Salut, moi c’est Gab ! Aujourd’hui je retourne au travail après un long mois d’arrêt. Je suis impatient de retrouver mes collègues ainsi que les clients habitués du “Coeur de feu”. Il s’agit d’un bar se situant dans le quartier des commerçants d’Enkato. C’est une petite ville qui se trouve au Sud de notre monde. Il y fait donc souvent très beau et chaud, idéal pour avoir toujours du monde sur les terrasses.
Je suis très à l’aise quand il y en a, contrairement à mon collègue Marcial. C’est le seul vampire de l’équipe de serveur et il ne travaille avec nous qu’à la nuit tombée. Il vaut mieux ne pas chercher des ennuis avec lui. Il est du genre costaud contrairement à moi. Avec mon pauvre mètre soixante-dix, je ne ferais pas le poids avec lui dans une bagarre et d’ailleurs en parlant de ça, il m’a plus d’une fois sauvé les miches suite à des disputes avec des clients.
Enfin, je ne suis pas prêt de le voir ! En vérité, je viens à peine de me lever de mon lit. Je ne suis même pas encore passé par la salle de bain et on ne peut pas dire que je sois autant en avance que d’habitude. Je pourrais m’aider avec la magie mais mes parents m’ont toujours dit de ne pas abuser de mon potentiel pour des tâches que je peux accomplir sans. Aussi, je me dépêche d’aller prendre une douche et enfile une tenue de travail avant de prendre un petit-déjeuner préparé la veille.
Une pile de pancakes avalée plus tard, me voilà devant la porte de mon appart. Sans surprise, je ne trouve de nouveau pas mes clefs ! Cela commence à être très agaçant… Où est-ce que je les ai encore mises, nom d’un chien ? Je me baisse alors pour chercher au sol et les déniche sous un meuble. Elles sont sûrement tombées à cause de mon chat. Cela me fait penser qu’il faut que je le nourrisse avant de partir. Je rebrousse donc le chemin vers la cuisine et remplit la gamelle avant d’aller attraper ma veste pour finalement quitter la maison.
En chemin pour l’échoppe, je croise ma voisine. Une vieille dame très gentille qui essaye régulièrement de me donner des conseils de drague pour que je me trouve une copine. Elle trouve dommage que, je cite : “un joli garçon comme vous soit célibataire”.
- Bonjour Germaine !
- Comment vas-tu mon adorable voisin ?
- Bien et vous ?
- A merveille. Je reviens de mes courses. Et toi ? En retard pour le travail ?
- Oui, je dois vous laisser.
- Passes me voir ce soir, je te servirais des quiches !
- Merci Germaine, je passerais pour 19h comme la dernière fois.
- Parfait ! Il y aura de la visite.
- Oh je n’en doute pas ma chère.
En jetant un œil à ma montre, je vois que l’heure approche et je la salue rapidement avant de reprendre mon chemin. Fort heureusement, j’arrive encore à atteindre mon lieu de travail en avance, plus d’un quart d’heure. Cela me vaut d’ailleurs un commentaire du gérant qui dit :
- Toujours pas capable d’arriver juste à l’heure Gab ?
- Jamais visiblement. Les autres sont là ?
- Non, tu es le premier. File au vestiaire et après rejoint moins à la réserve. On a des commandes à faire avant que tu termines la mise en place du bar !
- Oui patron !
Sur ce je me rend derrière le comptoir où se trouve l’accès aux cuisines puis emprunte la porte sur la gauche. Là, comme avant mon départ, je retrouve les vieux casiers de métal bleu, excepté le mien. Pendant mon absence, quelqu'un s’est amusé à le décorer. Cela dit, je n'ai pas le temps d’admirer le travail. J’ouvre donc le cadenas et range mes affaires avant de refermer le tout puis direction la réserve de l’autre côté du couloir.
-Te voilà Gab. Je vois que malgré ta maladie tu es toujours au top niveau. C’est très bien mon garçon. Continue comme ça !
- Merci patron.
Ces politesses échangées, il me met au travail dans la foulée et nous passons près d’une demi-heure à vérifier les commandes avant que je puisse retourner en salle.
Là, je trouve Max, occupé à mettre les tables en place. Le sol étant déjà nettoyé, je marche avec précaution jusqu'au placard des produits d’entretien et m’occupe du comptoir puis des tables et de l’entrée. À 10h tout est terminé en un temps record et je tourne le panneau fermé pour afficher le côté ouvert. Malgré ça, le bar reste vide jusqu'à ce que je parte prendre ma pause déjeuner. Ce n’est qu’à mon retour que j'aperçois dans la salle quelques-uns de nos habitués dont une grande dame blonde appelée Ramona qui me fait tout le temps les yeux doux. C’est le genre de femmes qui m'insupportent. Elle est toujours en train de se vanter d'être la plus belle du coin, mais honnêtement je la trouve pas si incroyable que ça. De toute façon moi je préfère Marcial, lui n’est ni égocentrique, ni obsédé par son look et il est totalement mon type mais ça je ne le dit devant personne. Je n’ose déjà pas en parler avec lui alors à d’autres, jamais de la vie.
