Étoile déchirée
(note : je pensais juste écrire quelques lignes, mais l’histoire réclamait toujours plus et encore plus et heuu, même en limitant pas mal pour vite terminer, ça va être long ! dsl, je n’arrivais pas à finir. Vous voilà prévenu. Je prends quelques libertés ici et là avec le Lore, merci de ne pas hurler. Pour l’univers, il s’agit de Battletech.
info pour la lecture, les texte entre les guillemet sont des textes écris sur le papier de la lettre au début ou des écrans plus tard, à différencier des textes en ittallique, véritable cri intérieur du personnage devenu fou, se prenant pour un héros, moi quoi.
Les illustrations ne sont pas de moi mais proviennent d’un wiki de la comunauté. )
Devant moi, il n’y a que la surface plane d’un bureau sur lequel repose une lettre, pliée à la main. Bien visible, au beau milieu, il y a ces mots écrits dessus.
« lisez-moi »
J’avance la main pour m’en emparer puis me fige, interdit. C’est que cette main-là tient un pistolet. Très prudemment, je le pose sur le bureau pour faire échange avec le papier, que je déplie rapidement. L’écriture manuscrite n’a rien d’élégante, mais chaque lettre est clairement déchiffrable, ce qui est déjà pas mal de mon point de vue. Avec un retard, je me fais la réflexion que je ne connais pas la langue dans laquelle est écrit le texte. Je ne devrais pas pouvoir la lire, pourtant, le sens des mots me vient naturellement dès que je pose les yeux dessus.
« Si tu lis ceci, c’est que tout se passe comme il le faut. Dans un premier temps, j’apprécierais que tu poses ce pistolet si tu le tiens encore. Moi je sais m’en servir, mais toi, aucune idée. Il serait trop bête d’avoir préparé tout ça pour que tu gâches tout en te tirant une balle par accident dès la première minute. »
Je fixe ledit pistolet un moment, puis secoue la tête avant de revenir au texte.
« Mes parents étaient superstitieux, à ma naissance ils m’emmenèrent consulter maints voyants et autres prophétesses pour avoir un aperçu de mon avenir. L’une de ces personnes leur déclara que je serais aux centres d’événements qui iront révolutionner notre univers et notre mode de vie, rien que ça. Mais aussi que celui qui réalisera tout cela sera moi, sans être moi. Évidemment, ils ne comprirent pas ce qu’elle voulait dire par là, ni moi non plus jusqu’à récemment. Mais tout fait sens si l’on se dit que c’est toi et non moi qui accompliras tout cela.
Tiroir de droite, le miroir, jettes-y un œil »
Je cligne un rien des yeux à cette lecture puis faits comme demandé, tournant le petit rectangle de métal et verre, purement utilitaire, entre mes doigts sans trop savoir quoi en faire. Jusqu’à ce que, quelques secondes plus tard, je comprenne que celui ayant écrit ces mots veut que je me regarde dedans.
Je bloque sur cette idée-là, surtout après ce que je viens de lire. En tout cas, je sais déjà que je ne vais pas apprécier des masses ce que je vais bien pouvoir voir dans ce miroir. Puis je m’exécute en soupirant.
Effectivement, le vilain bonhomme qui me fixe sans ciller par delà l’objet n’a que peu de choses en commun avec le sale type dont j’ai l’habitude. Un visage carré, sans un poil de trop. Un nez droit encadré de petits yeux noir bien enfoncés dans leur orbite, surmonté de sourcils quasi inexistants. La bouche est fermée par un pli amer. Il doit avoir la trentaine. Ah ! Il est chauve aussi, enfin presque, il a moins d’un centimètre de cheveux sur le crâne. Erk ! Puis je me rappelle que c’est moi qui me regarde dans la glace. Double erk !
Ne pas réfléchir pour l’instant, continuer la lecture !
Avec quelques réticences, j’échange le miroir pour le bout de papier.
« Bon, maintenant, on va accélérer un peu les choses. Vois-tu, je n’aime pas des masses ma vie, et ça, je m’en suis assuré avec le pistolet que tu devais tenir. »
Je jette un autre coup d’œil à l’arme en question avant de frissonner légèrement. Qu’est-ce à dire ? Qu’il s’est explosé le crâne et qu’il a guéri comme par magie quand je suis entré en scène ?
C’est quoi ce setting débile de Fantasy ?
Je lâche un soupir puis je reprends la lecture.
« Ne me demande pas, je ne sais pas trop en détail non plus comment tout ça fonctionne, les pourquoi et les comment. J’ai toutefois eu la preuve flagrante que tout se passait comme prévu pour me décider à me lancer dans cette histoire. Et puis après tout, j’ai toujours souhaité partir de manière grandiose alors si en plus ça peut aider des tas de gens, moi ça me suffit. Je n’avais pas envie non plus de traîner dans le coin très longtemps, avec ou sans toi dans la balance pour tout dire. »
Ne pas réfléchir, vraiment pas !
« Donc maintenant, tu es ici et moi, je suis là où je voulais être, c’est tout ce qui compte ! Tout ce qui te reste à faire, toi, c’est accomplir ce qui doit être, jouer au héros et tout ça. Je crois comprendre que tu as des connaissances sur notre monde.
Pherkad, federated commonwealth, 3065.
J’espère pour toi que c’est vrai, enfin bon, c’est ton problème désormais. Oh ! Comme j’ai toujours douté de la bienveillance naturelle des gens, ou des grands sentiments désintéressés, j’ai en quelque sorte pris une assurance. Il s’agit pour moi d’avoir la certitude que tu effectues le premier pas de toi-même, par simple désir de survie.
Ça, on peut presque systématiquement compter dessus. Sauver sa peau c’est quasi universel. Y compris pour moi, neuf jours sur dix.
Vois-tu, quinze minutes avant de me faire sauter le crâne, j’ai dépensé ce qui me restait de fortune pour qu’en ce moment même, soit diffusé sur tous les canaux possibles, un message. J’y annonce et exhorte l’ensemble des gens de bonne volonté sur Pherkad, à prendre position contre Katrina Steiner pour soutenir son frère Victor. Si j’étais toi, je ne traînerais donc pas par ici très longtemps. »
L’espèce de… ! Pas maintenant, encore trois lignes à lire !
« En face, sur la gauche, au fond du couloir, tu auras une porte, le code est 843 591. Elle te mènera aux hangars de mon domaine et à ma machine personnelle, un warhammer 7S, il devrait te plaire autant qu’a moi, enfin, si tu sais piloter ? J’espère pour toi en tout cas. Comment sinon pourrais-tu devenir un grand héros et tout ça ?
Le code de déblocage est « Étoile déchirée ». J’ai programmé le reste des instructions une fois que tu l’auras démarré. Alors bonne chance p’tit gars ! »
J’ai à peine fini de lire le dernier mot que je suis déjà en train de courir vers le couloir dont il parlait. Pour mieux revenir 5 secs plus tard, ramasser la lettre et repartir dans l’autre sens. Comme si j’étais capable de retenir un code à six chiffres en pleine panique. Cinq secs plus tard, encore, je fais à nouveau demi-tour, cette fois-ci, je prends le reste des objets sur le bureau, à savoir, le pistolet et le miroir. Le premier pour son utilité évidente, le second, parce qu’il était là et que j’avais une seconde poche vide.
C’est lorsqu’il a mentionné Katrina et son frère Victor que tout s’est mis en place dans ma tête.
Mais qui a bien pu songer à une histoire aussi pourrie ! C’est nul ! C’est foireux ! Ridicule ! Un mix de P.K.Dick à la sauce isekai jap ? Aaargh !
Pourquoi ? Comment ? Pas le temps d’y penser. Je suis là, ça me semble vrai, je suis moi dans ma tête enfin, je crois…
L’important, c’est que ce cinglé vient de se déclarer en faveur de Victor, frère en exil forcé si l’on peut dire de Catherine Steiner, actuelle dirigeante d’un bon tiers de l’univers connu. Le problème avec madame c’est que ces opposants disparaissent miraculeusement sans laisser de traces. Des plus hauts chefs politiques aux moindres journalistes. Toute dissidence est détruite par le vide. Comment se peindre une cible sur le front. L’espèce de cinglé ! Enfin… mon front maintenant !
