-7 Eva,

Te souviens-tu lorsque maman nous disait ; Toutes bonnes choses ont une fin ? Je te demande car ce matin, à la télévision, ils ont annoncés qu’il ne nous restait que sept jour. Une semaine. Cent soixante-huit heures, dix mille quatre-vingts minutes et six cent quatre mille huit cents secondes. De gros chiffres pour si peu de temps.

J’ai peur. Je dirais même que je suis terrifiée. Chaque jour j’observe le ciel et j’essaie de déceler le moindre changement. Est-il moins bleu ? Plus sombre ? Plus chaud ?

Papa m’engueule et m’oblige à arrêter ça. Il est aussi paniqué que moi en réalité. Il veut pas le montrer, mais ça se voit dans ses gestes. Il passe trop souvent la main sur son visage en soupirant, il ne tient plus en place et sa jambe bouge tellement qu’elle provoque à elle seule un tremblement de terre.

C’est pas faute d’avoir prévenu, pourtant. Tu parlais souvent du réchauffement climatique, de la pollution, des catastrophes naturelles de plus en plus fréquentes…

Tu t’égosillais presque.

Tu nous avais prévenus.

« On va tous mourir ! »

Eva, tu avais raison, putain.

-6 Eva,

Ce matin, maman pleurait.

Elle a essayé de me le cacher, mais c’était peine perdue. J’ai vu ses yeux, ses joues trempées.

J’ai hésité à la prendre dans mes bras, puis je me suis ravisée. Rien ne pouvait effacer sa peine, pas même ton retour. Cela signifierait te perdre une seconde fois.

Eva, je n’ai plus peur. Je crois. Ou peut-être juste un peu. J’en sais rien. J’observais encore le ciel ce matin. Il s’est assombri. Aux informations ils ont dit que l’Amérique disparaissait, doucement mais sûrement. En France on a surtout des tempêtes, des inondations… C’est moins terrifiant, je trouve.

Ce midi, papa a parlé de toi.

Maman et moi n’avons rien dit.

Il répétait en boucle que tu étais intelligente, en avance sur tout le monde.

Il a levé les yeux au ciel et a murmuré que toi, tu aurais pu nous sauver.

Je suis d’accord, tu aurais pu…

Et tu as essayé.

-5 Eva,

La température augmente.

La météorite approche.

On dit que la nature reprend toujours ses droits, elle a raison. On l’a suffisamment détruite, c’est à nous de nous éteindre désormais.

Finalement, nous sommes les dinosaures du XXIe siècle. Sauf qu’eux, devaient être bien plus respectueux.

C’est dingue, l’Ego de l’Homme. On se croit tout permis, on est persuadé que le monde nous appartient alors que nous ne sommes rien dans cet univers infini. Absolument rien. Nada.

Je commence à comprendre pourquoi tu es partie, Eva.

J’aurais fait pareil, à ta place.

-4 Eva,

Papa s’est pendu.

Papa est mort, Eva.

Il est mort.

Les hurlements de maman m’ont réveillé.

Pour une fois ce n’est pas le ciel que j’ai vu en premier.

C’est son corps flottant dans sa chambre. Son visage terne.

Il n’a laissé aucun mot.

Il est parti comme toi.

Volontairement.

-3 Eva,

J’angoisse. Et si maman décidait de mourir elle aussi ? Je veux dire… avant la vraie fin, dans trois jours.

Je n’arrive plus à penser correctement. Je pleure dans ma chambre et je ne mange plus. Ma santé n’est plus une inquiétude. On va crever.

Maman est venue me voir pour me demander comment j’allais. J’ai trouvé sa question stupide sauf qu’elle est tellement triste que je n’ai pas pu l’envoyer bouler. J’ai répondu « ça va…comme une fin du monde. »

Ce matin le ciel était noir.

Plus aucune source de lumière.

Plus personne ne sort de chez soi.

Le monde est déjà vide.

Nous sommes déjà morts, en quelque sorte.

-2 Eva,

L’alarme de la ville a sonné.

Ça y est.

On nous prépare officiellement à la mort.

Que va-t-il se passer, concrètement ?

On ne sait pas.

Toi Eva, tu me l’aurais expliqué point par point, étape par étape.

La seule chose dont je me souviens c’est quand tu as dit ; « Ça se fera rapidement, on aura pas le temps de dire ouf »

Ouf.

Ouf.

Ouf.

Tant que j’ai encore le temps.

J’espère que papa va bien.

Que vous vous êtes retrouvés.

On se voit après-demain, hein ?

-1 Eva,

J’entends les voisins hurler et pleurer.

Il ne se passe rien encore, ou presque.

On a eu un tremblement de terre cette nuit. Magnitude six. On a plus d’électricité et plus d’eau. L’Amérique n’existe plus et les autres continents se détachent petit à petit.

Plus elle approche, plus il y a de catastrophes.

Il y a quelques années, on avalait les discours du gouvernement quand ils parlaient de vivre sur Mars. J’ai un rire nerveux en y pensant.

Tout le monde y a cru.

Même toi, Eva.

Tu assurais fermement qu’avec l’avancée de la NASA, nous serions sains et saufs. Tu m’avais rassurée ce jour-là.

Demain je meurs.

Demain je pourrais te dire pour la première fois : Tu avais tort.

0 Eva,

Ouf.