Quoi qu’il en soit… Je dois me concentrer. J’ai la table 3 à servir et ceux-là… Ils n’aiment pas attendre. J’en ai déjà fait la cuisante expérience. Alors je me hâte d’aller en cuisine pour transmettre la commande puis part vers une autre table avant de me faire alpaguer par cette… Chère Ramona.
- Salut Gab ! dit-elle en mettant en avant son décolleté trop plongeant à mon goût. Ton charmant minois m'a manqué ! Où tu étais passé ?
Je réprime une grimace de dégoût, surtout en voyant un bout de sa poitrine dépasser avec un tatouage de papillon dessus et lui répond poliment :
- Bonjour Ramona. J’étais malade, je viens de reprendre le travail ce matin.
- Oh ? Je vois. Tu auras le temps de boire un verre après ton service, je suis libre aujourd’hui.
- Désolé mais non, j’ai rendez-vous chez grand-mère. Et elle n’aime pas les retardataires. En parlant de ça, je dois aller servir. Désolé.
- Dommage. Oh Gab, peux-tu me ramener un verre de martini blanc après ?
- Bien sûr Ramona, dis-je avant de disparaître en direction de la table 7 qui me fait signe depuis déjà 5 minutes.
Arrivé devant eux, j’offre mon habituel sourire professionnel et prend la commande avant de passer par la cuisine puis au comptoir.
- Alors Gab, toujours harcelé par Ramona ? Si tu veux que je la remette à sa place, demande-moi, me dit Greg, l'un des barmans.
- Merci mais ça devrait aller. Tu peux me faire couler un…
- Martini blanc pour la blonde ? Pas de soucis. Elle commande ça tous les jours à la même heure depuis plusieurs jours. Elle a rompu avec son dernier mec.
- D’où le fait qu’elle soit si… Brrr… Gênant…
- Je pense oui. Te laisse pas faire. Allez, tiens. Le martini de la dame.
Un soupir s’échappe de mes lèvres tandis que je prends la boisson pour aller la servir à Ramona, ensuite, sans attendre qu’elle puisse ouvrir la bouche, je m’échappe en cuisine pour finalement avoir la commande de la table 3 qui me râle dessus. Je les ignore en gardant mon calme puis reprend mon zigzag entre les différents clients du bar, jusqu’à ce que je puisse enfin rentrer à la maison sur les coups de 15h. A mon arrivée chez moi, je me laisse tomber sur le sofa et mon chat familier, Happy, vient se frotter à mon torse avant de s’allonger sur mes cuisses en ronronnant bruyamment, réclamant des caresses.
- Salut mon beau. Tu as passé une bonne matinée ?
{Oui et toi mon humain ?}
- Longue et fatigante. Tu as de la chance d’être un chat.
{Tu n’as pas vu le monsieur sanguin aujourd’hui ?}
- Non, tu sais bien qu’il ne travaille que de nuit.
{Dommage. J’aime bien quand tu as son parfum sur toi.}
- Essayes-tu de me dire que je sens mauvais ?
{Non ! Juste, j’aime le mélange des deux. C’est un bon équilibre.}
- Je ne le verrais pas avant un moment.
{Oh… Tu ne veux pas l’inviter à la maison ? Il n’y aurait pas de soleil si on fermait les volets tu sais !}
A cette remarque, j’éclate de rire puis lui explique que ce n’est pas un problème de soleil, mais plutôt ma timidité qui m’empêche de l’inviter.
{Si tu veux je suis prêt à faire comme les oiseaux et lui apporter une lettre ! Ou alors je lui parle pour toi ! Je suis sûr qu'il ne dirait pas non à une invitation !}
- Non Happy, ce ne sera pas la peine. Mais c’est gentil de proposer, dis-je en venant le gratouiller doucement au niveau des oreilles.
Je reste ainsi avec lui de longues minutes avant de me décider à aller me changer puis je me mets devant la télévision pour regarder une série. Cela m’aide à passer le temps et je finis par m’endormir à la fin du premier épisode.
Heureusement, grâce à Happy, je me réveille à temps pour me rendre chez Germaine. Elle m’accueille avec un grand sourire et me présente plusieurs demoiselles de sa famille qu’elle a invité aujourd’hui. J’en connais déjà certaines mais je reste malgré tout assez timide, n’osant pas lui dire que je ne suis pas du tout intéressé.
