7ème jour avant la fin

Pourquoi prendre la peine de mettre une date alors que la fin du monde approche ?

Je n’ai pas voulu y croire en apprenant cette info au journal télévisé. Pourtant, notre planète allait disparaître dans les prochains jours. Par une météorite, il paraît. Et moi qui pensais que l’humanité serait le seul maître de sa propre destruction… Avec toutes ces guerres qui sévissent… Avec toute cette violence qui fait rage partout où on va… Avec ces technologies tellement avancées qu’elles en deviennent, limite, incontrôlables… Finalement, l’extinction de l’humanité sera provoquée par un simple caillou géant venu de l’espace, pour réduire notre planète en poussière.

Quelle ironie !

Dehors, c’est la panique. Des cris, des pleurs, des prières… Des bagarres et des klaxons de voiture aussi. Un grand n’importe quoi, en somme !

Mais est-ce surprenant ?

Moi ? Je me contente de rester de mon modeste appartement. Je me fais un peu chier tout seul, mais au moins, je m’épargne un affreux mal de crâne provoqué par tout ce brouhaha chaotique extérieur. Je pense surtout avoir envie de ne parler à personne, le temps de digérer cette nouvelle à laquelle personne ne s’attendait. Je pourrais appeler ma famille ? Mes amis ? Franchement et pour l’instant, flemme !

Je pense qu’ils me passeront des coups de fil demain, si ce n’est pas aujourd’hui. En attendant, j’ai préféré consacrer cette journée à ma tranquillité personnelle. Ça faisait longtemps que je n’avais pas eu un moment à moi. Un bon bain chaud m’attend, pendant que je rédige ce texte. Avec un peu de musique dans mes oreilles, ça me fera du bien. Ensuite… Je verrai ce que je ferai, en fonction de mon énergie et de mon humeur.

6ème jour avant la fin

Le désordre général s'est aggravé. À travers ma fenêtre, je peux voir des personnes profiter du chaos pour piller des épiceries, et même certains appartements dont les locataires s'étaient absentés.

Ces gens sont vraiment lamentables. À quoi bon voler les affaires des autres, vu qu’on va tous crever dans six jours ? Ils ne préfèrent pas passer du temps avec leurs proches, au lieu d'embêter des innocents qui n’ont rien demandé ? Et mon quartier n'est pas un cas isolé. Visiblement, c'est le bordel dans tout le pays. Dans tous les pays du monde, quasiment !

Un véritable effondrement sociétal, à échelle mondiale.

Comme attendu, mes parents m'ont appelé pour savoir comment j’allais. Tous deux en pleurs, en sachant qu'on ne pourra pas être réunis une dernière fois. Après tout, ils habitent en territoire ultramarin, et plus aucun avion ne circulait en ce moment. Je m'y attendais un peu, ce qui fait que je ne suis pas aussi affecté que papa et maman. Mais je regrette de ne pas pouvoir les revoir. Nous nous sommes donc faits nos adieux, ne sachant pas à quoi nous attendre dans les prochains jours. Mieux vaut le faire, tant qu'on peut encore se contacter.

Voulant savoir comment se portait la poignée d'amis que j'avais, j’ai tenté de me connecter sur les réseaux sociaux. Hélas, aucun d'entre eux ne fonctionne correctement. Réseau saturé ? Serveurs hors service, peut-être ? Je crois qu'à ce stade, plus rien ne m'étonne. On dirait bien que je vais mourir seul ici, sans personne pour me tenir compagnie, même de façon virtuelle.

J’espère juste ne pas perdre la tête au fil des jours…

5ème jour avant la fin

Je m'attendais à une journée aussi morose que les deux derniers jours. Mais à ma grande surprise, j'ai reçu la visite de mon meilleur pote : Ethan. Ce con est arrivé sans prévenir, valise en main, affirmant qu'il est hors de question pour lui de mourir seul dans son coin ! Il m'a alors proposé de passer le reste de nos jours ensemble, chez moi. Apparemment, dans son quartier, les choses sont encore pires : des tarés mettaient le feu dans des immeubles voisins au sien. Le sentiment de danger, couplé à la solitude, l'avait poussé à partir de chez lui pour venir s'installer ici. Ce n'est pas spécialement pour me déplaire. Au moins, sa présence rendra ces derniers jours moins ennuyants !

