Une salle. Des fleurs. Des chaises en rangs. Des gens vêtus de noirs. Des larmes. Une estrade. Un monsieur, sa cravate. Un cercueil.

Des funérailles. Un enterrement.

Et tout derrière, de chaque côté de la porte, un ange aux ailes blanches, un démon aux ailes noires. Celui-ci prit la parole en premier.

— Leuviah, de la Colère, ancien de l’Espérance, tentateur.

— Omael, de la Tempérance, gardien.

Le démon lissa une de ses plumes. Ils ne se regardaient pas.

— Pas de l’enfant, je suppose.

L’ange remit une mèche derrière son oreille. Ils s’ennuyaient.

— Non. De la sœur de la mère. Des années qu’elle essaie d’avoir un enfant avec son époux. Elle L’a prié, si fort, chaque jour, sans jamais douter. Elle est enceinte depuis trois mois. Elle voulait le lui annoncer la semaine dernière. Mais…

Il poussa un soupir.

— Et toi ?

— Son père a maudit Sa Déité d’une telle rage que je suis venu voir. Il est prêt à vendre son Diable, si nous lui ramenons son bébé. Mais nous ne faisons pas dans les miracles.

Sur l’estrade, le monsieur en cravate laissa place à une madame en escarpins. Elle avait écrit des mots sur une feuille de papier. Elle les lit, ses mains tremblant autant que sa voix. Elle avait les yeux si embués de larmes qu’elle les devinât plus qu’elle ne les lisait.

Tu as eu ce que nous recevons tous.

Une vie.

Une vie avec un début, une vie avec une fin.

La tienne fut particulièrement courte.

Mais tu as été adoré, désiré, choyé.

Tu as connu la douceur du lait et des berceuses ; la chaleur d’un foyer et du soleil ; la tendresse de tes parents et de leurs câlins.

Et cela est bien plus que ce que n’ont eu bien des gens.

Elle marqua une pause, lâcha sa feuille. Elle osa enfin regarder devant elle.

Ta mère t’aime. Ton père t’aime.

Et c’est un amour, qui lui, ne finit pas.

Un homme et une femme sanglotaient très fort, au premier rang. L’ange s’agenouilla devant eux. Il prit leurs mains dans les siennes. Les parents ne le sentirent pas, mais ils sentirent sa compassion les traverser.

— Vous n’avez rien fait de mal. Parfois, il arrive que les bébés meurent.

Le démon se pencha vers eux Il leva ses ailes au-dessus d’eux. Les parents ne le virent pas, mais ils sentirent sa compréhension les envelopper.

— Ce n’est la faute de personne ici-bas. Cela mérite toute votre Colère.

Les humains se levèrent. Les deux êtres s’écartèrent pour les laisser passer. Les enterrements étaient pour les mortels. Ils honoraient de ce qui avait été. Anges et démons étaient immortels. Ils remémoraient ce dont ils avaient été privés.

— Ce bébé aurait pu, rappela doucement Omael, haïr, détruire, perdre. Être colérique, orgueilleux, luxurieux, paresseux, gourmand, avare, envieux.

— L’enfant aurait pu, sourit amèrement Leuviah, aimer, créer, sauver. Être plein de foi et d’espérance, charitable, juste, fort, prudent, tempérant.

Ils regardèrent les humains, les uns après les autres, se recueillir une dernière fois.

— Un si petit cercueil, pour enterrer tant de possibilités, fredonna presque l’ange.

— Un si grand berceau, vide, parce que c’est ainsi et c’est tout, conclut le démon, sans appel.

Leuviah ne suivit pas le cortège funéraire en dehors de la salle. Il dit au revoir à Omael. Avant de sortir, Omael rendit son salut à Leuviah, répondant à l’Apocalypse, s’ils ne se revoyaient pas avant.