler dans un petit commerce de plantes. Et toi?
Aïden se redressa en position assise, la main sur son ventre qu’il caressait sans vraiment faire attention. Vu ses résultats et tout ce qu’il a fait… Personne ne voudrait de lui avec un tel dossier.
— Je...Je ne sais pas trop. Tu sais comment j’ai été… personne ne voudrait quelqu'un avec un dossier aussi lourd.
— Si tu acceptes de lier un dossier psychologique et médical avec, il serait possible que l’on t'accepte quelque part. Enfin je pense…
— Je verrais avec Alari et les autres.
— Alari va me manquer… tout le monde ici en fait.
Alphyss se redressa en position assise aussi et sourit, les larmes sur le coin des yeux. Aïden posa une main un peu tremblante sur la joue du roux et lui sourit.
— Hey, chuchota Alphyss. Tu veux que je t’avoue quelque chose ?
— Je t’écoute.
— Comme je ne savais pas de quel rang tu étais… j’ai … j’ai déjà eu envie de sortir avec toi y’a quelques années, dit-il en rougissant terriblement en s'éloignant du toucher en détournant la tête. T’étais un connard… mais tu m’attirais et même là j’arrive pas à m’y faire que tu es un Oméga, que tu es comme moi.
— Comment as-tu pu apprécier le connard que j’étais ?!
— Je te l’ai dit, t’as une belle gueule ! Rah je rentre, j’aurais pas dut te le dire tu ne vas plus me lâcher avec.
Le roux se leva et partit, marchant lentement.
— Compte sur moi pour te le rappeler à chaque instant de ta vie Al ! hurla Aïden en le regardant partir. Même le jour de ton union avec la ou les personnes qui vont côtoyer ta vie, je serais là et le dirait même à toute ta descendance !
Alphyss ne fit qu’un geste obscène avant d’accélérer le pas. Aïden se redressa à son tour et s'approcha de l’eau turquoise. Il retroussa le pantalon qu’il portait jusqu’au genou pour tremper ses pieds dans l’eau chaude de l'île. Il resta un moment ainsi. Observant l’horizon, repensant à son arrivée et tout ce qu’il avait fait. Il revoit alors son actuel ami, plus jeune. Il revoit les autres le pousser dans les toilettes et … Il en était ressorti avec des bleus et complètement trempé. Un haut les cœur le prend, il pose une main sur la bouche et l’autre sur son torse.
Il avait été un tel monstre. Il revoit certaines de ses victimes blessées… ses mains finir rouge par le sang. Bleu par les coups. Coupé, blessé. Qu’avait-il fait ? C’était normal si Lughvar ne voulait pas de lui au final. Il était sale… Il ne devait toucher personne. Personne ne devrait avoir à être salis par ses mains pleines de sang. Il prit une vive inspiration et fit demi-tour. Il avait besoin de s’enfermer et de se laver les mains… plusieurs fois.