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Mynorca
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🔴 TW Relation toxique, léger Slash, mort. Texte fortement déconseillé aux personnes mineures.


I've been hiding out, running from the curse of the blackened eye
Darling, I can feel it coming every time
I sat around last year
Wishing so many times that I would die
Left it all and now I can see the night

𝑼𝒕𝒂𝒉, 𝟏𝟖𝟔𝟓

.°˖⋆ ℧ 𓃗 .°˖⋆𓄋

Pourquoi ?

Le soleil de midi était brûlant, presque impitoyable. Un fléau envoyé par Dieu lui-même, à la recherche de ceux ayant l’audace de se perdre dans le désert profond.

Un châtiment.

Mais en cet instant, ça n’était pas cette chaleur qui écrasait Oliver. Pas plus que la sensation désagréable de ses vêtements trempés de sueur.

C’était le désespoir.

Un sentiment que même le shérif de Salt Lake City était capable de ressentir, au plus profond de son âme.

— Pourquoi, Salem ? Il répéta, la voix rendue rauque par le manque de sommeil.

Car oui, il avait peu dormi. Son visage marqué de cernes profonds en attestait, et il en valait de même pour la barbe naissante qui commençait à fleurir sur les contours de sa mâchoire. Sa chemise, froissée, avait été enfilée à la va-vite, à peine rentrée dans la ceinture qui pendait mollement à ses hanches - il avait loupé deux passants.

Mais au réveil, ses yeux pâles n’avaient pas eu le loisir de s’attarder sur son reflet.

Son lieutenant, le très jeune Clint Jefferson, était venu le cueillir à l’aube, brisant le calme qui régnait dans la petite chambre de sa garçonnière. Le visage maculé de poussière rouge - qui contrastait par ailleurs furieusement avec sa peau brune - il était à peine parvenu à articuler le fond de sa pensée avant de s’écrouler à genoux, face à un shérif plutôt, désarçonné par un tel réveil.

Seul un verre de whisky de trente ans d'âge était parvenu à le faire sortir de son mutisme.

Mais Oliver était loin d’être stupide, et il se doutait bien qu’un drame avait dû survenir pour que son très cher Clint se pointe si tôt, dans un tel état - bien que très ponctuel, son lieutenant n’était pas franchement du matin.

Et comme souvent, Oliver avait vu juste.

« Le Barrage. » avait simplement soufflé Clint, les yeux encore rouges, les lèvres rendues humides par l’alcool.

Alors avant même que son jeune second ne lui explique que le chantier du barrage de Salt Lake avait été dévasté par un incendie criminel, Oliver avait déjà éperonné son cheval, stetson sur la tête et colt à la ceinture.

Il n’avait pas eu le temps d’inspirer l’air vicié par le feu. Pas plus que de voir les structures noircies du barages, encore fumantes après une nuit d’embrasement.

Car il savait déjà.

Il savait déjà tout.

Comme toujours, lorsqu’un drame avait lieu dans la petite ville de Salt Lake, il ne lui était pas difficile de deviner l’identité du responsable.

Black Mask.

Ce fichu Black Mask.

Qui d’autre ?

Alors, après sa courte irruption sur le lieu de la catastrophe, il n’avait ni pris le temps de préparer son discours au familles des victimes, ni de préparer les papiers permettant de constater l’incident auprès des compagnies d’assurance.

Non.

Le cœur au bord des lèvres, le shérif de la petite ville états-unienne s’était enfoncé dans le désert.

Cette fois, nulle ferveur amoureuse, nulle envie de courir se fondre dans les bras du bandit qui terrorisait la région depuis cinq longues années. Il n’était pas repassé chez lui pour se raser, pas plus que pour accrocher un petit œillet vert à sa boutonnière, comme il le faisait parfois dans ses instants romantiques.

Non.

Il se fichait de ce à quoi il ressemblait.

L’autre en revanche...

— Tu savais comme moi que ça se terminerait ainsi.

La voix était chantante, marquée par les inflexions qu'ont les hommes qui n'ont plus rien à perdre.

La voix de Black Mask.

De Salem.

De son Salem.

Oliver la connaissait par cœur.