En plus, il a ramené son ordinateur portable contenant pas mal de films, ainsi que sa console de jeu. Autant dire qu'il a prévu de s'amuser un maximum avant l'écrasement de la météorite. Ma foi, pourquoi pas ? En plus, avec nos études, il nous était difficile de nous réunir pour jouer ou mater des films ensemble. Là, étant donné que les cours ne sont plus assurés, on compte rattraper tout ce temps de loisir perdu !

4ème jour avant la fin

En voulant passer un appel à mes parents, je me suis rendu compte que le réseau était coupé. Et en essayant d'aller sur internet, impossible de me connecter. Visiblement, tout va de pire en pire. Alors que je rejette la faute sur les imbéciles dehors qui continuent leurs conneries de casse et de dégradation de matériel, Ethan soupçonne l'approche de la météorite qui perturbe le réseau en émettant des ondes magnétiques. J'ignore si cette hypothèse est vraie, et honnêtement, je m'en fous. Tout ce que je sais, c'est qu'on ne peut plus contacter personne par téléphone ou via le net. Et même les chaînes de télévision sont gravement perturbées, au point de ne plus être regardables. Heureusement que j'ai pu parler à mes parents avant ! Et Ethan aussi !

Finalement, cette journée ressemble à celle de la veille. Avec Ethan, on s'est éclaté devant des films et des jeux vidéo. On s'est même fait un grand repas avec certains ingrédients à notre disposition. Une belle pizza avec une salade garnie et rafraîchissante. Je crois que c'est la meilleure pizza que j'ai mangée de ma vie ! Rien à voir avec celles que je commande certains soirs, quand j'ai la flemme de cuisiner en rentrant du campus !

Et sans exagérer, je pense aussi qu'on est en train de vivre les meilleurs jours de notre vie, Ethan et moi. Pourtant, on sait que la fin du monde approche à grands pas ! Mais nos moments passés ensemble parviennent à nous faire oublier ce funeste sort... en plus de nous rapprocher davantage.

3ème jour avant la fin

Cette journée a été... spéciale. C'est assez embarrassant de consigner ça dans mon journal. Mais c'est pas comme si quelqu'un allait le lire, de toute façon…

Comme à notre habitude, Ethan et moi avons fait diverses activités ensemble, du matin au soir. Mais tout au long de la journée, j'ai ressenti... une certaine tension entre nous. Et tout à l'heure, en regardant un film avant d'aller nous coucher, nous avons eu une discussion à cœur ouvert. Ethan m'a confié être heureux de partager ses derniers jours en ma compagnie. Si bien, qu'il avait fini par développer des sentiments à mon égard. Ou plutôt : ses sentiments étaient enfouis au fond de lui depuis un bail, et s’étaient extériorisés ce soir.

Sur le coup, je pensais qu'il trollait. Après tout, on se voyait plus comme des frères que comme des amants.

Mais étant donné qu'on ne sera plus là dans deux jours, je n'ai eu aucun problème à l'accepter. C'est de cette façon qu'on s'est retrouvé à faire l'amour la minute suivante, et pendant une partie de la nuit. C'est... la première fois que je vis ce genre de chose. Encore plus avec un mec qui se révèle être mon meilleur pote !

Et je dois avouer que c'était un moment vraiment agréable. Pourquoi on ne l'a pas vécu plus tôt ? Peut-être qu'au fond, je me voilais la face alors que j'aimais ce con depuis longtemps ? Difficile à dire. L'amour, c'est pas trop mon truc…

En tout cas, Ethan est endormi à côté de moi au moment où je rédige ces lignes. Et ce n'est que maintenant que je me rends compte d’à quel point il est adorable, lorsqu'il dort ainsi. Cette fois, c'est sûr : je ne regrette pas cette nuit passée ensemble.