A la fin du repas nous passons dans le salon et elle me sert du thé. Ce dernier à une odeur bizarre mais pour ne pas la vexer je prends une gorgée. Elle me demande alors si une des filles me plaît et je réponds, à ma grande surprise :
- Non, je suis amoureux d’un vampire.
A ce moment-là, un grand silence se fait alors que je rougis intensément puis réalise ce qu’implique ma réponse sans filtre.
- Germaine ! Tu m’avais promis de ne pas me faire boire de potions !
- Je suis désolée Gab… Je voulais juste comprendre pourquoi tu…
- Tu n’avais pas le droit ! Et vous avez intérêt de n’en parler à personne, toutes autant que vous êtes !
Sur ce, je quitte précipitamment la maison et file m’enfermer dans mon appartement, me laissant tomber devant la porte.
- Elle m’a bien eue cette vieille sorcière… Moi qui croyait que c’était mon amie…
Des larmes coulent le long de mes joues alors que Happy vient se blottir contre moi pour me consoler. Ma main se perd dans son doux pelage quelques minutes puis je décide d’aller me coucher. Le cœur meurtri, j’oublie de mettre mon réveil et ne m’en rend compte que lorsqu’au matin, mon patron m’appelle pour me demander ce que je fabrique.
Je lui explique que je ne compte pas venir aujourd’hui, que je me sens mal et il me conseille d’aller voir un spécialiste. Je lui promets de le faire puis retourne dans mon lit, travaillé par cette histoire de filtre de vérité que Germaine m’a fait boire. Heureusement, je me suis rendu compte du problème tout de suite et je n’ai pas dis son prénom, sinon je pense qu’il se trouverait déjà devant ma porte pour demander des explications. La journée se passe dans un calme à peine perturbé par les miaulements et paroles de Happy qui essaye de me remonter le moral jusqu’à ce que, à 3h du matin, quelqu’un toque justement chez moi.
Intrigué, je me lève, habillé seulement d’un caleçon et je vais ouvrir. Je me retrouve alors nez à nez avec Marcial, très reconnaissable avec ses beaux yeux rubis, ses cheveux noirs intenses, sa pâleur, ses canines typiques de son espèce et portant son habituelle redingote noire par-dessus sa tenue de travail.
- Salut Gab. Désolé de te sortir du lit mais… Tu ne réponds pas à ton téléphone et les autres ont essayé de te joindre plusieurs fois durant la journée après l’appel du patron.
- Ma… Marcial ? Mais… Je… Entre. Attends je vais enfiler autre chose, dis-je tout rouge.
Mon cœur bat fort dans ma poitrine, je me précipite dans ma chambre pour enfiler un t-shirt et retrouve Marcial dans mon salon. Happy s’est installé sur ses genoux et semble avoir une conversation réjouissante au vu du grand sourire du vampire.
- Tu n’es pas vraiment malade hum Gab ? Raconte-moi.
- Je… C’est compliqué. Happy te l’as dit ?
- Non. Je le sens à ton odeur. Rappelle-toi que les vampires ont un odorat très sensible.
En soupirant, je m’installe à ses côtés et lui relate les événements.
- Et c’est ça qui te met dans cet état mon cher Gab ? Tu sais, tu aurais dû m’en parler depuis longtemps. Je n’attendais que ça.
- Comment ça ?
- C’est fou ce que tu peux être lent à la détente parfois, dit-il en passant sa main dans mes cheveux. Ecoute-moi bien. Je t’aime.
Des frissons me parcourent lorsqu’il prononce ces mots et je sens le rouge monter à mes pommettes avant de cacher mon visage dans mes mains. Je l’entends rire et il me souffle à l’oreille :
- Ne te caches pas. J’aime voir cette couleur sur tes joues et tes yeux bleus pétiller comme ça. Tu es adorable, Gab.
- Je… M… Merci, Marcial… dis-je, tout gêné en arrêtant de me cacher puis je sens ses lèvres se poser sur ma joue.
- Retourne te reposer. Nous discuterons de nouveau une autre fois. D’accord ?
- Je… Bien sûr.
- A demain Gab. Tu travailles d’après-midi n’oublie pas.
- Promis, dis-je d’une voix tremblante, peinant encore à réaliser ce qu’il vient de se passer alors qu’il quitte mon appartement.
Je prends quelques minutes pour me calmer, vérifier mon réveil et mon emploi du temps avant de retourner au lit. Pour une fois depuis longtemps, je m’endors instantanément et rêve de Marcial me gardant dans ses bras, son parfum enivrant me chatouillant les narines.