Il connaissait aussi son visage. Gravé à l’encre noire sous ses paupières, il hantait ses nuits. Caché sous un chapeau à bords larges, il était fin, presque osseux. Ses yeux, ourlés de cils sombres, reflétaient les lueurs du jour, perles lacustres venues d’un océan où Oliver s’était noyé durant bien des nuits. Ses boucles, plus sombres que le plumage d’un corbeau, avaient été savamment arrangées pour venir cascader sur son front, puis le long de sa nuque.

Contrairement au Shérif de Salt Lake et à sa mine défaite, Black Mask s'était fait élégant.

Peut-être même s’était-il parfumé, avec cette cologne musquée qui laissait toujours une légère odeur sur les cuirs d’Oliver.

Mais aussi beau était-il, aussi apprêté étaient ses vêtements à la noirs coupe particulièrement ajustée, il n’en restait pas moins un criminel.

— C’est toi qui a provoqué cet incendie. Souffla Oliver. Toi et tes hommes.

Son ton était sans appel. Malgré l’intensité du soleil, ses prunelles claires s’étaient assombries ; le regard de Salem, en revanche, pétillait, presque jubilatoire :

— Et...? Il demanda, un léger sourire peint sur ses lèvres pleines.

— Il y avait encore des ouvriers sur le chantier. Ils ont été piégés par les flammes.

Salem n’eut aucune réaction.

Il y eut un silence.

Un silence trop long pour être intentionnel.

Poings serrés, le cœur au bord des lèvres, Oliver prit une profonde inspiration, tentant de calmer les battements affolés de son cœur. Écrasant, le soleil avait encore gagné en intensité, brûlant presque sa peau constellée de tâches de rousseur. Ce soir - il en était certain - de larges plaques rouges apparaîtraient sur ses avants bras trop pâles pour être exposés à une telle chaleur.

Mais cela lui importait peu.

De même que son apparence physique, rien n’avait d’importance lorsque le regard d’encre de Salem était braqué directement sur lui, comme une lame menace un homme pour sa bourse. Ce regard qui n’était que promesses de nuits brûlantes...

La saveur âpre de la poussière monta aux narines d’Oliver, mêlée au souvenir de l’odeur de la chair carbonisée, et celle plus lointaine, de la cologne de Salem.

— ...je me contrefiche des banques et des bourgeois que tu t’amuses à tourmenter. Il murmura. Mais ces hommes avaient des femmes, des enfants... C’est trop Salem. Je peux pas...

La voix d’Oliver se brisa. Déjà asséchée par la chaleur du désert, une larme s’écoula le long de sa joue pour se perdre dans sa barbe naissante.

Salem ne sembla pas s’en formaliser. Semblant au contraire savourer le silence qui s’installait à nouveau entre eux, il ajusta son stetson, avançant d’un pas vers lui. Son visage fin s'était fendu d'un sourire léger, intime :

— Tu savais comment ça finirait, Kane... Il ronronna presque, son oeil noir glissant sur la chemise d’Oliver pour s’arrêter sur l’épaisse toison rousse qu’elle laissait deviner. Mais tu as préféré fermer les yeux...

Marquant une petite pause, le bandit laissa sa main effleurer celle d’Oliver, prenant ses doigts tremblants en étau pour les porter à ses lèvres.

— ...tu as préféré fermer les yeux parce que tu m’aimes. Il poursuivit, embrassant tendrement ses phalanges abîmées.

Oliver retira sèchement sa main avec un léger mouvement de recul, sentant ses joues s’empourprer furieusement - et cela n’avait rien à voir avec la chaleur.

— J’ai cru en toi. Il souffla. J’ai cru que tu pouvais changer. Que...

Cette fois, Salem éclata de rire.

Et dans ce rire, il y avait tout.

Leur rencontre sur les rives du Salt Lake, où Oliver avait joué de sa force brute et de leur différence de gabarit pour le sauver de la noyade. Les premiers jours du printemps, quand ils avaient tous deux choisi de remonter la rivière jusqu'à Denver, leurs chants et leurs éclats de rire habillant les après-midi les plus moroses.

Et enfin, leurs soirées.

Ces moments hors du temps où les sourires se faisaient plus sérieux. Où presque instinctivement, leurs lèvres se cherchaient dans l’obscurité. Ces moments où le claquement de leurs hanches et leurs soupirs lascifs se répondaient dans une mélodie aussi sensuelle qu’impérieuse. Ces moments où Oliver vivait pleinement, sans masque ni artifices pour se conformer au reste de la société.