En fait, je suis devenu dingue et je me contorsionne en tout sens sur une chaise, portant une jolie chemise blanche qui s’attache dans le dos, arborant un air dément avec la bave aux lèvres. C’est quoi l’alternative ? Je n’ai même pas souvenir d’avoir fait connaissance avec truck kun. Je suis en pleine hallucination chez les fous.
Ça devait forcément arriver aussi à force. SAN trop basse ! Envoyez les hommes en blanc ! Enfin bon, voyons jusqu’où le délire se poursuit un peu tant qu’à faire ! C’est toujours mieux que se baver dessus !
Allez Hophop met toi dans l’ambiance là ! Ton corps bouge tout seul façon zombie en plus, pendant que tu pleures sur toi-même comme un gros bébé ! On en veut à ta vie, arrête de réfléchir, fonce !
Me voilà à la porte, déchirant à moitié la lettre dans ma précipitation pour y retrouver le code. Mais je me rends compte que je n’en ai pas réellement besoin, mes doigts semblent agir de leur propre volonté pour taper les quelques chiffres sur le petit boîtier de contrôle. Mémoire musculaire et tout le blabla de ce genre ?
Plus tard, plus tard !
La porte s’ouvre et je dévale quatre à quatre les marches de l’escalier en ferraille situé juste derrière. Il débouche directement sur la baie d’amarrage ou repose le Mech. J’ai l’impression d’être shinji face à l’Eva pour la première fois. La flotte noyant le hangar et la bakélite en moins.
Je reste bloqué au niveau de la passerelle se terminant par le cockpit de l’énorme robot. Un warhammer, plus de 10 m de hauteur, 70 tonnes au bas mot, alimenté par un réacteur à fusion. Machine de combat humanoïde, le roi des champs de bataille en cette bonne vieille année… 3065 il a écrit. Aah, la guerre civile FedCom.
Je vois le sol entre mes pieds, au travers de cette espèce de grillage métallique formant la passerelle, loin, loin en contrebas, je devrais avoir le vertige, mais je ne l’ai pas. Étrange. Il n’y a rien d’autre dans la pièce que ce robot géant dans son berceau.
Je me retrouve devant le cockpit sans trop savoir comment, tirant sur la manette d’ouverture, et m’installant sur le siège du pilote sans réellement comprendre ce que j’étais en train de faire.
Machinalement, j’appuie sur quelques boutons, par pur automatisme et les écrans s’allument un par un, mais demeurent vide. La lumière extérieure décline en même temps que se ferment les lourdes plaques d’acier m’isolant désormais du reste du monde. Ce n’est pas juste une figure de style, les Mechs peuvent opérer sous n’importe quelles conditions, incluant le milieu aquatique s’il n’est pas trop profond ou l’espace. Des pompes se mettent en marche recyclant l’air alors qu’une voix désincarnée récite son speech, m’indiquant que tous les systèmes sont prêts. Je trouvais ça classe dans le jeu, là, ça n’a tout de suite plus du tout la même saveur.
J’attrape la veste réfrigérante rangée derrière mon siège et je l’enfile en me contorsionnant un peu avant de la brancher à l’endroit idoine. Un bref bourdonnement plus tard et voilà qu’un liquide bleuté commence à parcourir les nombreux tuyaux sillonnant la veste sous le kevlar. Finalement, je m’équipe du casque, l’ajustant pour que les patchs récepteurs situés à l’intérieur entrent en contact avec les bonnes zones de mon crâne. La légende urbaine de cet univers veut que le pilote contrôle sa machine par la pensée. Ça leur donne une aura épique, quelque chose du genre. Mais la réalité est bien différente. Le Lore me revient, c’est le sens de l’équilibre du pilote qui est transmis à la machine, rien d’autre.
Et maintenant ?
Je me sens un peu ridicule, désormais ainsi harnaché, les mains sur les joysticks avec leurs multiples gâchettes, plusieurs pédales devant les pieds, des centaines de voyants lumineux et de boutons parsemant les panneaux latéraux. Un tas d’écrans actuellement éteints en face de moi complétant l’ensemble.
J’ai agi jusque là entièrement par automatisme sans savoir ce que je faisais. Un rien terrifiant. Un petit texte clignote sur un moniteur secondaire. Un pur charabia, mais se terminant par un « ? ». Voilà un symbole qui me parle. Puis soudain, je comprends ce qu’il y a écrit, comme avec la lettre. Du balai pour la théorie de la mémoire musculaire et le reste, ça va bien plus loin. Vraisemblablement, tout ce que sait ce corps, souvenirs, expériences, automatismes, je peux y accéder dans une certaine mesure. C’est un peu flippant, mais ça fonctionne. A priori.
« Contrôle bloqué, en attente de confirmation de l’utilisateur. Mot de passe ? »
Répondant à la question muette de l’écran, je récite le mot de passe, « étoile déchirée », posant ma main droite à l’endroit voulu juste à côté du moniteur. Un nouveau texte apparaît.
« Scan en cours »
Une lumière inonde mon œil droit un moment puis tous les écrans s’allument en même temps me fournissant toutes les infos possibles et imaginables sur la machine dont j’ai désormais pleinement les commandes.
« Prométhée pleinement activé »
Ce naming atroce !
La visière du casque s’illumine aussi, me donnant une vue sur le hangar, changeante alors que je bouge la tête. Comme si j’étais réellement dans celle du Mech. Machinalement, je me retourne pour regarder dans mon dos, et l’image de la visière se modifie en concordance de mon mouvement, me montrant le berceau d’amarrage, actuellement dans sa procédure de détachement, libérant le Mech de son carcan.
Pendant trente bonnes secondes, je teste le système comme un gamin, cherchant un défaut ou un retard d’affichage.
C’est à filer la nausée ce truc !
Une voix retentit alors dans le cockpit comme pour me rappeler à l’ordre.
« Si tu es arrivé jusque là, il est temps de passer à la prochaine étape. Un tas de gens très malintentionné doit être à ta recherche et si l’on en croit la propagande FedCom, ils sont au mieux à quelques minutes de frapper à ma porte, enfin, la tienne désormais. Au pire, ils sont déjà à tes trousses dans le bâtiment. »
Abrège idiot !
« probablement une équipe ou deux des forces spéciales. Comme ils ont mon dossier, ils auront aussi prévu une lance ou deux de Mechs en attente pour le cas ou tu atteindrais ta machine, même si je doute qu’ils sachent où je l’ai parquée.
Au fait, je l’ai renommé exprès pour toi. J’espère que tu apprécies. »
Abrège bon sang !
« je n’ai jamais brillé militairement, alors ils devraient te sous-estimer, tu vas t’en sortir va ! C’est toi le héros après tout. »
Salopard !
« je t’ai préenregistré une série de Nav qui au bout du compte te mèneront à un rendez-vous avec un agent des kell hounds. J’ai aussi programmé l’ordinateur pour que les derniers Nav ne s’affichent que si tu n’es pas en combat. Déjà que je doute qu’ils apprécient tout ce tapage, si en plus tu débarques dans leur repaire avec des poursuivants aux fesses, ils risquent surtout de disparaître et tu devras te débrouiller seul. Massacre les sbires de la salope en chef ou fais-toi discret, à toi de voir, mais ça te concerne toi, pas les pov’ gars des kell hounds. Interdiction de les impliquer avant la toute fin donc. Ils sont juste là pour te faire quitter la planète, rien d’autre. »
Mais c’est quoi ce settings de m…. ! une mise à l’épreuve avant recrutement ? Même Hollywood trouverait mieux ! Enfin, non… peut-être pas.
« Le premier Nav apparaîtra une fois le hangar ouvert. Bonne chance héros ! L’univers connu se languit de toi et t’attend avec grande impatience, Messie en devenir ! »
Mais bien sûr ! Espèce de… !