2ème jour avant la fin

Malgré la douce nuit vécue, on s’est réveillé avec une mauvaise surprise : l'électricité avait été coupée. Ce qui ne nous arrangeait pas. On en avait besoin pour certains de nos appareils, que ce soit pour faire à manger ou pour nous adonner à nos loisirs préférés. En constatant que les derniers jours nous seront pénibles en restant ici, Ethan m'a proposé de quitter l'appartement pour un ultime road trip ensemble, jusqu'à l'instant final où tout serait fini. Nous avons donc pris avec nous le strict nécessaire, ainsi que de la nourriture ne nécessitant aucune cuisson.

Puis nous sommes partis, avec la voiture d'Ethan. Je suis d'ailleurs étonné que celle-ci soit en bon état, lorsque je vois la multitude de voitures écrasées ou incendiées sur notre route. Celle-ci est d'ailleurs plus déserte que je ne le pensais. À croire que les casseurs et autres voyous fouteurs de merde ont fini par fatiguer ? Ou peut-être qu'ils sont allés continuer leurs conneries ailleurs ? À moins qu’ils aient eu soudainement une once d’humanité et qu’ils ont choisi d’aller passer leurs derniers instants avec leurs proches ? Même si j’espère que la réalité colle à ce dernier cas de figure, tout ceci ne me concerne pas.

On a désormais quitté notre ville, roulant sur une autoroute dégagée. Je m'étais attendu à un embouteillage monstre. Mais visiblement, beaucoup dans notre ville avaient choisi de se confiner chez eux plutôt que de sortir. C'est assez étonnant sans l'être, je dirai.

J'ignore quelle est notre destination. Et Ethan semble ne pas savoir non plus. Il se laisse guider par la route et par son intuition. De toute façon, peu importait où on allait s'arrêter : la finalité serait la même.

Le jour de la fin

Voici donc mes derniers mots écrits. Je ressens une nostalgie m'envahir, couplée à une certaine anxiété. Étrangement, savoir qu'on allait tous mourir aujourd'hui ne m'avait rien fait jusqu'à maintenant. Et à quelques heures de l'impact de la météorite, je ressens une certaine peur qui me coupe l'appétit. Comment la fin de notre monde allait-elle se passer ? Est-ce que ça allait être douloureux ? Ou trop rapide pour qu'on s'en rende compte ?

Ethan m'a rassuré à maintes reprises, me disant que peu importait : au moins, on était ensemble. Et devant un somptueux panorama, qui plus est !

La route arpentée nous a amenée au sommet d'une grande falaise surplombant une partie de la région, visible en contrebas. Le soleil est en train de se coucher, ce qui rend la vue magnifique et assez romantique. J'écris ces lignes, la tête posée sur l'épaule de mon compagnon, qui me serre contre lui en observant l'horizon.

On était désormais prêts à affronter la fin de l'humanité ensemble, avec tous ces souvenirs forgés en quelques jours à peine, et en parlant des évènements ayant le plus marqué les cours de nos vies respectives.

D'ici quelques heures, voire quelques minutes, tout serait fini. La Terre n'existera plus. Ethan n'existera plus. Moi, Axel, disparaîtrai également. Allons-nous nous retrouver dans un autre univers ? Allons-nous renaître sur une future Terre reformée ? Serons-nous condamnés à l'inexistence et à l'oubli ?

Dans tous les cas, nous ne pouvons rien faire pour lutter. Juste accepter notre sort du mieux qu'on le peut.

Alors adieu l'humanité...

Adieu papa, maman, Ethan, nos autres amis que nous n'avons pas pu revoir, ni contacter...

Et adieu à toi, Cher Journal, qui m'a accompagné jusqu'au bout en tant que fidèle confident...