Cet homme au regard de nuit était tout pour lui. Et il le savait bien, malheureusement.

— Salem. Non. Souffla Oliver alors qu’il s'approchait encore, dangereux tentateur.

S'il ne faisait ne serait-ce qu'un pas de plus...

Salem eut un nouveau rire, clair, fantasque, rejetant ses boucles sombres en arrière :

— T’as dit à tout ton petit comité que t’allais te charger de mon cas, hein ? Il sourit.

Ses yeux s'étaient portés sur le revolver que le Shérif portait à la hanche. Oliver n'eut pas besoin de hocher la tête. Pas plus que de reculer encore, dans la poussière du désert.

Salem comme lui-même savait qu'il en serait incapable.

Oliver avait pourtant déjà abattu des criminels ; des bandits de grands chemins aux voleurs de chevaux. Quand ça n'était pas lui qui tenait l’arme, la condamnation à l'échafaud était de son fait. Une fois, il lui était même arrivé de tirer à bout portant, le canon de son revolver encore fumant alors que le corps du criminel abattu chutait mollement au sol, comme une poupée de chiffon.

Mais Salem...

Aussi noire soit son âme, aussi sombre ses desseins, Oliver ne pouvait tout simplement pas se résoudre à appliquer sur lui un quelconque châtiment. Même l'imaginer menotté dans la cellule du poste de Salt Lake City lui était insupportable.

— Il faut que tu partes. Il murmura.

— Que je... ?

— Fuis. J'essaierai de couvrir tes traces.

Encore une fois.

Le sourcil de Salem s’arqua légèrement. Il semblait surpris.

— Vraiment, Kane ? Tu me fais ce coup là ?

Oliver détourna les yeux, incapable de reculer, alors même que le chapeau du bandit effleurait presque le sien.

Salem. Il chuchota, plus comme une prière que comme un véritable appel.

Le concerné resta immobile, le scrutant de ses yeux sombres. Puis, passée la surprise, son fameux sourire refit son apparition, plus large encore qu'à l’accoutumée :

— Tu me demandes de partir, Kane ?

Sans quitter son sourire carnassier, le bandit s'était encore approché, à présent si proche qu'Oliver pouvait voir avec précision son visage, de ses lèvres pleines aux cils noirs et épais qui ourlaient ses paupières. Son dos, si cela était possible, se raidit encore davantage.

— Je t’en supplie. Il s’étrangla. Il faut que tu p-partes.

Le souffle lui manquait. Et cela n’avait rien à voir avec la chaleur écrasante du désert. Le souffle moite de celui qui avait été son amant frôlait presque son visage, caressant ses joues, achevant de détruire toute la hargne qu’il était parvenu à rassembler pour venir jusqu’à leur point de rendez-vous.

Salem inclina la tête de côté, comme pour savourer la supplique dans sa voix. Puis, il se pencha lentement pour formuler sa réponse, inclinant légèrement la nuque pour parvenir à la hauteur de son oreille :

— Et que feras-tu lorsque je serais parti ? Il susurra lentement, comme l’on instille un poison. Qui baiseras-tu pour assouvir tes pulsions ? Ton petit Clint Jefferson ? C’est vrai qu’il est particulièrement mignon depuis qu’il laisse pousser ses cheveux...

Oliver ferma les yeux.

Il ne voulait pas écouter.

Il ne devait pas écouter.

Mais sa main avait déjà quitté la crosse de son revolver. Molle, elle était retombée le long de son corps, symptôme de son impuissance.

— Est-ce que tu penseras à moi lorsque tu l’enculeras ? Est-ce que ça te plaira, tu crois ?

Le regard de Salem étincella. Il sentait qu’il avait touché dans le mille.

Encore une fois, le shérif de Salt Lake n’eut pas besoin de parler : ses épaules lasses et son visage marqué par le manque de sommeil étaient criants de vérité.

Salem et son fameux masque noir parti sur les routes, Oliver enfouirait ses penchants homosexuels au plus profond de lui, priant que nul homme - ou femme - ne déterre un jour son terrible secret. Peut-être trouverait-il une épouse qu’il tenterait de rendre heureuse, à qui il ferait des enfants.

Ou peut-être resterait-il seul.

La compagnie de la solitude serait plus douce que celle d’un autre que ce bandit.