Machinalement, j’ai déjà la main droite au-dessus d’un clavier, tapant les commandes pour demander l’ouverture des portes du hangar. En même temps, j’appuie légèrement sur une pédale pour faire se mouvoir le Mech au pas. Étrange sensation, le cockpit ne semble pas bouger pour suivre les déplacements de l’appareil. Il n’y a donc pas ce tressautement, cette plongée ou chute vers l’avant quand le Mech avance d’un pas.
La porte du hangar donne droit sur un tunnel rocheux dans lequel je m’engouffre lentement, prenant le temps de m’habituer un peu aux commandes de la machine. Comme annoncé, un point nommé nav1 apparaît alors dans mon champ de vision, à une distance de 2 km. Je jette un œil à un des écrans, représentant une carte grossière des environs pour comprendre que le point indique en fait la sortie de ce tunnel.
Dieux, mais c’est qu’en plus ce grand malade s’est construit une Batcav sous son manoir ou quoi ?
Je m’essaye aux joysticks quelques minutes. Ceux-ci ont plusieurs modes de fonctionnement selon la partie du corps du Mech qu’ils vont contrôler. Je peux diriger précisément les mouvements des bras par exemple, ou juste le torse. Il y a aussi un mode qui me permet de déplacer un pointeur à l’écran, façon souris de PC. Idéal pour actionner certaines commandes sans avoir à se contorsionner pour pousser des boutons à droite, à gauche dans tout le cockpit.
On pourrait croire qu’en 3065 ils aient mis au point des systèmes de contrôle vocal efficaces, mais ma seconde mémoire m’apprit que non, pas assez fiable. Avec les légendes urbaines de machines refusant d’obéir à la voix déformée d’un utilisateur paniqué, stressé, ou encore blessé agonisant.
Mille ans de plus, mais rien ne change de ce point de vue là.
Pour éviter de piquer une crise de nerfs qui ne manquera pas d’arriver si je devais me poser 5 secs au calme, je me repassais ce que je savais de ce monde.
Le cadre date des années 80 et est un micmac sans nom. Chaque année voit son lot d’ajouts ici et là sur un setting s’étalant principalement sur plus de deux cents ans d’histoire, des milliers de planètes, des centaines de factions.
À la base, les auteurs imaginaient un futur ou l’homme colonisait l’espace et les étoiles de manière fulgurante, vivant un âge d’or comme on n’en avait jamais vu. Jusqu’à ce que la cupidité de certains réduise tout ça en miettes. Une guerre civile totale se déclencha alors ne laissant que ruines dans son sillage pendant deux siècles. Le chef et demi-dieu de cette ligue stellaire ou tout le monde était gentil et heureux jusque là, embarqua ses plus loyaux sujets et ses soldats d’élite avant que la corruption ayant entaché le reste de l’univers connu ne vienne les contaminer à leur tour. Ils partirent conquérir d’autres étoiles, dans une partie de la galaxie bien plus éloignée, dans les années 2700 quelque chose. Jurant qu’un jour, ils reviendraient rappeler aux mécréants ce qu’était la grandeur, l’honneur, la justice et tout le tralala.
Pour ceux restés en arrière, ce fut le chaos. Obscurantisme, connaissances perdues et autre classique jusqu’à ce qu’enfin la civilisation renaisse lentement de ses cendres. Non pas pour relancer un âge d’or toutefois, ce serait trop gentil de la part des auteurs. Non, juste pour mieux se faire à nouveau la guerre, utilisant jusqu’a totale destruction les vieilles technologies qu’ils n’étaient plus en mesure de comprendre ni même de fabriquer pour la plupart.
Dans les 3050, les survivants de la ligue stellaires, partis en exil, revinrent tenir leur promesse, possédant toujours la technologie miraculeuse de leur époque, quand le reste de l’humanité en avait perdu des pans entiers.
Sauf qu’entre temps, eux-mêmes avaient bien changé, passant de pacifistes heureux à une civilisation militariste avec un système rigide de castes et où l’eugénisme génétique était de rigueur. Les clans.
Toutefois, comme l’univers est bien fait, surtout quand il sort tout droit de la tête de certains auteurs, les clans eux-mêmes ne furent pas unifiés dans leurs objectifs de reconquête. Tout ce beau monde de se trahir à répétition et de se faire la guerre les uns les autres, encore et encore ruinant de fait leur retour glorieux. Ce qui aurait dû être un massacre à sens unique et une invasion éclair échoua lamentablement.
Et donc, le lieu où je suis, le FedCom ou commonwealth fédéré est un vaste territoire englobant presque un tiers de l’univers connu. La famille régnante est elle aussi déchirée de luttes intestines.
La championne à ce jeu est Catherine, auto renommée Katrina, d’après une ancêtre héroïque pour accroître son prestige. Son principal opposant est son frère, Victor, héritier légitime. À son retour de la guerre contre les clans, il trouva son coin de paradis en ruine suite aux machinations de sa sœur et celle-ci tranquillement installée sur son trône. Ayant vu assez de morts pour le moment et fatigué, Victor partit se faire oublier. Du moins, jusqu’à ce que Catherine, ne supportant pas qu’il puisse continuer de respirer, tente de l’assassiner. Sauf que ce fut la fiancée de Victor qui tomba. C’est digne du parfait manuel pour déclencher une guerre civile à coup sûr.
3065, un an plus tard, Victor a préparé ces troupes et est prêt pendant que Catherine a vu ses alliés l’abandonner un à un. Bref, classique, mais efficace comme background.
Quant à l’autre cinglé avec sa batcav, il veut que je rencontre un agent des kell hounds. Très puissante unité mercenaire d’élite du fedCom dont le chef est en pleine Vendetta officieuse contre Catherine. C’est compliqué, un vrai méli-mélo, des liens familiaux de tout bord, un paquet d’assassinats politique où l’on tue l’entourage de plein de gens au passage et tout le bazar. Même le dalaï-lama finirait par se mettre en rogne s’il devait subir tout ça.
Donc officiellement, chacun fait semblant que tout va bien pour que le peuple reste content et se sente protégé. Les glorieux Hounds gardent vaillamment la frontière de la FedCom contre la menace des clans. Officieusement, ils se sont taillé par la force un petit empire sur cette frontière et attendent l’heure de la revanche tout en défendant leur patrie d’origine.
J’ai vécu des milliers d’heures dans cet univers pour tout un tas de différents jeux. Ça allait du jdr sur table, aux simulations de combats avec figurines plastiques en passant par les jeux vidéos bien sûr, RPG, stratégie globale, squad tactics, simulation de pilotage, sur différentes époques, différentes planètes ou factions. Le point central à toutes ces histoires, c’étaient les Battlemechs, énormes robots de combat humanoïdes, roi des champs de bataille de ce monde.
Pas d’alliés, pas de commandants me hurlant dans les oreilles, je ne dirige rien sinon moi-même et mon Mech. Si je suis entré dans un de ces jeux, c’est vraisemblablement une de ses simulations qui te place dans un cockpit. Pas un des derniers titres récents toutefois, ni un des plus anciens, sinon il y aurait des engins des clans de partout, bah, peu importe.
Plus tard !
J’arrive à la sortie du tunnel rocheux. Je vais bientôt devoir choisir. Me faire discret dans la mesure ou une machine de 70 tonnes de métal grinçant peut être discrète, ou y aller les capteurs à pleine puissance.
En fait, c’est l’histoire du gars qui va grimper au sommet du plus grand arbre du coin pour voir jusqu’à l’horizon. Lui-même est alors plus que visible tout en haut. On peut aussi rester allongé à ramper dans l’herbe haute, mais sans savoir ce qui se passe alentour.
À peine le seuil de la grotte franchie que je pousse la machine jusqu’à sa vitesse Max de 65 km/h et actionne les capteurs à pleine puissance. En même temps, Nav1 disparu de mon champ de vision, promptement remplacé par un Nav2 à 20 km de là, aux abords d’un lac selon ma carte.
Machinalement, je me retourne, sauf qu’il n’y a déjà plus rien à voir dans mon dos. Juste une petite colline en pente douce, un arbre tous les 300 m et des broussailles par-ci par-là dans un océan de verdure. Bien dissimulée la batcave. Les capteurs restent silencieux, pas de menaces ni rien à proximité. Je pousse un long soupir de soulagement.