— Tais-toi. Siffla Oliver. Arrête de jouer...

Mais encore une fois, Salem ne recula pas. Il fit même un nouveau pas vers lui, si proche que leurs torses s’effleuraient. Son odeur de cologne, de cuir et de tabac se mêla à celle, plus florale, d’Oliver.

— Kane... Il murmura.

Et son souffle était plus brûlant que les plaines arides du désert.

— ...si tu veux que je parte, pars avec moi.

Oliver serra les dents.

Pourquoi son cœur était-il si douloureux ?

Il n’avait pourtant qu’à dégainer. Sortir son arme, tirer là, dans la poitrine de l’homme responsable de la mort de six braves hommes sur lesquels il s’était promis de veiller. Mais inertes, comme figés, ses membres refusaient de se mettre en action. Pis encore, il sentait ses joues s’enflammer peu à peu, alors même que les lèvres charnues de sa némésis s’approchaient encore des siennes, jusqu'à presque les toucher.

Il prit une profonde inspiration :

— Tu sais aussi bien que moi que c’est impossible.

Salem étouffa un léger rire, laissant son nez effleurer le sien dans une caresse taquine.

— Et pourquoi ?

— Parce que... tu es un criminel.

Les doigts du criminel en question effleurèrent la petite étoile d’or épinglée sur le revers du veston d’Oliver.

— Tu mens. Il murmura tout bas.

Puis dans un geste presque marqué par l’habitude, sa main se referma possessivement sur sa nuque, l’attirant dans un baiser aussi brûlant qu'inattendu.

Oliver aurait voulu résister.

Mais même s'il savait qu'il se condamnait une fois de plus à la damnation, son corps tout entier entra dans la danse.

Traîtresses, ses mains se referment en étau sur les hanches de Salem, l'attirant plus près de lui encore, comme pour pouvoir mieux le dévorer.

Oliver Kane, Shérif de Salt Lake City, se laissait consumer.

Une fois de plus.

L’étreinte ne fut ni douce, ni tendre cependant.

Les lèvres de Salem, fébriles, malmenaient les siennes, mordant jusqu'à faire saigner. Tout aussi avides, ses mains avaient quitté sa nuque pour venir courir le long de son veston, tirant dessus pour laisser sa peau trop pâle s’embraser sous les rayons du soleil brûlant.

Un baiser brutal.

Un duel sans armes, au goût de sang et de sel.

Ne résonnait dans le désert que leurs soupirs, leur respirations de plus en plus lascives alors même que le masque que s’était construit Oliver s'effritait sous le vent, ne laissant qu’un homme désespéré, pendu aux lèvres de son amant.

— Salem... il murmura entre deux baisers, la bouche tâchée de rouge, comme un fruit trop mûr.

Le souffle erratique du bandit lui répondit en écho. Presque fiévreuses, ses mains avaient glissé de sa chemise ouverte à sa ceinture, cherchant déjà à aller plus loin, plus vite, plus fort, à le consumer tout entier. Poursuivant leurs baisers toujours plus impérieux, ses lèvres avaient dévalé l’angle de sa mâchoire pour venir jouer avec la cicatrice qu’il portait à la gorge - souvenir du Saloon de Salt Lake City.

— Salem...

Mais Salem ne s'arrêta pas.

Il ne s'arrêterait jamais.

Déjà, son baiser n’était plus une caresse. Ses mains n’étaient plus si joueuses.

Il l’exigeait.

Avide de lui, comme un démon venu se repaître de sa chair, il martyrisait son cou avec dévotion, y imprimant une morsure brûlante qui se mit à saigner immédiatement. Avec un gémissement - de plaisir ? de douleur ? il ne savait plus - Oliver sentit son corps rendre définitivement les armes. Sa chemise, ouverte, exposait maintenant aux mirages du désert son torse pâle, couvert des cicatrices que Salem connaissait déjà par cœur, et qu’il dévora avec délectation.

Ses mains ?

Elles étaient partout. Tantôt à maltraiter ses mamelons déjà irrités par sa chemise trop rêche, tantôt à venir se perdre dans sa toison rousse, tirant juste assez pour le faire gémir.

— T’as toujours été à moi. Souffla Salem contre son oreille, la voix brûlante. Et tu seras toujours à moi.

Le corps en fusion, Oliver ne put qu'acquiescer. Ses propres mains s’étaient refermées autour des hanches de son criminel d’amant, tirant maladroitement sur le cuir sombre de sa ceinture - et il ne savait plus s’il s’agissait de le repousser ou de l’attirer plus près encore.

Contre lui, ce corps qu’il désirait tant était une véritable fournaise. Même sous le tissu plutôt épais de sa chemise, il sentait la chaleur de sa peau, fiévreuse sous le soleil, qui l’appelait à définitivement perdre la raison.

Contre son cou, le souffle de Salem se faisait de plus en plus rauque.

Lui aussi commençait à perdre pied.

Son stetson noir glissa alors qu’il inclinait la tête en arrière, libérant ses boucles noires et épaisses - ces mêmes boucles qu’Oliver avait tant de fois aggripées dans ses instants de jouissance. Ses yeux, joueurs de prime abord, devenaient de plus en plus flous, embués par un désir vorace, pulsionnel.

— À moi... il murmura.

Habiles, ses mains se glissèrent le long du blue jean du shérif de Salt Lake City, franchissant la barrière de sa ceinture pour attraper ce qui se trouvait entre ses cuisses. Sentant sa virilité ainsi prise en étau, Oliver laissa échapper un léger gémissement qui se répercuta en écho dans la plaine déserte, presque comme un cri de bête blessée.

— Salem... tu dois partir. Tu ne peux pas...

— Jamais je ne partirai Kane. Jamais. T’as besoin de moi. Autant que j’ai besoin de toi. Répondit Salem avant de réclamer à nouveau ses lèvres, les mordant sans vergogne.

Oliver ferma les yeux.

Le goût métallique de leurs sangs mêlés, celui-là même qui l’avait tant électrisé autrefois, devenait amer.

Bien sûr.

L’idée même d’une fuite immédiate, là, sur le grand étalon noir que possédait Salem était plus que tentante. Cavaler des heures durant, dépasser les plateaux rocheux de l’ouest, lui tenant les rennes, Salem contre lui, les cheveux battant au vent. En trois ou quatre jours, ils gagneraient les côtes verdoyantes du pacifique. À McKinleyville, peut-être pourraient-ils tout recommencer. Lui deviendrait cowboy. Salem, avec son esprit affûté et cultivé, pourrait prétendre à une carrière plus prestigieuse que celle de simple bandit de grands chemins.

Pars avec moi. Lui susurra Salem, comme s’il avait lu dans son esprit.

Oliver secoua la tête, laissant échapper un nouveau gémissement. Contre son entrecuisse, les mains de son amant se faisaient de plus en plus pressantes, enserrant sa hampe encore prisonnière dans le tissu de son jean, comme pour l’obliger à rendre les armes.

Mais contre la ceinture de Salem, ses propres mains n’étaient plus si pressantes. De même, son esprit semblait enfin sortir de son brûlant mirage.

A présent, c’était le vertige de la lucidité qui prenait corps.

Et contrairement à ce futur fantasmé, la vision des hommes de Salt Lake n’avait rien d’un doux mirage. Elle appartenait au réel. De même que leurs corps calcinés, figés dans une souffrance si terrible que le diable lui-même n’aurait su leur infliger.

Mais Black Mask s’était rendu coupable de ces exactions.

Salem s’était rendu coupable de ces exactions.

Et pourquoi ?

Le souffle court, Oliver sentit sous ses doigts le contact du métal du revolver que Salem portait toujours à sa ceinture. Malgré la fournaise du désert, l’arme était étrangement froide. Sa poignée gravée de symboles floraux, trop délicats pour un engin dont le rôle était de donner la mort, semblait l’appeler.

— Kane... Tout sera plus facile si tu viens avec moi... Murmura Salem, l'œil brillant.

Il ne semblait pas s’être rendu compte du changement d’attitude d’Oliver. Toujours plus malicieux, ses doigts fins jouaient avec la boucle de sa ceinture dans l’espoir de la faire céder pour ensuite - comme toujours - le faire céder.

— ...tu auras ta place au camp. Il poursuivit. On baisera comme des chevaux chaque soir, et personne n’aura rien à redire. Parce tu seras putain de libre.

— Au camp... ?

— Avec mes hommes. Contrairement à ton Jefferson, ils se fichent de qui t’as envie de baiser. D’aimer.

Oliver sentit son coeur se serrer.

« Mes hommes ».