***
J’arrive aux abords du lac.
Après avoir bien ralenti, j’ai passé un moment à tester les limites de mouvement de ma machine et essayer de m’imprégner des commandes. Futile, mais bon. Ce n’est pas comme si on pouvait faire de moi un expert en si peu de temps. Le film est fini là, dans la vraie vie personne ne devient un pro en 10 sec top sur le prétexte qu’il s’entraine un peu. Vive le héros.
À tout le moins, ça m’évita de trop réfléchir et je commençais même à pouvoir manipuler les contrôles des écrans sans avoir besoin des connaissances du grand malade. Je vais y arriver, un peu de nerf ! Il faut juste réussir à faire abstraction du fait que ce n’était plus mon fauteuil de Geek pour ensuite lier tous les boutons partout avec les commandes que j’avais l’habitude d’utiliser. La blague. D’ici une heure j’allais devenir le plus grand pilote de l’univers. Quand je vous parlais de SAN faiblarde. Je m’étais même permis de reconfigurer les commandes de mon armement aux gâchettes des joysticks comme un vrai pro qui s’y connaît.
Un double bip strident me fit sursauter et je cherchais frénétiquement sur les écrans la source de cette alerte. Tss ! Comme un vrai pro ! Vraiment !
Deux carrés rouges apparurent sur ma visière, sur les berges du lac et un moniteur se remplit d’informations alors que les capteurs affinaient la détection de la cible. Le rouge passa finalement au bleu, l’ordinateur ne reconnaissant pas les deux objets comme une menace. S’ajoutèrent cinq autres points bleus. En regardant les détails sur l’écran, je compris qu’il s’agissait juste de ce qui me semblait être une espèce de jeep, un pick-up, ainsi que leurs passagers. Ils étaient probablement là pour prendre du bon temps sur la berge du lac.
C’est bon grand héros, tu peux lâcher les joysticks, on ne va pas leur tirer dessus hein ? Allez, décrispe tes p’tit doigts tout va bien ! c’est juste des baigneurs !
J’altère mon cap pour passer au large du groupe tout en zoomant sur eux au maximum, en curieux. Des jeunes, la vingtaine, deux gars, trois filles, deux toiles de tente. Si ce n’était le design des véhicules, je pourrais me croire à la maison.
Je les vois soudain, les mains en visière, observant et pointant quelque chose plus loin. J’ai un moment de panique, me présumant repéré jusqu’à ce que je me rende compte que l’angle n’est pas le bon, et puis je dois juste être un point au loin pour eux. Je bataille avec les commandes quelques secondes pour essayer de découvrir ce qu’ils ont remarqué. J’ai comme un picotement dans les doigts de la main gauche, comme s’ils voulaient faire quelque chose, mais je mets trop longtemps à comprendre.
Trois bips stridents retentissent dans le cockpit, se fondant l’un dans l’autre pour ne former qu’une interminable alerte ininterrompue. La voix désincarnée de l’ordinateur de bord m’avertit alors du démarrage de trois réacteurs à fusion. Dans le même temps, trois carrés rouges apparaissent sur ma visière sur la berge opposée du lac.
Les informations détaillées suivent, remplaçant celle du groupe de jeunes.
Trois aéroglisseurs, modèle centipedes, classification, éclaireur. Des véhicules de combat léger. Enfin léger, la blague, pour des appareils de 15 à 20 tonnes quand même. Mais bon, quand le standard est un Mech de 8 m de haut bardés d’armes et faisant 50 tonnes…
Ils bougent désormais alors que l’ordinateur affiche leur nom de code au-dessus des carrés sur ma visière.
Réagi crétin ! Tu vas rester comme ça encore longtemps !
C’est là que je comprends avec bien trop de retard ce que mes p’tits doigts de ma gauche voulaient faire, couper les capteurs actifs pour y gagner en furtivité. Je presse quand même les boutons correspondants, mais trop tard, bien trop tard.
Aussitôt, les trois carrés rouges disparaissent de ma visière, ne laissant que leurs trajectoires estimées en surimpression, selon leurs derniers vecteurs de mouvement.
Je bascule l’affichage du casque en mode tactique, ou mode combat, tout en virant à 90° sur la droite à pleine vitesse. J’ai désormais accès à tout un fatras de données simplifiées sur ma machine sans avoir à scruter les écrans spécifiques les concernant. Une vision plus que familière puisqu’il s’agit de l’interface usuelle dans les jeux. D’un regard, je peux voir la charge des armes, leurs états, les munitions disponibles. Il y a aussi une représentation schématique de mon Mech, actuellement verte, mais qui change de couleurs selon les dégâts subis. Et bien sûr, on y découvre les différentes croix de visées avec leurs rangefinder. Outil pratique consistant en un simple pointeur laser, fournissant la distance à laquelle se trouve l’objet sous le réticule de tir.
Les capteurs en mode passif, j’en suis réduit quasiment à mes seuls yeux pour repérer les trois aéroglisseurs, à moins qu’ils ne s’approchent de trop.
En attendant, je fonce, essayant de m’éloigner tout en scrutant la zone où la machine estime qu’ils devraient réapparaître. Je suis tellement concentré là-dessus que je ne remarque même pas l’arbre devant moi. L’unique arbre à 300 m alentour et il est sur ma trajectoire ! La collision me projette dans tous les sens. Je remercie les sangles qui m’évitent de m’envoler et de m’écraser comme une merde contre une des parois de l’habitacle. Des grincements de métal froissé et de bois rompu retentissent à mes oreilles.
Oh, la machine en elle-même ne craint rien. 70 tonnes lancées à 65 km/h. Ce n’est pas ça qui va lui faire grand mal, ni même la ralentir. Si ce n’est qu’une partie du tronc explosé vient se glisser sous un des pieds du Mech, brisant un rien son équilibre. Si on y ajoute ma technique de pilotage hors pair consistant, suite à l’impact, à agiter les joysticks en tout sens, sans rime ni raison. En concordance, les bras de la machine se mouvaient de manière tout aussi erratique, empêtrés dans un fatras de branchages et de feuilles arrachées, accroissant drastiquement la perte de stabilité globale.
Peut-être qu’à vitesse réduite, j’aurais pu conserver l’équilibre, mais en l’occurrence, ce fut impossible. Le glorieux Warhammer, survivant de maintes batailles acharnées, fier guerrier tout juste renommé Prométhée, se fracassa tête la première dans l’herbe de la prairie, avant de glisser ainsi sur quelques mètres.
Bien sanglé dans mon siège, ce n’est pas le choc initial qui me fit le plus mal, mais le contrecoup, lorsque ma tête revint en arrière se cognant contre le dossier.
L’impact ne fut pas si rude, surtout grâce au rembourrage du fauteuil, mais combiné à tout le reste, la panique, les montées d’adrénaline successive et tout le tralala, ce fut la goutte d’eau de trop.
Que la lumière soit !
Et le monde devint alors tout blanc, brièvement. Vite remplacé par le grand néant.
***
« Tentative extérieure d’ouverture d’urgence du cockpit du Prométhée »
Quoi ??
Machinalement, mes pieds viennent écraser les pédales au maximum, alors que mes mains repliaient les deux joysticks vers l’intérieur, mouvement censé rabattre les deux bras sur le torse.
Les micros externes retransmirent un « clang » métallique suivi d’exclamations et de cris.
Je secoue la tête, chassant les étoiles me dansant encore devant les yeux. Par automatisme, je relance les capteurs actifs tout en actionnant la commande pour que la machine se redresse toute seule. Je n’avais rien à faire sinon me concentrer sur mon équilibre. S’il n’y avait rien de cassé et une simple chute ne pouvait pas avoir fracassé de système majeur, le Mech devrait être debout dans les dix secondes.
De nouvelles imprécations et insultes me vinrent de l’extérieur puis un vrai hurlement. Trois alarmes si rapprochées qu’elles n’en firent qu’une seule retentirent aussi dans le cockpit et trois carrés rouges apparurent dans mon champ de vision. Un à mes pieds, un à une dizaine de mètres sur la gauche, et le dernier à 300 m sur l’arrière.
Le Mech debout, je bloque les bras en automatique cédant leurs gestions à l’ordinateur et bascule les commandes des jambes sur les joysticks pour donner un coup de pied dans l’aéroglisseur voisin. Je laissais faire mes mains, elles connaissaient la manœuvre mieux que moi pour ne pas chuter une nouvelle fois en perdant l’équilibre. Une terrible pensée me traverse alors l’esprit. Et s’il s’agissait juste de pauvres gars en patrouille qui se seraient arrêtés un moment pour profiter du lac ? Ou des sympathisants répondant à l’appel du cinglé ? Trop tard.
J’ai le temps d’observer un corps désarticulé au sol, immobile, probablement celui qui avait essayé d’ouvrir le cockpit. Je note un second individu, le torse sortant à moitié d’une trappe d’accès du centipede. Figé, il fixe le pied du Mech, une expression de terreur absolue sur le visage.
Puis vient le choc, envoyant voler le véhicule un peu plus loin, le flanc défoncé. Je remarque alors un troisième homme, s’éloignant aussi vite que possible. Je le regarde courir distraitement, sonné par les derniers événements et la réalité de la scène.
Le sifflement et l’impact de balles me rappellent à l’ordre. Non pas qu’elles puissent faire grand mal au Mech. Si tout un bataillon d’infanterie faisait feu avec leur plus gros calibre, peut être qu’après une heure ou deux ils commenceraient à entamer sérieusement le blindage par endroit.
Le tir provenait du second aéroglisseur. Le gars derrière la mitrailleuse semble grincer des dents tout en continuant de me viser, sachant pertinemment que ça ne sert à rien. Le canon de la tourelle entreprend de pivoter pour m’aligner, mais l’engin démarre subitement alors qu’il s’apprêtait à faire feu et le rayon d’énergie me manque de peu. Mon propre tir ne laboure lui aussi que l’herbe verte et je lâche un juron.
Les centipedes de ce modèle sont armés d’un laser anti-véhicule de classe dite moyenne et d’une mitrailleuse contre l’infanterie. De mémoire, il lui faudrait me toucher 4 à 5 fois au même endroit avant de percer mon blindage si mes connaissances du jeu peuvent être transposables.
De mon côté, j’ai deux lasers de petit calibre dans le torse, surtout efficace contre des cibles ultras légères, comme une jeep ou un fantassin. Deux autres lasers de catégorie moyenne sont placés sous le cockpit, on peut parler là d’équipement standard anti-véhicule. Deux racks de lanceurs d’obus autoguidés derrière les épaules complètent l’ensemble. Munition limitée, mais très pratique à courte portée. Pour terminer et représentant le point fort majeur de ce Mech, ce sont les deux énormes canons à particules constituants mes deux bras. Le BFG des champs de bataille, jusqu’à ce que débarquent les clans et leur technologie perdue.
Ils devaient bien rire les auteurs des années 80 pour imaginer les armes improbables du futur. Par contre, pas à la façon G. Lucas, mais plutôt celle de la hard SF. Celle où même les chercheurs avec les plus gros cerveaux du monde peuvent s’amuser à décortiquer la faisabilité sans que les auteurs aient à rougir.
Évidemment, un système de jeu ou une arme n’a pas de défauts serait horriblement ennuyeux. Alors les lasers, ça chauffe. Basique, mais efficace et je vais passer les 300 pages expliquant le pourquoi du comment. Les armes cinétiques, comme les obus et missiles, sont limitées par leurs munitions, et peuvent exploser si touchées. Les armes laser, elles chauffent et si utilisée trop rapidement, font littéralement griller le Mech sur place. Les canons à particules ne sont techniquement pas des lasers, mais ils partagent ce défaut, ils chauffent même encore plus.
J’observe le centipede s’éloigner à pleine vitesse, atteignant en un rien de temps les 160 km/h, alors que j’hésite sur la marche à suivre. Le premier est rejoint par le dernier restant. Ils ne vont quand même pas revenir à la charge ?
À 2 km de distance, je les vois se séparer puis faire demi-tour, selon un très large arc de cercle de manière à m’attaquer par deux côtés opposés.
Je lâche un soupir puis je lance mon Mech en marche arrière avant de viser le véhicule sur ma droite.
Si le cinglé aimait autant ce Mech, c’est parce qu’il reste très versatile dans ces capacités et peut opérer sans ravitaillement pendant littéralement des mois. Mais surtout, surtout, du fait que ce modèle spécifique est un des derniers sortis de l’usine. C’est une des premières machines à incorporer les technologies volées aux clans et adaptées aux moyens actuels. Moins efficace, certes que le produit d’origine, mais déjà largement bien plus que ce qui existait. Ça avait dû lui coûter deux fortunes… s’il l’avait acheté.
La première rencontre avec les clans fut un massacre. À tonnage égal leurs Mechs sont plus agiles, mieux blindés, mieux armés et leurs armes sont plus puissantes, plus rapides à recharger en plus d’avoir une plus grande portée. Et ce, sans même parler de l’électronique permettant une précision de tir bien supérieure.
Dans le jeu, la première règle et le prérequis minimum avant d’aller affronter les clans, c’était encore de leur piquer un Mech. Sinon cela revenait à faire lutter en terrain ouvert un mousquetaire de la renaissance face à un gars des forces spéciales possédant un soutien satellitaire, couvert de kevlar, bardé d’électroniques et fusil d’assaut en main. Un défi intéressant que pour une minorité. Moi et ma nouvelle machine étions dans une situation similaire, quoiqu’inverse. J’avais un avantage écrasant.
Mes canons à projection de particule (CPP) ont une portée théorique de plus de 2 km, mais ça, c’est en laboratoire où rien ne bouge et avec un calculateur de visée dernier cri. L’arme du centipede ne dépasse pas les 500 m dans les mêmes conditions grosso modo.
Tranquillement, j’aligne les réticules de visée sur le véhicule et j’attends. 1200 m. 1000 m. 900 m. 800 m. 700 m. À 600 m je presse la gâchette. Actionnant mes deux CPP avec un peu de décalage. Pas de gros rayons lumineux ici. Juste une distorsion de l’air tout au long de la trajectoire entre le bout de mes canons jusqu’a la cible formant comme une hélice de particules ionisées, un rien bleutées. Cible qui explosa soudainement, parcourue d’arcs électriques.
Rapidement, je fais pivoter ma machine, coupant les moteurs pour aligner le second aéroglisseur dans mon dos. Voyant ce qui venait de se produire, celui-ci opérait déjà un virage aussi serré que possible sans pour autant y perdre en vitesse pour tenter de fuir. Mais ça ne suffirait pas. Je les avais laissés approcher assez prêt pour être sur de pouvoir les détruire tous les deux, longtemps avant qu’ils ne soient en dehors de ma portée de tir. Je presse à nouveau la gâchette et la seconde cible explose à son tour. Dans l’instant, je sens la température de l’habitacle monter en flèche. Rien de dramatique pour le moment et déjà les systèmes de dissipation de la chaleur sont à l’œuvre, mais je n’en suis pas moins reconnaissant d’avoir enfilé correctement la veste de pilote.
Celle-ci est parcourue en tout sens de tubes ou circule un liquide réfrigérant. Maigre palliatif pour éviter que le pilote se change en charbon le temps que la machine refroidisse. En même temps, je l’ai bien cherché, étant assis sur un réacteur à fusion, compacte certes, mais nécessaire pour alimenter en continu les différentes armes plus que gourmande en énergie.
Je me demande quand même pourquoi ils ont fait demi-tour, même face à un warhammer ancien modèle, ils n’avaient que très, très peu de chance de succès. Alors pourquoi ?
La tête pleine de questions, je remets mon Mech en marche, reprenant ma route vers le lac et le Nav2.
J’avais à peine les pieds dans l’eau que j’eus ma réponse sous la forme d’une alerte stridente alors qu’un nouveau carré rouge apparaît sur ma visière en provenance du ciel. En fait, ils essayaient juste de gagner du temps pour me bloquer dans le secteur.