Aussi douces étaient ses promesses... Salem était Black Mask.

Trouvant naturellement sa place dans le creux de sa main, l’arme du bandit glissa de son holster. Silencieusement, le barillet déjà chargé roula sous ses doigts.

Il prit une profonde inspiration.

— ...Kane ?

Mélange de désir et d’impatience, la voix de Salem tremblait légèrement.

Il semblait avoir perçu la légère raideur dans la posture de son amant.

Ce dernier ouvrit les yeux, lentement, laissant ses iris clairs se gorger de soleil alors que ses pupilles se rétractaient, comme celle d’un prédateur ayant repéré sa proie.

— Tu as raison. Il souffla après un court silence.

Raison ? Répéta Salem en penchant la tête de côté, un petit sourire en coin. Bien sûr que j’ai raison.

Et ses doigts, agiles, parvinrent enfin à faire céder la ceinture d’Oliver qui sentit son blue jean s’affaisser légèrement sur ses hanches.

Mais cette fois, le shérif de Salt Lake City ne laissa pas l’incendie prendre le pas sur sa raison.

La main toujours crispée sur l’arme de Salem, lourde dans son poing, il fit un pas en arrière, suffisamment court pour garder la chaleur de son amant à ses côtés. Mais suffisamment long pour pouvoir enfin poser le canon gravé du revolver là, contre sa poitrine.

Le sourire de Salem, qui s’était presque élargi, victorieux, fondit.

Ses grands yeux sombres, plus noirs que la plus froide des nuits d'hiver, s’arrondirent.

De surprise.

D’incompréhension.

De peur, peut-être.

Oliver déglutit, étouffant les larmes qui commençaient à monter :

— J’ai promis au Marshall Kynes que tu ne serais plus un problème. Il souffla. Mais je...

— Kane. Range cette arme.

— ...je... tu sais aussi bien que moi que je ne peux pas vivre sans toi. Que si tu pars... je pourrais pas continuer.

— Kane. Répéta Salem en levant doucement les mains, dans un geste d'apaisement qui n’eut pas vraiment d’effet.

Oliver fit cliqueter le chien de l’arme sous son pouce, laissant son index glisser le long de la détente. Sur ses joues, la rougeur du désert avait laissé place à des larmes épaisses, presque trop lourdes, qui dévalèrent ses joues pour venir se perdre dans sa barbe naissante.

— ...Je t’aime. Il murmura. Tu sais que je t’aime...

Sa voix s’éteignit. Dans les yeux de Salem, agrandis par la peur, semblait miroiter la promesse d’un avenir radieux, de nouvelles soirées passées au coin du feu, à s’enlacer, avec pour seuls complices les montagnes de Salt Lake...

Puis l’ombre de Black Mask.

Les convois bancaires attaqués chaque semaine et leurs blessés. Les petits bourgeois qui voyaient l’honneur de leurs femmes et filles souillées par la horde de ce bandit sans foi, ni loi. La simple terreur qu’évoquait son nom, comme l’on évoque un démon.

Son doigt pressa la gâchette avant même qu’il ne puisse contenir son geste, le recul de l’arme lui arrachant un léger sursaut.

BANG.

Le coup de feu explosa dans le silence ardent du désert.

Salem ne tomba pas immédiatement.

Il tressaillit d’abord.

Frappé de stupeur, son regard glissa sur le canon fumant du revolver, comme pour s’assurer qu’il avait bien tiré. Puis, molles, ses mains quittèrent la ceinture d’Oliver pour se porter à sa poitrine, où une tâche rouge filait déjà dans le lin de sa chemise.

Il hoqueta.

Vif, brillant sous le soleil, le sang vint tâcher ses doigts, pressés contre sa poitrine dans l’espoir de retenir la vie qui s’en échappait.

Oliver resta immobile.

L’arme en main, le souffle court, il observa Salem tomber à genoux dans la poussière.

— O-Oliver...

— J-Je suis désolé. Il murmura. Tu as dit toi même que... que ça se finirait comme ça.

Salem tremblait à présent. Ses lèvres, encore rougies par les baisers, se tâchèrent de rouge alors qu’il se mit à tousser, tâchant les bottes de son vis-à-vis.

— O-Oliver... o-on aurait pu... Il hoqueta.