Une longue litanie d’insultes me traverse l’esprit, finit la guéguerre, cette fois-ci c’est du sérieux. Un transport de troupes approche à grande vitesse, tous moteurs crachant des flammes alors qu’il ralentit autant que possible afin de larguer sa cargaison à 500 m de là, autrement dit, quasi sur ma tête.
Même si j’ai cru reconnaître un design familier, je regarde les informations détaillées sur l’écran en face de moi. Transport modèle Léopard, capacité d’une lance, soit quatre Mechs. Ou encore une lance hybride mélangeant Mechs et un nombre plus conséquent de véhicules selon sa configuration ou ces rafistolages.
En même temps, un des écrans affiche un nouveau message
« Communication entrante, source, gouvernement de Pherkad, résumé : rendez-vous ou mourez.
Souhaitez-vous visualiser le message et y répondre ? O/N ? »
Peu importe, je m’éloigne déjà à pleine vitesse. Non pas pour les semer, mais pour gagner du temps.
Je change l’affichage de ma visière pour avoir la carte des environs et cherche un lieu où je pourrais jouer sur le terrain pour ne pas avoir à faire face à quatre ennemis en même temps, comme ici.
Toutes les deux secondes, je jette un œil à l’image d’une des caméras extérieures, fixée sur le Léopard désormais en vol stationnaire. Les panneaux de largage s’ouvrent sous son ventre.
Je rebascule aussitôt mon casque en mode combat et je tourne le torse du Mech de manière à pouvoir pointer mes armes dans mon dos. Pour l’avoir observé plus d’une fois dans le jeu, la posture est ridicule et fait grincer des dents tellement elle nous semble peu naturelle. Autant sur un char d’assaut, c’est acceptable de voir la tourelle pivoter dans n’importe quel sens, mais sur une forme humanoïde, ça ne l’est plus vraiment.
Distance 1100 m, je n’espère pas vraiment toucher quoi que ce soit, mais je veux surtout leur envoyer un avertissement pour qu’ils se montrent prudents dans leurs poursuites plutôt que filer à la vitesse max sans réfléchir. J’y perds certes un avantage tactique, ils ne seront pas surpris comme les centipedes par ma portée et ma précision de tir, mais y gagne en termes de temps.
Quatre formes humanoïdes tombent soudainement du léopard qui reprend aussitôt de l’altitude, son largage effectué. Dans le même instant, je presse les gâchettes de mes CPP une première fois, puis une seconde lorsqu’ils sont rechargés.
Sans attendre, je rebascule la visière en mode carte alors que les informations détaillées sur mes nouveaux ennemis commencent à apparaître sur les écrans.
Un trébuchet, 50 tonnes, Mech moyen, servant surtout de soutien à longue portée. Une plate-forme de lance-missiles sur patte.
Deux hussards, 30 tonnes, Mech léger, armé d’un canon laser lourd. De sales bestioles ultras mobiles et équipées pour la chasse au gros. Idéale en meute, puissant, mais aussi ultra fragile.
Et pour finir un firefly, un Mech rare de 30 tonnes, un éclaireur multifonctions ayant échangé une grande part de sa mobilité contre un peu plus de blindage et d’armements. La terreur de l’infanterie et des véhicules peu protégés.
Tous, plus rapide et agile que mon warhammer, même si ça se jouait de peu pour le trébuchet. Tous d’anciens modèles, probablement sortis d’usine il y a deux siècles et inlassablement rafistolés depuis après chaque bataille.
Je ne vois rien sur cette fichue carte à même de servir mes objectifs sinon une ferme d’élevage industrielle. Mais aller par là va vite métamorphoser l’affrontement en boucherie, ce que j’aurais préféré éviter, mais tant pis. Ben ouaip, imaginez nos machines lancées au milieu de troupeaux de bétails paniqués, boucherie quoi. Je change de cap, laissant le Mech avancer en autopilote pour repasser en mode Tactique et surveiller mes poursuivants.
J’ai dû toucher le trébuchet je ne sais comment, son bras gauche se terminant par une main articulée est parcouru d’étincelles, pas de quoi sauter de joie non plus, mais quand même.
Ils me suivent à 1500 m de distance, leur vitesse réglée sur la mienne. En formation espacée, firefly à l’avant, trébuchet au centre, hussards sur les flancs.
Les minutes passent et rien ne change sinon que je me rapproche de plus en plus du corps de ferme que je ciblais. Quelqu’un chez eux a dû comprendre ce que j’essayais de faire, car les voilà qui accélèrent soudainement.
Je coupe aussitôt mes capteurs actifs. C’est surtout une histoire d’électronique. Ainsi je complique le travail des systèmes de visée et d’acquisition de tir ennemi, se servant du signal de mes propres capteurs pour remonter à leur source afin de me localiser et verrouiller leurs armes. Mais surtout, pour éviter de me faire pilonner à distance par les missiles du trébuchet, seule arme adverse pouvant rivaliser en termes de portée avec mes cpp. Ma précision en sera tout autant affectée, mais j’ai un meilleur Mech.
Mon radar est soudainement vide, mais je sais que j’ai aussi disparu de leurs écrans. Nous sommes trop éloignés, actuellement pour la machine, nous n’existons plus. S’ils doivent quitter le champ des caméras, ou si nous entrons subitement dans une zone encombrée, nous devrons batailler quasi en aveugle, ce qui, vu le rapport blindage/armement réciproque, devrait être à mon avantage. Bien plus qu’un combat en terrain découvert en tout cas. C’est ce que je cherchais en me dirigeant vers cette ferme, et bien sûr, ça ne leur plaît pas. Il faudrait que nous soyons bien plus proches, pour que l’électronique redevienne utile.
Les deux hussards sont désormais à plein régime et s’efforcent de me flanquer par la gauche et la droite. Vu qu’ils peuvent atteindre le triple de ma vitesse, mon avance ne va pas durer longtemps.
Le trébuchet tente de suivre, mais il ne peut pas non plus proprement me foncer dessus à pleine vitesse. Il ferait une cible facile une fois à portée. Il doit donc approcher un peu par le côté, de biais. La même chose pour le firefly. La manœuvre à certainement un nom précis qu’il me faudra découvrir un jour, juste pas aujourd’hui.
Toujours est-il que je devrais arriver à la ferme avant qu’ils soient à portée de tir à peu de choses près, je peux ignorer ces deux-là pour le moment.
Il n’y avait finalement pas une grande différence entre les deux hussards et les centipedes précédents. Les deux s’efforçaient de me prendre en tenaille, les deux étaient aussi faibles face à mon Mech et les deux cherchaient à me ralentir. La seule disparité en plus du physique évident, étant leur armement plus dangereux, mais rien non plus de dramatique.
Je lâche un claquement de langue, un rien agacé. Voilà que mes habitudes de joueurs tentent de s’imposer sauf que là, c’est plutôt contre-productif.
C’était qu’un jeu, espèce d’idiot, ne va pas oublier ça ! t’en connais beaucoup toi peut être des soldats revenant de campagne avec plusieurs centaines, voire un millier de kills confirmés à leur actif ? Capable à eux seuls de changer le cours d’une guerre ?
Tu cherches à éviter de te faire tuer, pas de rentrer à la base avec un score parfait en héros. T’as même pas de base en plus, crétin ! Réveille-toi !
Gardant cette idée à l’esprit, je cible le hussard de gauche. Je fais pivoter torse et armes de mon Mech dans sa direction tout en continuant d’avancer vers la ferme en ligne droite.
Là, c’est finalement le passage que les profs de math adorent. La machine fait ça toute seule comme une grande et j’ai juste à placer la croix à l’endroit indiqué pour faire mouche, merci calculateur de visée. Sauf que présentement, le Mech ne détecte pas la cible. Il ne peut pas la verrouiller et encore moins fournir des solutions de tirs. Nous voilà tous réduits à tirer au jugé. Ce qui me force en toute logique à effectuer moi-même le travail de la machine. Prendre en compte les vitesses relatives, angles et positionnement des belligérants, sans négliger les temps de réaction moyens d’un humain normalement constitué. N’oublions pas le léger délai entre le moment où est pressée la gâchette et la mise à feu de l’arme ou encore les forces de Coriolis courbant la trajectoire d’une balle et autre brouillard pouvant dévier un laser. On y croit très fort !