Il ne put finir sa phrase, prêt à tomber face contre terre. Son regard, déjà vitreux, se tourna vers Oliver, suppliant. Le cœur au bord des lèvres, ce dernier osa enfin poser genou à terre, glissant un bras autour de sa taille pour le ramener vers lui.

— C’est fini. Il murmura doucement, effleurant ses lèvres tremblantes. C’est fini maintenant.

Blotti dans le creux de ses bras, Salem s'affaissa de côté, sa tête devenue lourde peinant à rester droite.

— Je... je t’aime Oliver Kane... Il murmura, à peine audible.

Et maladroitement, il leva la main, la glissant une dernière fois autour de sa nuque avant qu’elle ne retombe, inerte.

Oliver sentit son corps mollir entre ses bras.

Le désert venait de cueillir le dernier souffle de l'amour de sa vie.

Le dernier souffle de son ennemi le plus mortel.


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𝐃𝐢𝐱 𝐚𝐧𝐬 𝐩𝐥𝐮𝐬 𝐭𝐚𝐫𝐝

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— P’a ! Télégramme !

Oliver leva un regard flou vers le jeune garçon qui venait d’entrer comme une petite furie dans son bureau, ses boucles rousses ébouriffées par la folle course qu’il avait du faire depuis le poste de télécommunication de la ville.

— Des nouvelles de Denver ? Il demanda en se redressant légèrement pour récupérer le message.

— Oui ! Lis-le ! Lis-le ! S’exclama le petit messager en battant des mains.

L'œil clair d’Oliver glissa le long de son visage juvénile, tendant la main pour essuyer la petite tâche de ragoût à la tomate qu’avait laissé leur repas du midi sur sa joue constellée de tâches de rousseur.

— Dis moi bonhomme... t’étais pas censé aider maman au lavoir aujourd'hui ? Il murmura en ébouriffant ses cheveux dans sa grande main.

— J’aime pas le lavoir... grommela le petit garçon en croisant les bras. Ça sent fort et le savon pique les mains !

Oliver eut un petit soupir fatigué, ajusta le col de chemise du garçonnet, puis reporta son attention sur le message, légèrement froissé par le transport.

« Arrestation. Huit hommes. Revendiqués Black Mask. Procès imminent. Présence requise pour témoignage. Marshall L. Kynes ».

Oliver prit une profonde inspiration.

Black Mask.

Voilà un nom qu'il n’avait pas lu - ou entendu - depuis de longues années. Il le retourna quelques instants dans son esprit, laissant son regard vagabonder un court instant entre la porte et la fenêtre de son bureau.

Comme si un spectre allait prendre forme.

Le spectre de celui qu'il avait abattu à bout portant, alors même qu'il était désarmé, les yeux agrandis par la terreur et l’incompréhension.

Le spectre du seul homme qu'il n’avait jamais aimé.

Le spectre de Salem.

Celui pour qui il avait récolté tous les honneurs. Et qui lui avait valu la promotion au rang de Marshall.

— P’a ? Fit le petit garçon en tirant sur sa manche. Ils ont attrapé des méchants ?

— Oui. Murmura Oliver en écho. Ils ont attrapé des méchants.

— Yipee !

Fou de joie à cette annonce ( et grand fan de toutes les histoires touchant aux bandits et autres criminels) le petit rouquin fit mine de tirer en l'air avec ses doigts, avant de sauter sur les genoux de son père qui lui offrit ses bras, singeant un sourire.

Black Mask...

Il ne savait même pas que ses hommes lui étaient restés fidèles. Sans doute avaient-ils dû se terrer toutes ces années dans les montagnes rocheuses, vivant de petits larcins en se faisant discrets. Pour survivre, ils avaient dû abandonner le flamboyant des crimes de Salem pour devenir des ombres.

— Ils ont attrapé qui P’a ?! Tu vas aller à Denver ?! Je peux aller avec toi ?!

Oliver eut un léger sourire. Presque sincère.

Seul Jesse était capable de chasser les nuages.

Né huit ans plus tôt, par une froide une matinée d’hiver, le garçon avait été son petit miracle. Des ses premiers cris, ce gamin - alors blotti dans les bras de sa mère - était parvenu à le faire sortir du brouillard qui l’habitait depuis la mort de Salem.

Jesse.

Son Jesse.

Plus que son mariage à la teinte lavande partagé avec la désormais nommée Billie Kane, c'était lui qui avait fait lever un nouveau soleil sur sa vie. Lui et sa chevelure rousse enmêlée, avec ses grands yeux bruns et sa langue bien pendue. Avec lui, tout avait repris du sens. Les matinées automnales, habitées par la brise. Les longues soirées d’hiver, où le soleil partait se coucher avant tout le monde. Les après-midi printanières dédiées au travaux du jardin. Les douces journées d'été.

Avec ce petit bout d’homme à ses côtés, la vie avait repris des couleurs. Plus ténues, moins vives qu’auparavant, mais des couleurs quand même.

— Oui, on ira à Denver tous les deux, bonhomme. Il murmura.

Jesse poussa un petit cri joyeux.

— T’es le meilleur P’a !

Et déposant un baiser bruyant sur la joue de son père, il sauta à pieds joints sur le sol avant de partir en courant, lançant à la volée :

— J’vais prévenir maman !

— Profites-en pour lui donner un coup de main...

Peu convaincu par ce conseil, le petit Jesse fit une légère grimace avant de disparaître, laissant derrière le son mat de ses petites bottes sur le parquet.

Le silence s’installa.

Les coudes sur le bureau, Oliver laissa enfin son corps s'affaisser, ôtant le masque paternel qu'il avait vite enfilé à l'arrivée de son fils.

La tête entre les mains, il poussa un long soupir, comme s’il y avait la moindre chance que cela évacue l’anxiété qui l’avait saisi à la simple lecture du nom Black Mask.

Tout allait bien.

Il n'y avait aucune raison de paniquer.

Aucune.

Le spectre de Salem ne devrait pas venir hanter ses journées - à défaut de hanter ses nuits.

Sur la route de Denver, nulle silhouette aux cheveux bruns et au timbre chantant ne leur barrerait la route.

Ils remonteraient le long du grand lac salé qui bordait la ville, avant de bifurquer vers les montagnes rocheuses. Jesse prendrait la petite jument de sa mère. Lui l’étalon noir qu’il avait ramené du désert profond, dix ans auparavant. Bien sûr, Jesse poserait mille questions. Sur la couleur du ciel, sur l’odeur de la poussière. Sa petite voix fluette, emprunte des accents de l’enfance, rythmerait le voyage.

Relevant enfin la tête, Oliver se surprit à sourire. Dans le petit bibelot de cuivre suspendu au-dessus de sa fenêtre, il osa même croiser son reflet.

Celui d’un homme d’une quarantaine d’années, aux visage marqué par la fatigue et les longues chevauchées. Ses cheveux, encore flamboyants, avaient été coupés courts quelques semaines auparavant par Bille, et commençaient déjà à tomber sur son front en mèches éparses, légèrement ondulées. Sa chemise, ouverte sur deux boutons, laissait toujours entrevoir l’épaisse toison rousse qui s’était épaissie sur son torse au fil des années, montant presque à sa gorge.

Mais aussi débraillée soit son apparence, aussi froissée soit sa chemise et sale l’étoile d’or qu’il portrait sur la poitrine quelque chose s’était rallumé.

Là, dans ses yeux pâles. Une lueur infime, qu’il croyait éteinte depuis des années.

L’espoir.


Et voici pour moi 🤠 un petit texte aux accents bien dramatiques, inspiré par l’excellente chanson d’Orville Peck, Curse of the Blackened Eye. J’espère qu’il vous a plu !

Pour une fois, j’ai décidé de fermer un peu la fin de cette romance en proposant une petite conclusion un peu douce pour notre très cher Oliver. Cela rallonge un peu le texte, bien entendu, mais il me fallait quelque chose pour rendre cette histoire un peu réconfortante. Il faut dire que l’histoire de Salem et Oliver tourne depuis pas mal de temps dans ma tête en vérité, et ce défi est incroyablement bien tombé pour me motiver à la mettre en mots 🤍

Et pendant l’écriture ? Un peu (beaucoup) de Orville Peck, du Bille Eillish, bref, je me suis mis en dép farwestienne pour écrire ૮(˶ㅠ︿ㅠ)ა

Enfin bref, je parle beaucoup beaucoup comme d’hab à la fin de mes histoires, mais dans tous les cas, n’hésitez pas à me dire si elle vous a plu 🤍💬

Merci encore d’avoir lu 🤍

~ Myno

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