Autant s’en remettre à la chance, viser grossièrement et canarder jusqu’à toucher quelque chose. Ça ne me poserait pas de problème si chaque tir de CPP n’allait pas changer mon cockpit en four de plus en plus brulant.
Les hussards semblent hésiter à lancer l’offensive et je les comprends parfaitement. À six ou huit contre un. Ils sont vainqueurs à coup sûr, en perdant au pire, une, peut être deux machines. Ce qui, en terme tactique aussi bien que financier, est un échange digne de louanges.
Mais là, ils ne sont que deux… finalement, celui dans mon dos effectue le premier pas, débutant l’attaque en me fonçant dessus, bientôt suivi par son partenaire. J’allais avoir quelques tirs « gratuits » d’ici à ce qu’ils soient eux même à portée. Autant faire en sorte qu’ils comptent.
J’aligne les croix de visée sur la cible lorsque soudainement, celle-ci se lance dans des manœuvres d’évitement pour me compliquer la tâche. Simple changement aléatoire de caps et de vitesse, mais c’est efficace. Dans l’absolu, elles ne sont pas si aléatoires que cela, ou la manœuvre par elle-même n’aurait plus aucun sens. En l’état, elles suffisent pour leurrer les calculs de la machine pour une seconde ou deux et c’est très bien ainsi. C’est juste que chacun a ses habitudes et son caractère et cela transparaît parfois de manière évidente pour peu que l’on observe attentivement.
Les pilotes connus, surtout d’un ennemi potentiel, sont très souvent étudiés pour trouver ce genre de failles, en plus ça sert de leçon pour nos propres gars. Et voilà que je parle comme si je vivais dans ce monde.
Ben c’est le cas maintenant nan ?
Je lâche un autre claquement de langue, encore plus agacé.
Bordel, ferme là un peu le cerveau de malheur, on s’entend plus guerroyer par ici ! Un peu de focus connard, arrête de partir en tout sens !
Je commence ma séquence de tir, alternant cpp gauche et droite, avec assez de délais entre chaque coup pour évacuer l’excédent de chaleur généré par l’arme.
Raté, trop cours, raté, trop à droite, raté, enfin frôlé. N’étant qu’un canon sur jambes, le hussard n’a pas à proprement parler de vrai bras proportionné, mais plus une armature articulée et c’est cela que je venais de griller.
Raté, encore raté, je prends une longue inspiration et change ma manière de procéder. 800 m. Dans mon dos, l’ennemi commence lui aussi à faire feu, mais son premier tir, un fin rayon dans des tons vert, ne fait qu’incendier l’herbe 15 m plus loin.
Cette fois-ci j’attends ma cible là où j’estime qu’elle devra passer plutôt que la suivre de mes réticules de visée.
Là !
Je fais feu de mes deux canons, légèrement en différé. Le premier tir, un rien en avance, frôle le cockpit, abandonnant dans son sillage quelques arcs électriques à la surface du Mech. Le second vint le percuter en plein centre, traversant le blindage comme du beurre, ravageant les composants internes puis le réacteur à fusion. Ma visière s’illumine, aveuglante, trop rapidement pour que les filtres compensateurs ne puissent intervenir. Je peux juste entrevoir une petite bulle d’énergie, tel un mini soleil. Bulle se dilatant soudainement, sa surface englobant la totalité du Mech avant de disparaître dans le même instant. À peine s’il ne reste à sa place que quelques fragments de métal tordus pour indiquer le lieu de l’affrontement. Ça et un cratère de 10 m de large. Je demeure figé un bon moment devant mon tir, mi-exultant par sa réussite, mi-horrifié par le fait que le pilote ennemi n’avait aucune chance de s’en sortir, qu’il ait pu s’éjecter ou non.
Arrête de rêver ! Ce n’est pas terminé !
Clignant un peu des yeux, je fais pivoter le torse de mon Mech et ses armes vers le second hussard. Juste à temps pour voir le rayon de son dernier coup labourer l’herbe à mes pieds. 700M
Je coupe les moteurs, lance la manœuvre pour aligner l’orientation des jambes du Mech sur celle du torse, ce qui me fait parcourir un petit arc de cercle, se resserrant tandis que je perds en vitesse. Le troisième tir du hussard vient s’égarer loin au-devant de mon Mech, n’ayant pas anticipé mon geste. J’engage alors ma machine à pleine vitesse, fonçant droit sur l’ennemi.
Rapidement, je relance les capteurs actifs. Je n’ai aucune intention de rater mon prochain tir. Aussitôt, deux alarmes successives retentissent dans le cockpit.
« Alerte missile, système de visée ennemi en cours d’acquisition »
Je l’ignore royalement, alignant la croix de visée sur le hussard qui avait entre temps obliqué sur sa gauche à 45° à 500 m de distance. Mon tir guidé par l’ordinateur, je fais feu de mon canon droit lui arrachant la jambe droite quasiment au point de jonction avec le torse. À pleine vitesse, le Mech s’écrase au sol tout en glissant sur plusieurs mètres avant de finalement s’arrêter.
Deux alarmes successives retentissent alors qu’une voix désincarnée m’informe de missiles en approche.
Je coupe la propulsion de mon warhammer et fais face aux deux ennemis restants. J’ajuste ma visière sur la salve de 35 missiles en approche très rapide. 2x15 pour le trébuchet et ses deux gros lanceurs, 5 en provenance du firefly. J’ai toujours voulu tester ça en jeu et je ne suis pas le seul. Un tir de cpp s’accompagne d’un puissant champ électrique, capable de griller à l’impact, la plupart des systèmes électroniques non protégés. Théoriquement, cela inclut les systèmes de visée et verrouillage des missiles. Beaucoup de spéculations vont bon train à ce sujet, mais les jeux n’ont jamais permis de tester la chose.
Pas le temps de vraiment réfléchir non plus. Je pointe mon canon gauche, le droit étant toujours en train de recharger, sur la nuée en approche et fais feu quasiment au dernier moment. Dans le même mouvement, je coupe les capteurs actifs et lance le Mech à pleine vitesse en marche arrière.
Mon tir est plus que raté. À peine si la frange de l’hélice ionisée vient frôler la salve de projectiles sur sa gauche. Je vois trois missiles se détacher toutefois des autres. Toujours ça de prit.
Grâce à ma dernière manœuvre, bien plus effective, elle, une partie de la nuée perdit aussi sa cible. D’autres missiles ne purent compenser à temps mon changement de position et s’écrasèrent juste là où je me trouvais l’instant précédent. De trop nombreuses explosions vinrent néanmoins secouer ma machine.
Le cinglé aurait quand même pu installer un système antimissile tant qu’à faire !
Je jette un coup d’œil à l’écran montrant la santé de la totalité des composants du Mech, tous étant toujours dans le vert, blindage inclus. Dans le jeu, les missiles occasionnaient deux points de dégâts quand les Mechs de type lourd comme le mien ont une vingtaine de points de blindage. Il faudrait donc une dizaine d’impacts localisés dans la même zone pour commencer à être effectifs. Ça peut sembler énorme, mais il faut aussi se dire que je porte facile plus de 20 tonnes de blindage. Ça fait relativiser. Accessoirement mes cpp font dans les 15 dégâts et les mecs légers en face ont moins de 10 pt de blindage. Mais bon, ça, c’est pour le jeu. La réalité ne paraît en tout cas pas si éloignée que ça pour le moment.
Des rayons verts percent soudainement le nuage de poussière, provoqué par les explosions des missiles et me bloquant la vue. L’un d’eux vint même percuter mon bras droit, juste assez pour commencer à faire fondre la protection en surface. Dégâts plus que négligeables, provenant probablement du firefly en limite de portée.
Une idée tordue me traverse alors la tête et sans trop réfléchir, j’inverse la propulsion du Mech pour repartir en marche avant et me planque dans la fumée où je coupe les moteurs. En parallèle, je compte.
Le firefly a une vitesse de pointe de 80 km/h soit 22 m par seconde. Non pas que je vienne de le calculer, c’est juste une donnée usuelle du jeu bien plus pratique pour planifier des opérations tactiques.
1, 2, 3, je prends une longue inspiration, 4, 5, 6, encore un peu. 7, 8, ce n’est pas non plus comme si le nuage de poussière va rester en place éternellement. 9, 10, juste encore un peu.
11, 12, je lance le Mech à pleine vitesse, quittant la fumée se dissipant rapidement pour foncer vers là où j’estime que se situe le firefly. Je n’ai pas le temps de basculer les capteurs en mode actif qu’une alarme retentit et qu’un carré rouge en surimpression sur ma visière me signale le Mech ennemi, sur ma gauche à 350 m. Autant pour mes prévisions complètement foireuses ! Ça veut aussi dire que nous sommes assez proches pour que l’électronique repère l’adversaire même en l’absence des radars et appareillages de détections.
Il a visiblement ralenti et semble perplexe, je suppose qu’il devait me chercher. Aussitôt, je pivote mes armes vers lui, orientant mon Mech pour une approche à 45° et il fait de même. Trois rayons verts sortent des lasers moyens sur son torse et deux d’entre eux vont percuter ma jambe droite y vaporisant plus d’un tiers du blindage. En parallèle, mes deux canons moyen sous le cockpit frappent son lanceur de missiles. Quatre petits obus autoguidés quittent leur berceau sur mes épaules, mais c’est déjà trop tard pour le firefly. L’impact de mes lasers ravage la faible protection de son lance-missiles provoquant la détonation de son contenu. L’arme est littéralement vaporisée et toute la zone environnante subit des dégâts importants. Je m’attendais presque à voir se déclencher une explosion en chaîne, se propageant au container transportant son stock de projectiles, mais non.
« Alerte missile, système de visée ennemi en cours d’acquisition »
L’explosion projeta violemment le Mech au sol, faisant rater mes 4 petits obus qui prirent alors de l’altitude pour revenir s’écraser dans la zone du crash. Le Mech n’était probablement pas détruis, mais certainement hors combat pour le moment et j’avais plus urgent à faire que m’acharner dessus.
La voix désincarnée de la machine m’informe alors qu’une volée de missile est en approche. Le trébuchet avait dû se verrouiller mon Mech au travers de l’électronique du firefly, assez longtemps pour permettre un tir.
Je manœuvre pour opérer un arc de cercle afin de ne pas perdre en vitesse et faire face à la salve en approche. Je fais alors feu de mes deux cpp. Le premier tir est totalement raté. Quant au second, il élimine la moitié des missiles. Le reste vint percuter mon Mech et le sol alentour pendant que j’actionne mes capteurs actifs.
Le trébuchet se révèle, 600 m sur ma droite.
« Alerte missile, système de visée ennemi en cours d’acquisition »
Je ne lui laisse pas le temps de me verrouiller, coupant les capteurs actifs tout en m’orientant vers lui.
Les cpp à peine rechargés que je fais feu à nouveau, rapidement, ciblant le trébuchet. Double raté alors que la température du cockpit monte en flèche. 500 m. il fait feu lui aussi avec ses lasers, rayons se perdant bien au-dessus de ma tête. Je tire encore, sectionnant son bras droit au niveau du coude. La chaleur devient étouffante.
« Alerte température excessive »
Nous sommes quasiment à la distance ou même en mode passif, l’électronique va repérer le Mech ennemi. 400 m. Encore une fois, j’actionne les capteurs du Mech.
« Alerte missile, système de visée ennemi en cours d’acquisition »
Je m’engage dans une approche à 45° tout en orientant le torse du Mech pour faire face à l’ennemi et il fait de même, initiant le cercle mortel comme on l’appelle. Chacune des machines tente de tourner autour de son adversaire, tout en conservant la même distance relative. Test d’adresse et d’habilité de pilotage tout en usant son armement au maximum.
Refrénant l’utilisation de mes cpp pour ne pas griller sur place comme une mauvaise merguez, je fais feu de mes deux lasers moyen, ainsi que mes lanceurs d’obus, poursuivant ensuite l’assaut aussitôt les armes rechargées. Là où aurait dû se trouver ma cible, il n’y a toutefois plus que du vide. Actionnant maints réacteurs crachant des flammes, le Mech ennemi vient littéralement de décoller du sol, projetant sa masse de 50 tonnes dans les airs. Il tente de faire feu en plein vol, mais ses tirs se perdent au loin. Rarement vus sur les Mech lourds ou d’assauts, les réacteurs de sauts n’en sont pas moins fréquents sur les Mechs moyens et légers. Permettant parfois des bonds en hauteur atteignant quelques dizaines de mètres, ou de sauter un obstacle d’une centaine de mètres en longueur. Puissant outil tactique, mais qui pèse des tonnes, réduisant d’autant les capacités offensives et défensives du Mech.
La volée de missiles que je m’attendais à recevoir ne vint pas par contre. Vraisemblablement, dans un souci d’économie de munitions et probablement aussi pour avoir un tir bien plus précis une fois de retour au sol. Il était bien plus judicieux de temporiser quelques secondes, d’être bien plus stable pour faire feu plutôt que prendre le risque d’un tir incertain en plein vol. Ce n’est pas non plus comme s’il avait des missiles en nombre illimité. Le problème, c’est qu’être rationnel et attendre la meilleure opportunité ne permet pas toujours la victoire.
Brisant le cercle mortel, je lui fonce dessus, du moins là où j’estimais qu’il devrait atterrir, réduisant la distance entre nous. 200M
Au dernier moment, je coupe les moteurs, laissant le Mech s’arrêter de lui-même. Je pointe toutes mes armes vers le trébuchet, et actionne toutes les gâchettes en même temps, incluant même les deux lasers de petits calibres montés dans le torse.
Aussitôt une alarme retentit dans le cockpit.
« Alerte température excessive »
« Coupure automatique des systèmes imminente. »
« Outrepasser la coupure automatique des systèmes ? O/N ? »
Trop tendu et lent à réagir alors que j’attendais de voir le résultat de mes tirs, je sursaute lorsque soudainement tous les écrans passent au noir. Tous les voyants s’éteignent d’un seul coup. Je me retrouve dans le noir total avec pour seule compagne ma respiration excessive, à la limite de l’hyperventilation, dégoulinant de transpiration.
Plus un bruit, plus un son sinon ici et là les distorsions du métal surchauffé constituant la carlingue de mon warhammer.
Je serre les dents, anticipant une grosse masse s’écrasant sur le cockpit de mon Mech, me réduisant en pulpe indéfinie par la même occasion. Ou bien, une lueur orangée signifiant qu’un tir de laser porte le blindage du cockpit au rouge, encore et encore, pendant plusieurs minutes sans jamais asséner le coup de grâce, me carbonisant à l’intérieur de l’habitacle en une lente agonie. Mais rien ne vient. 10 secondes passes, puis 20 alors que je respire difficilement, accablé par la chaleur excessive.
Puis tous les systèmes reprirent vie. Et un message familier apparut sur un écran.
« Contrôle bloqué, en attente de confirmation de l’utilisateur. Mot de passe ? »
J’ai un moment de vide, incapable de me souvenir de ce fichu mot avant qu’il ne me revienne brusquement et que je le prononce, frénétique.
Les moniteurs reprennent vie, se remplissant d’informations. Pas d’alertes ni de sonnerie stridente.
Un nuage de fumée noire s’échappe de la carcasse du trébuchet en face de moi.
Un nav3 s’affiche sur ma visière, distance 35 km, au beau milieu d’une chaîne montagneuse. Pour la dernière fois, j’espère, je coupe les capteurs actifs et prends la direction indiquée alors que les dissipateurs thermiques ramènent la température à un niveau acceptable.
Une demi-heure plus tard, je me rends compte que le cinglé a négligé une information essentielle dans tout ce qu’il m’a raconté et laissé. J’ai comme l’impression que je vais avoir l’air ridicule quand on va me demander qui il est, enfin qui je suis désormais.
Cet espèce d’idiot a oublié de me donner son nom !